Livres/Les auteurs qu’on aime. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec « Parade » de la Britannique Rachel Cusk et son nouveau roman autour de quatre personnages, tous nommés par la lettre G. On enchaîne avec « L’Avion, Poutine, l’Amérique… et moi » du toujours impeccable Marc Dugain qui, après avoir sondé les arcanes élyséens, ouvre grand sur le monde, avec un narrateur devenu écrivain après été dans la finance à New York. On boucle avec « Le Grand Quand » d’un autre Britannique, Alan Moore, hier un des meilleurs scénaristes des comics et aujourd’hui maître de l’« urban fantasy ».
RACHEL CUSK : « Parade »
Pour le magazine littéraire anglais « Granta », dès 2003 et six ans après la publication de son premier roman, il n’y avait aucun doute : Rachel Cusk, née le 8 février 1967, figurait déjà parmi les vingt meilleur.e.s jeunes romancier.e.s britanniques.
Vingt ans plus tard, l’écrivaine et essayiste est tenue pour une des écrivains majeurs anglo-saxons. Ce que prouve son récent roman, « Parade ». Voilà un livre qui brille et virevolte par son originalité et sa technique rédactionnelle.
Les codes de la fiction sont fracturés, avec un texte en quatre temps pour quatre personnages, quatre artistes tous (pré)nommés par la simple lettre G. Il y a le peintre G dont la femme a été agressée et cherche le sens de cet acte ; la jeune artiste G qui se satisfait du regard toujours satisfait de son mari ; la célèbre G dont la rétrospective est marquée par une chute mortelle ; l’écrivain G qui devient réalisateur sous pseudonyme pour évoquer des sujets sans que sa personnalité ne soit révélée…
Certes, quelques lecteurs seront désarçonnés par « Parade », un texte délicatement abstrait, mais Rachel Cusk (prix Fémina étranger 2022 pour « La Dépendance ») signe un roman impeccable où cohabitent des thèmes aussi divers que la création artistique, le deuil, la violence ou encore la féminité…
- « Parade » de Rachel Cusk. Traduit par Blandine Longre. Gallimard, 210 pages, 20 €.
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MARC DUGAIN : « L’Avion, Poutine, l’Amérique… et moi »
Soit, à la fin des années 1980, un jeune Français, il a une trentaine d’années et bosse dans la finance. On lit : « La fête capitaliste, c’est à ça que j’assistais du haut du gratte-ciel de Manhattan ». The place to be « pour la finance, c’était comme le golf de St Andrews en Ecosse pour les golfeurs »…
Et après avoir plongé dans les arcanes élyséens avec « Tsunami », le toujours impeccable Marc Dugain ouvre sur le monde avec son nouveau roman, « L’Avion, Poutine, l’Amérique… et moi ».
Certain.e.s veulent voir, dans ces pages, de l’autofiction ; on sait seulement que, après son séjour à New York et un drame personnel, le narrateur revient dans une Europe où l’URSS plonge dans un chaos annonciateur de l’avènement de Poutine.
Alors, au tournant de la quarantaine, le narrateur devient écrivain et se lance dans de grandes enquêtes : d’abord, la tragédie du sous-marin Koursk qui sombre le 12 août 2000 avec ses 118 hommes d’équipage, puis sur la disparition des deux avions de Malaysia Airlines en 2014 (239 et 298 victimes)…
S’interrogeant dans ce thriller tentaculaire aussi sur l’amour et l’amitié, le narrateur (et Dugain ?) ne se fie pas aux discours officiels- il veut à tout prix mettre à jour les vérités enfouies. Avec l’écriture, y parviendra-t-il ?
- « L’Avion, Poutine, l’Amérique… et moi » de Marc Dugain. Albin Michel, 354 p, 22,90 €.
ALAN MOORE : « Le Grand Quand »
Outre-Manche, il fait figure de « titan de la pop culture ». Né en 1953, Alan Moore n’a quasiment jamais quitté à Northampton, sa ville natale. On le tient- à juste titre- pour un géant parmi les scénaristes des comics, dont « Watchmen » et « V pour Vendetta ». Il est passé à l’écriture romanesque, est un écrivain « magicien » comme il aime se définir et pose là dans le domaine de l’« urban fantasy ».
Ainsi, avec « Le Grand Quand », premier tome d’une série titrée « Long London » (cinq volumes annoncés) il signe une nouvelle fois un texte follement imaginatif, formidablement foisonnant.
Ainsi, nous voilà transportés à Londres en 19849. Dennis Knuckleyard est jeune, sans argent et aspire à devenir écrivain. Il travaille dans une librairie, la patronne l’envoie chercher des livres rares chez un bibliophile. Problème : il découvre qu’un des livres n’existe pas- plus exactement, il s’agit un texte imaginaire dans un livre bien réel.
Un texte qui provient de l’autre Londres, le Grand Quand. Dans cette ville, dans ces bas-fonds, les rêves et les réalités ou encore les époques se mêlent les unes aux autres, la Poésie et le Crime sont incarnés par des créatures terrifiantes. Précision : si Dennis ne ramène pas le livre demandé par sa patronne, la mort lui est promise…
- « Le Grand Quand » d’Alan Moore. Traduit par Claro. Editions Bragelonne, 386 p, 25 €.
Serge Bressan