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Pierre Pouchairet : l'auteur est un expert du roman policier (c) Meryl Curtat

Les Rencontres de We Culte. Pierre Pouchairet est un auteur de romans policiers qui a commencé à écrire après une longue carrière dans la police en France et à l’étranger. Il a été récompensé par le jury du Quai des Orfèvres en 2017, un jury qui se prononce sur des manuscrits anonymes et qui ne connaît donc pas l’identité des auteurs. Le romancier est maintenant un habitué des Quais du Polar, le grand festival lyonnais où nous l’avons rencontré pour échanger sur son nouveau métier et sur quelques uns de ses romans.

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Pierre Pouchairet (c) Meryl Curtat

Comment êtes vous devenu auteur de romans policiers après toute une carrière dans la police ?

Pierre Pouchairet : Un policier qui écrit, ça n’est pas original. Dans le monde du polar deux professions sont très représentées : les profs parce qu’ils savent écrire et les policiers parce qu’ils savent de quoi ils parlent. Il y a donc énormément de policiers qui écrivent comme Olivier Noreck, Danielle Thiery ou Hugues Pagan. On m’aurait dit un an avant ma retraite que j’allais écrire des romans policiers, je ne l’aurais pas cru.

J’étais alors en Afghanistan où j’ai passé quatre ans et demi et j’ai voulu écrire et témoigner sur le temps que j’avais passé dans ce pays. J’ai d’abord écrit un texte qui était destiné à ma fille pour qu’elle sache ce que son père était aller faire là-bas. On m’a suggéré de le publier. J’ai eu la chance d’avoir un éditeur qui a publié ce texte. J’ai voulu ensuite témoigner sur le temps passé comme policier et là j’ai été arrêté car il y avait beaucoup de gens encore en activité, aussi bien du côté des voyous que du côté des collègues. J’ai donc choisi de faire une fiction. Je suis allé ensuite en Cisjordanie où j’ai écrit deux bouquins mettant en scène une policière palestinienne et deux policiers israéliens.

Que pensez-vous des polars qui ne sont pas écrits par des policiers ?

Pierre Pouchairet : Quand je lis un Maigret, je vois bien que Simenon ne cherche pas à montrer qu’il est lui-même très compétent en matière de procédure policière. C’est une peinture de société, un roman noir et on ne fait donc pas attention à tout ce qui n’est pas possible en procédure pénale. Ca reste une très belle histoire, très bien écrite.

Ce qui est énervant c’est quand un auteur emploie des mots dont il ne connaît absolument pas la signification et s’attache à en parler comme si c’était la réalité. Quand dans un livre ou une série un auteur donne tous les détails d’une perquisition et que rien n’est juridiquement valable, c’est très énervant. Et je connais aussi des policiers qui écrivent et qui n’ont pas été enquêteurs : ils peuvent parler très mal de sujets qu’ils ne connaissent pas du tout. Mais l’important c’est l’histoire puisque nous sommes des auteurs et si c’est bien écrit, ça passe.

Pourquoi avez-vous choisi de situer en Bretagne beaucoup de vos livres ?

Pierre Pouchairet : A Kaboul où j’étais en poste j’ai rencontré une bretonne qui s’occupait du centre culturel français. On s’est Pacsé en Afghanistan puis marié. Je n’étais pas encore à la retraite et je suis parti au Kazakstan, elle en Cisjordanie. J’ai pris ma retraite deux ans après et je l’ai rejointe.

En France j’habitais un petit village berrichon. Elle m’a attiré en Bretagne et on s’est installé à l’Ile Tudy. C’est là qu’habite Jean Failler qui est le créateur du polar régional. Jusqu’à 52 ans il vendait du poisson sur le marché de Quimper. Il s’est mis alors à écrire et 30 ans plus tard il en est à son 60e Marie Lester, l’héroïne de ses romans. Il a maintenant vendu plusieurs millions de livres et en vend environ 170 000 tous les ans. Quand on a le Prix du Quai des Orfèvres comme je l’ai eu, on vend 150 000 livres. Jean Failler, lui, fait ça tous les ans.

Jean m’a dit un jour « pourquoi tu ne fais pas une série chez nous ? ». Je me suis pris au jeu et j’ai repris Léanne, l’héroïne du livre primé au Quai des Orfèvres. Elle était à Nice, je l’ai fait muter à Brest. Elle y retrouve deux copines d’enfance, Elodie, directrice de l’Institut Médico-légal de Brest, et Vanessa, psychologue judiciaire.

