"Les Valseuses" : sorti en 1974, le film de Bertrand Blier fut adapté au cinéma du premier roman culte du réalisateur, dont on fête le 50ème anniversaire de la parution. Photo (Gérard Depardieu, Miou-Miou et Patrick Dewaere) -DR

Livres. Il y eut un film qui connut le grand succès. Mais auparavant, ce fut un roman. Cette année, on fête le 50ème anniversaire de sa parution et, pour l’occasion, il est réédité. Devenu livre culte, « Les Valseuses » est un « road movie » diablement littéraire, allègrement déjanté. Gloire éternelle à son auteur, Bertrand Blier !


« Les Valseuses » de Bertrand Blier : « road movie » littéraire bien déjanté


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« Les Valseuses », fut d’abord un roman de Bertrand Blier, avant d’être un film à succès adapté au cinéma par le réalisateur.

D’entrée, le ton est donné. En première page, six lignes pour des mots qui se bousculent sur un rythme effréné. « On est des cons. On a commencé par piquer une bagnole, comme ça, juste histoire de faire, parce qu’on savait quoi faire. Le samedi, on sait jamais quoi faire. Le dimanche non plus d’ailleurs. Le cinéma ça nous emmerde, les filles sont connes et puis faut du blé, et on en a pas ».

Cinquante ans après sa première parution, voilà donc la réédition d’un livre culte. « Les Valseuses ». Auteur : Bertrand Blier. Et ce souvenir de 1972, date de la parution du roman. Alors, dans la société française à peine débridée bien que post-soixante-huitarde, ça a choqué les « bienpensants »… Johnny H. était déjà là et les hippies en chemise à fleur chantaient l’amour et la paix. D’autres vivaient « Sex & drugs & rock’n’roll ».

Et puis, il y avait Bertrand Blier, fils de… Bernard Blier, star du cinéma (et, accessoirement, du théâtre) français, et de Gisèle, mère discrète. Les études, ça ne l’a jamais branché- un jour, son acteur de père lui dit aimablement : « Bien, maintenant, on va arrêter les conneries avec les études. Tu vas bosser », organise à la maison un « dîner entre hommes » et leur dit : « Je vous le confie ».



Parmi les convives, se trouvait le réalisateur Henri-Georges Clouzot qui l’invite avec son père à une projection- à la sortie, Bertrand Blier annonce à son père : « Je veux être réalisateur. C’est ce que je veux faire ». Réponse du père : « Tu vas passer ta vie à diriger des cons… »

Fragile des bronches, le « fils de » a passé aussi beaucoup de temps dans cette maison familiale, il y avait un grand nombre de livres. Il a lu beaucoup : « A l’époque, quand on était malades, on se couchait, on était alités, et par terre il y avait des bouquins, se souvient-il. On pouvait rester une journée entière à lire des bouquins merveilleux, que mon père avait dans sa bibliothèque. Ce sont des souvenirs merveilleux »

La trentaine passée, il passe à l’écriture d’un roman. Son premier, « Les Valseuses ». Il confie que l’histoire lui « vient de mes lectures, surtout policières. Des séries noires américaines, qui se trouvaient chez mon père. Ce sont ces lectures qui m’ont dressé contre la bourgeoisie, et pour une certaine société de voyous, qui existait à l’époque avec des gens comme Stanley Kubrick. « Les Valseuses », c’est un « road movie » à la française, avec la culture française et des personnages français. C’était aussi en cela un livre politique ».

Au temps où les DS Citroën « soupiraient d’aise », l’histoire des « Valseuses » tourne autour de deux copains, Jean-Claude « l’aîné, le raisonnable, le seul en qui on puisse avoir un tant soit peu confiance », pas la langue dans sa poche, et Pierrot « le gamin, le petit dernier, le plus turbulent ». Ce sont, comme on dit avec élégance, deux petits délinquants. Ils se « baladent » à travers la France. Pour d’abord échapper à la prison, et pour ensuite conduire des bagnoles et rencontrer des filles. Le hasard va les faire rencontrer Marie-Ange, elle est shampouineuse, languide et n’a pas de poitrine…

A chaque page, il y a la patte, le style Blier. Précision dans le choix des mots, rythme débridé du style, écriture inventive emplie de fougue… Souvenir de l’auteur : « Quand j’ai écrit ce roman, il y avait un besoin de mettre le feu. Il y avait des boîtes d’allumettes qui traînaient dans quelques poches. C’était bien. Et ça venait d’avant 68… »



Pour la réédition du cinquantenaire, l’éditeur confie : « ‘’Les Valseuses’’ a pu choquer en son temps. Il exprimait surtout et continue d’exprimer un goût insatiable pour la liberté » et Eric Neuhoff, dans sa préface, écrit : « L’ensemble pétarade. C’est un mélange de brutal et de raffiné. Le stylo claque des doigts. L’encre bouillonne… »

Deux ans après la parution et le succès en librairie, Bertrand Blier adapte sur grand écran son texte– à l’affiche, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou. Aussi, un succès au box-office avec 5 millions de spectateurs. Et encore et encore, magnifiques, ces répliques aussi éternelles que définitives : « On n’est pas bien ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland… et on bandera quand on aura envie de bander » et « Putain merde ! Tu vois ! Quand on nous fait pas chier, on s’contente de joies simples ! »

Serge Bressan

  • A lire : « Les Valseuses » de Bertrand Blier. Editions Seghers, 450 pages, 21 €.

On lira, avec jubilation, aussi le quatrième et récent roman de Bertrand Blier, paru en janvier 2022 : « Fragile des bronches ». Un roman allègrement autobiographique, une biographie délicatement romancée ! (Seghers, 256 pages, 17 €).


EXTRAIT

« « Il était bien dix heures quand on a pris le départ, dans la Dauphine en ruine.

Carnot, c’était convenu, devait immédiatement s’occuper de la D.S., c’est-à-dire l’abandonner discrètement sur le bas-côté d’une route, faire le coup du mec qui revient jamais de pisser, pour qu’elle soit récupérer au plus vite par la police et que son bienheureux propriétaire puisse de nouveau jouir pleinement, en toute sécurité, de l’admirable mécanique.

On largue la fille à un croisement, près d’une gare d’autobus. Avant de la libérer, on lui demande la permission de toucher ses poils de cul, pour que ça nous porte chance. « D’accord », elle dit. On lui glisse la paluche dans les cuisses. Elle gloussait comme une gourde : « J’ai jamais entendu parler que ça porte bonheur ! », elle disait ».


 

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