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"Cinéma spéculations": le deuxième livre de Quentin Tarantino est une vraie leçon de cinéma (c) Julian Ungano

Livres. A l’approche de la soixantaine, le réalisateur, scénariste, producteur, acteur et écrivain américain Quentin Tarantino nous vient avec un deuxième livre passionnant, « Cinéma Spéculations « . Cinéaste cinéphile, auteur de dix films, il a fait son éducation ciné dans une petite salle de Los Angeles. En 452 pages, il refait son cinéma, ne pratiquant jamais la langue de bois. Déroule la filmo, Tarantino !


« Cinéma Spéculations » de Quentin Tarantino : le réalisateur américain refait son cinéma dans un livre passionnant qui raconte sa passion pour le 7ème art


Au début du commencement, il y avait le Tiffany Theater. Une salle de cinéma certes, mais pas située sur le Hollywood Boulevard à Los Angeles comme toutes les autres salles. Le Tiffany Theater était sur Sunset Boulevard, « il était sur la portion du boulevard à l’ouest de La Brea, ce qui le situait officiellement sur ce qu’on appelle le « Sunset Strip ». Qu’est-ce que ça change ? Ça change pas mal de choses. (…) Et là, au milieu des clubs de rock, en face du Ben Frank’s Coffee Shop, se trouvait le Tiffany Theater ».

Cette salle de cinéma, c’est là que Little Q regardait de grands films- apprend-on dans « Cinéma Spéculations », le deuxième et nouveau livre de Quentin Tarantino. Oui, Quentin Tarantino, 59 ans, réalisateur de dix films, scénariste, producteur, acteur et écrivain américain, a fait son éducation ciné dans cette salle de la cité des anges… et c’est le « New York Times » qui affirme : « Tarantino était cinéphile avant d’être cinéaste, et ce n’est pas près de changer… »

A 9 ans, assis dans la salle de Sunset Boulevard, il a vu « Gunn la Gâchette » (1972), un film de Robert Hartford-Davis alors interdit au moins de 17 ans- cinquante ans plus tard, avoue-t-il, il ne s’est toujours pas remis de cette séance avec « un public surexcité de huit cent cinquante Noirs, dont environ huit cents étaient des hommes … À compter de ce jour, j’ai passé plus ou moins toute ma vie à aller voir des films et à en faire en essayant de recréer l’expérience du visionnage du tout nouveau film avec Jim Brown, un samedi soir, dans un cinéma de 1972 »…



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En couverture de la VF de « Cinéma Spéculations », le réalisateur de, entre autres, « Reservoir Dogs » (1992), « Pulp Fiction » (1994) et « Django Unchained » (2012) annonce : « Je voulais écrire sur le cinéma et j’ai fini par vous raconter un peu l’histoire de ma vie ». Donc, en près de 450 pages, nous voilà lectrices et lecteurs embarqués dans un travelling arrière follement enthousiasmant.

Enthousiasmant parce que le réalisateur de « Kill Bill 1 » (2003) et « 2 » (2004) n’est pas seulement un des plus brillants réalisateurs de l’époque, il sait aussi dire et écrire sur le cinéma comme peu de ses consoeurs et confrères. Ainsi, après un long prologue où il se raconte (son enfance, sa vie, son œuvre), il développe nombre de critiques sur des films qu’il a aimés ou détestés.

Ça défile, on commence par « Bullitt » (1968, Peter Yates), on enchaîne avec « L’Inspecteur Harry » (1971, Don Siegel) et « Délivrance » (1972, John Boorman), on continue avec « Guet-apens » (1972) ou encore « Cinq femmes à abattre » (1974, Jonathan Demme).

Tarantino ne mâche jamais ses mots : quand il aime, il aime follement mais quand il déteste, là il cogne… Ainsi, au hasard des pages, il peut égratigner sauvagement la Nouvelle Vague française, celle qui a bousculé le cinéma dans les premières années 1960. Et également cibler François Truffaut au sujet de la réalisation et la mise en scène de « La mariée était en noir » (1968) pour son « côté amateur empoté à la Ed Wood ».

Il allume aussi Martin Scorsese : oui, c’est un génie du cinéma mais également un hypocrite capable de « fourberie », et encore Paul Schrader, réputé théoricien du 7ème Art, scénariste et réalisateur : « Un scénariste magnifique avec une faiblesse criante : il ne sait pas écrire un film de genre ».

Lui le chantre de la transgression qui avoue avoir été, enfant, traumatisé par « Bambi », il dresse une liste de sept films qu’il considère parfaits et pour lesquels il éprouve une admiration immense : « La Horde sauvage » de Sam Peckinpah (1969), « L’Exorciste » de William Friedkin (1973), « Frankenstein Junior » de Mel Brooks (1974), « Massacre à la tronçonneuse » de Tobe Hooper (1974), « Les Dents de la mer » de Steven Spielberg (1975), « Annie Hall » de Woody Allen (1977) et « Retour vers le futur » de Robert Zemeckis (1985).

Alors, il ne manque pas de préciser : « Quand vous parlez de films parfaits, il s’agit d’essayer de rendre compte de toutes les esthétiques et de toutes les sensibilités… Mais les films parfaits dépassent plus ou moins toutes les esthétiques à un degré ou un autre ».

Dans l’immédiat, Quentin Tarantino a annoncé sa retraite (provisoire ?) cinématographique, mais il se dit à Hollywood qu’il aurait bouclé le scénario d’un film titré « The Movie Critic » dont il débuterait le tournage à l’automne prochain. En attendant, il faut lire « Cinéma Spéculations » parce qu’il était une fois Quentin Tarantino…

Serge Bressan

  • A lire : « Cinéma Spéculations » de Quentin Tarantino. Traduit par Nicolas Richard. Flammarion, 452 pages, 25 €.

EXTRAIT

« Lorsqu’un enfant lit un livre d’adultes, il y a des mots qu’il ne comprend pas. Mais grâce au contexte de la phrase et du paragraphe dans lequel elle se trouve, parfois il peut en devenir le sens. Même chose quand un enfant regarde un film d’adultes.

Bien sûr, certaines choses te passent par-dessus la tête, tes parents veulent que ça te passe par-dessus la tête. Mais pour certaines choses, même si je ne savais pas exactement ce qu’elles signifiaient, je comprenais en gros de quoi il retournait.

Surtout les blagues qui faisaient éclater de rire toute la salle. C’était super excitant d’être le seul enfant dans une salle pleine d’adultes qui regardaient un film d’adultes et d’entendre la salle rire (le plus souvent) de quelque chose qui était probablement coquin. Et parfois, même quand je ne comprenais pas, en fait, je comprenais »…


 

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