Je me suis attaché à ces trois filles et j’en suis à 10 romans publiés dans cette série et le 11 ème devrait sortir en juin. Mais je suis encore loin d’atteindre les ventes de Jean Failler.

Est-ce que vous êtes attaché au réalisme des lieux et des situations que vous décrivez dans vos romans ?

Pierre Pouchairet : Dans « Le Pont du Diable », le roman qui se situe en partie au Pays des Abers dans le Finistère, l’histoire se passe beaucoup en Afghanistan et je raconte des choses que j’ai vécues là-bas. Tout le voyage des migrants depuis Kaboul jusqu’en France que je décris dans ce livre est un voyage réel qui a été effectué par une amie journaliste.

J’aime bien que tout ce que j’écris soit vrai, aussi bien dans l’enquête que dans les lieux. Quand je lis les livres de Yasmina Khadra qui se passent en Afghanistan ou en Cisjordanie, des pays que je connais, c’est très bien écrit. Pourtant, aussi bien dans les lieux ou la mentalité des gens qu’il décrit, on sait tout de suite qu’il n’y a jamais mis les pieds, ce qui est la réalité. Gérard de Villiers, lui, est venu en Afghanistan quand j’y étais, et jusqu’à son dernier roman, il allait sur place avant de les écrire. Je n’avais pas lu de SAS depuis 30 ans et quand j’ai lu son dernier livre qui se passe à Kaboul, je voyais qu’il connaissait la ville.

Est-ce que la police se féminise autant que vous le laisser paraître dans vos livres ?

Pierre Pouchairet : C’est une réalité. Quand je suis entré dans la police comme inspecteur, en sortie d’école, dans une promotion de 410 il y avait 14 femmes. Aujourd’hui dans les services de police, surtout les services d’investigation, il y a à peu près autant de femmes que d’hommes.

pierre pouchairet polar

Comment avez-vous réussi à introduire dans l’un de vos romans le grand peintre Paul Bloas que nous avons rencontré à Brest pour We Culte ?

Pierre Pouchairet : J’ai connu Paul Bloas grâce à ma femme. Elle avait décidé de le faire venir en Cisjordanie quand elle y était en poste. Il y est venu avec Serge Tessot-Gay, cofondateur de Noir Désir, pour une performance qu’ils font ensemble. Ils ont fait une tournée de 5 dates en Cisjordanie. Nous les avons accompagnés partout. J’ai sympathisé avec eux. On est devenu amis et je me suis amusé à faire ce bouquin avec Bloas. Il était ravi et il est venu me rejoindre sur une dédicace à Penmarch. Quelques lecteurs ont pu obtenir une double dédicace avec un petit dessin de Bloas lui-même.



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Est-ce que vous êtes allé au Cameroun où se déroule L’or vert du Sangha votre dernier roman ?

Pierre Pouchairet : Ma femme a été nommée pour 4 ans à l’Institut Français de Yaoundé au Cameroun. J’ai écouté un jour là-bas un reportage de RFI sur le Kévasingogate. Le kévasingo est un bois précieux qu’on trouve au Cameroun, au Gabon et au Congo. Les douanes gabonaises avaient saisi 353 containers de ce bois qui ont disparu dans le port où ils avaient été saisis. Je me suis documenté sur ce bois et sur cette affaire. J’ai rencontré des journalistes et des gens des ONG bien informés sur ce sujet. Ce livre est le résultat de ce travail.

J’y évoque aussi la présence des mafieux corses en Afrique qui est un sujet peu connu. Michel Tomi, qui est parfois présenté comme le « parrain des parrains » corses a passé toute sa jeunesse en Afrique et il a eu l’idée de créer des PMU pirates qui permettent de parier sur les courses hippiques françaises. Mais c’est lui qui encaissait l’argent.

Cela continue à exister mais l’argent serait maintenant partagé avec l’état local. Tomi a connu quelques difficultés avec la justice française mais il est maintenant de retour en Afrique où il est immensément riche. J’ai décrit dans ce livre des faits réels qui dépassent parfois tout ce qu’on pourrait imaginer.

Entretien réalisé par Yves Le Pape


La série des livres de Pierre Pouchairet qui se déroulent en Bretagne, est éditée aux éditions du Palémon


 

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