paul auster une vie dans les mots
Paul Auster (c) Photo Lotte Hansen

Entretiens. L’Américain Paul Auster, l’un des écrivains contemporains les plus lus, dialogue avec une universitaire danoise. Avec « Une vie dans les mots« , en 350 pages et pour la première fois, il analyse et décode ses dix-sept romans et cinq récits autobiographiques.

« Une vie dans les mots » est un livre passionnant où le lecteur trouve tout sur Paul Auster. Un livre de l’intime, du mystère de l’écriture. Ce mystère qui « ne s’applique pas seulement à l’écriture mais à n’importe quelle entreprise humaine. » confie l’écrivain américain dans ce dialogue avec l’universitaire danoise Inge Birgitte Siegumfeldt

Dans une première vie, il fut poète, essayiste et traducteur. Et puis, tout a basculé en 1982 avec la parution aux Etats-Unis de « L’Invention de la solitude ». Dès lors, Paul Auster – né le 3 février 1947 à Newark, New Jersey, a décidé de passer sa vie dans les mots… A ce jour, devenu scénariste et réalisateur mais surtout écrivain à plein temps, il a publié dix-sept romans et cinq récits autobiographiques. Des ouvrages qui ont été étudiés, analysés, décortiqués dans pas moins d’une quarantaine de livres- des textes auxquels il n’a jamais collaboré, ni même donné son accord… Dès lors, la récente parution d’« Une vie dans les mots » revêt les habits de l’importance : voilà près de 350 pages d’entretiens que Paul Auster a échangés entre 2011 et 2013 avec la Danoise Inge Birgitte Siegumfeldt, fondatrice du Centre d’études sur Paul Auster à l’université de Copenhague où elle enseigne. Elle ne manque de rappeler que « Paul Auster est l’un des écrivains contemporains les plus lus. Il s’est fait connaître pour la première fois sur la scène littéraire dans les années 1970 comme poète… »

      Lorsque l’universitaire danoise lui a proposé un livre sous forme d’entretiens, il a longuement hésité. Puis accepté – encore Siegumfeldt : « Chaque livre de Paul Auster est un voyage sur un chemin qui est inconnu de l’auteur lui-même- et l’est aussi du lecteur. « La musique de chaque livre est différente de celle de tous les autres », déclare-t-il », et aussi : « Paul Auster avait quelques réserves sur notre projet. Il était hésitant à participer à un décryptage intellectuel de textes qui « sortent de l’inconscient et n’ont pas grand-chose à voir avec des pensées « traditionnelles » (…) Il n’avait pas non plus envie de se répéter » et convaincu qu’« un écrivain ne peut pas analyser son propre travail « 

Donc, pour « Une vie dans les mots », I.B. Siegumfeldt n’a pas voulu d’un entretien au long cours. Elle a proposé à Auster deux parties : d’abord, les récits autobiographiques ; ensuite, la fiction. En ouverture de la préface, on relève une citation extraite de « Léviathan », paru en 1993 : « Personne ne peut dire d’où vient un livre et encore moins celui qui l’a écrit. Les livres naissent de l’ignorance, et s’ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n’est que dans la mesure où on ne peut les comprendre ». Et chaque livre est évoqué selon l’ordre chronologique de parution.

Ainsi, après une préface et un court prologue (quatre pages), on commence en questions- réponses par « L’Invention de la solitude » (1988). Suivent « Le Diable par la queue » (1996), « Le Carnet rouge «  (1993), « Chronique d’hiver «  (2013) et « Excursions dans la zone intérieure » (2014) puis on l’on glisse, en deuxième partie, aux romans, de la « Trilogie new yorkaise » (1987-1988) à « Sunset Park » (2011), en passant par « Moon Palace » (1990), « La Musique du hasard » (1991), « Léviathan » (1993), « Le Livre des illusions » (2002), « Brooklyn Follies »  (2005)ou encore « Seul dans la nuit »  (2009).

Au fil des pages, que ce soit tant pour les récits autobiographiques que la fiction, on retrouve les thèmes qui nourrissent l’œuvre de Paul Auster : le langage et le corps, le monde et le mot, les espaces blancs, l’ambiguïté, la démission, l’enfermement, les objets abandonnés, le point de vue narratif, les paires masculines, l’Amérique ou encore l’expérience juive, sans oublier le cinéma, la politique, le baseball, la ville, la marche, le silence, la mémoire, les personnages féminins…

Aux questions (parfois exagérément flatteuses, voire obséquieuses) d’I.B. Siegumfeldt, Paul Auster opte pour l’humilité et la modestie. S’agace quand des critiques mettent en doute son honnêteté pour ses récits autobiographiques, le soupçonnent de tout inventer, et quand d’autres lui glissent qu’il a « fabriqué » de toutes pièces l’œuvre signée par son épouse, Siri Hustvedt, romancière et spécialiste des neurosciences – alors, il fait une mise au point en précisant qu’avant de la connaitre, il ignorait quasiment tout de Jacques Lacan et de la psychanalyse… Humble et modeste, toujours en quête de l’excellence qu’il sait si difficile à atteindre, ou même à approcher, dans « Une vie dans les mots » Paul Auster se livre à toutes les pages.

    Voilà un livre passionnant où le lecteur trouve tout sur Paul Auster. Un livre de l’intime, du mystère de l’écriture. Ce mystère qui « ne s’applique pas seulement à l’écriture mais à n’importe quelle entreprise humaine. Vous avancez à tâtons vers quelque chose. Les scientifiques aussi- ils « errent dans le désert » cherchant une solution à un problème scientifique. Cela ne veut pas dire qu’ils vont trouver. Il faut se perdre un peu parfois »

paul auster une vie dans les motsOui, perdons-nous avec Paul Auster pour une vie dans les mots ! Perdons-nous avec Paul Auster qui a fait siens les mots de Samuel Beckett : « Echouez encore, échouez mieux » et qui glisse : « Vous ne pouvez jamais atteindre ce que vous avez souhaité. Vous pouvez vous en approcher très près parfois et d’autres personnes apprécieront votre travail, mais vous, l’auteur, éprouverez toujours un sentiment d’échec. Vous savez que vous avez fait de votre mieux, mais votre mieux ne suffit pas. Peut-être est-ce pour cela que l’on continue à écrire. Afin de pouvoir échouer un peu mieux la fois suivante ».

Texte Serge Bressan

« Une vie dans les mots » de Paul Auster (conversations avec I.B. Siegumfeldt). Traduit par Céline Curiol. Actes Sud, 354 pages, 23,80 €

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