les sentiers de neige
"Les Sentiers de neige" : le nouveau roman de l'écrivain québécois Kev Lambert nous emmène dans le monde parallèle de l'enfance (c) Bénédicte Roscot

Livres/« Les sentiers de neiges ». L’écrivain québécois Kev Lambert a, à 32 ans, raccourci son prénom. Et surtout, après le prix Médicis en 2023, il publie son quatrième roman, « Les sentiers de neige ». Mieux que nul autre, il sait écrire les traumas. Un livre enthousiasmant en forme de conte de Noël…


« Les sentiers de neige » : L’écrivain québécois Kev Lambert écrit comme personne sur les traumas


les sentiers des neiges
« Les sentiers de neige » de Kev Lambert

A chaque année, son conte de Noël. Pour la version 2024, il nous vient du Canada, est titré « Les sentiers de neige » et signé Kev Lambert, l’écrivain de 32 ans, originaire de Chicoutimi et qui, en 2023, avait reçu le prix Médicis pour son troisième roman, « Que la joie demeure », publié sous son patronyme d’alors, Kevin Lambert.

Confidence de l’auteur : « C’est un projet très différent du précédent. J’ai besoin de me transformer à chaque livre et je pense que ça me permet aussi de ne pas être dans le stress, l’anxiété et les attentes ».

Après deux citations, l’une de Jean Genet, l’autre de Stephen King, l’incipit des « Sentiers de neige » : « L’histoire commence un 23 décembre 2004, à l’aurore, alors qu’un enfant traverse la rue des Geais-Bleus. Il tombe de gros flocons, le sol est enneigé, Zoey traîne ses bottes aux feutres humides jusqu’à l’arrêt d’autobus. Son chemin a laissé un collier de traces de pas qui remontent, si on les suit, vers un bungalow étroit »

Zoey, garçon de 8 ans, est enfant de parents divorcés. Ce sont les vacances de fin d’année, pas d’école, il retrouve sa cousine Emie-Anne- elle est un peu plus âgée que lui. Ensemble, ils vont s’échapper de ce monde d’adultes réunis dans la maison près du lac Saint-Jean. Direction : un monde parallèle. Leur monde.

Là où ils doivent remplir une mission : sauver Skyd, une créature échappée de leur jeu vidéo. Théoriquement, la créature va les aider à régler leurs traumatismes personnels : pour Zoey, la séparation de ses parents et son identité trouble ; pour Emie-Anne, les retombées de son adoption et la triste perspective que ses « réserves d’émerveillement s’épuisent »



Pour les deux enfants, aucun doute : ils sont convaincus d’être en sursis, que dans peu de temps ils auront rejoint le monde adulte et qu’alors, se sera envolé leur capacité d’imagination, cette capacité qui « construit et détruit, ouvre des tunnels inconnus ».

  « Les sentiers de neige », c’est une plongée vertigineuse dans la vie intérieure de Zoey et Emie-Anne. Commentaire de Kev Lambert : « Quand on aborde les traumas dans les arts, c’est souvent sous une forme fragmentaire. C’est logique parce que le trauma, par définition, a quelque chose qui échappe au discours, à la possibilité de le raconter, ça résiste à la parole. Je me suis rendu compte que pour arriver à une forme de guérison, il faut arriver à une capacité narrative. À inscrire le trauma dans une histoire, dans une aventure existentielle humaine ».

Et de glisser qu’il a beaucoup lu l’écrivain américain Stephen King : « Dans presque tous ses livres, on trouve l’infigurable du trauma. Formellement, j’avais envie que le roman adopte certains traits de cette littérature que j’aime ».

Les deux enfants, Zoey et Emie-Anne, espèrent pouvoir fuir ce monde vain, vieux et vulgaire que leur promettent leurs parents qu’ils tiennent pour des « barbares » et qui ne cessent « d’inventer des règles, établir des frontières, interdire la rigolade, s’inquiéter pour des niaiseries ».

Alors, trouver la porte, ce monde magique comme dans « Le Monde de Narnia », cette série de C.S. Lewis où des enfants trouvent un monde magique au fond d’une armoire ? Kev Lambert : « Cette porte, je l’ai vraiment cherchée… Il y a dans ces récits la promesse que tu vas trouver un autre univers où tu vas avoir une place, une importance, où tout le monde va t’aimer. Enfant, je ne me sentais pas toujours aimé, parce que j’étais dans un monde qui ne m’acceptait pas vraiment, et j’ai beaucoup rêvé de trouver ma place ailleurs ».

Au fil des pages, et sans prévenir, l’auteur passe du « il » au « elle », au « elle » ou au « on ». Les deux enfants n’entrent pas dans la norme : Zoey passe ses jours et ses nuits à dissimuler ses goûts « de fille » tandis qu’Emie-Anne, enfant adoptée, est traitée de « petite Chinoise » et qu’elle n’est une « vraie » de la famille Lamontagne.

En bouclant son conte de Noël et donc son quatrième roman, Kev Lambert n’emmène pas lectrices et lecteurs seulement sur « Les sentiers de neige », il écrit comme personne sur les traumas… Son ultime souhait : « J’aimerais que ce livre résonne un peu avec l’enfance des lecteurs, qu’il rallume cette petite flamme-là »

Serge Bressan

  • A lire : « Les sentiers de neige » de Kev Lambert. Le Nouvel Attila, 432 p, 21,90 €.

EXTRAIT

« Il fait clair comme le jour, un jour bizarre, renversé comme une photo en négatif. La neige rayonne d’une teinte bleutée, phosphorescente, qui donne au sol la texture luminescente des veilleuses qui nous permettent de trouver notre chemin quand on se réveille la nuit dans la maison mangée par les ténèbres. Des zones d’ombres, des amoncellements de neige dessinent des creux sombres où la lune ne se rend pas.

L’entité dépasse les voitures stationnées, gambade vers le lampadaire qui émet une auréole jaune jurant dans le bleu intégral du paysage… »

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