Rentrée littéraire automne 2024 (1). Pour cette rentrée littéraire 2024, 459 romans francophones et étrangers (une petite trentaine de moins qu’en 2023) sont annoncés en parution d’ici la fin octobre. En toute subjectivité, We Culte a retenu l’impeccable roman de Gabriella Zalapi … et aussi ceux de Muriel Barbery, Miguel Bonnefoy, Mariana Enriquez, Amélie Nothomb, Greta Olivo et Guillaume Perilhouil. Soit sept romans indispensables. Bonne lecture à toutes et tous !
Rentrée littéraire automne 2024 : « Ilaria » de Gabriella ZalapiGABRIELLA ZALAPI : « Ilaria »
Une fillette de 8 ans, elle se prénomme Ilaria. Son père en froid avec sa femme (et mère de la petite fille) l’emmène en voiture. Un périple dans le nord de l’Italie- sans idée très précise de la destination. Ce sera Milan, Trieste, plus tard Bologne, puis l’internat à Rome et encore plus la Sicile dans un monde aussi solaire que paysan. Certain.e.s auteur.e.s, laborieux de la chose écrite, auraient rédigé un banal road trip, persuadé.e.s de bousculer la littérature.
Avec Gabriella Zalapi, multilingue (italien, espagnol, anglais, allemand, français), artiste et scénariste, il n’en est rien- vivant à Paris, elle cultive la modestie et la discrétion, et publie donc, après « Antonia » (2019) et « Willibald » (2022), son troisième et impeccable roman, « Ilaria »– sous-titre « ou la conquête de la désobéissance ».
Là encore, dans ce voyage avec un père « jaguar nerveux » et une fillette qui l’aime et le déteste, l’auteure raconte le périple en se mettant à hauteur de l’enfant de 8 ans. Il est difficile de réussir ce genre d’exercice sans tomber dans la niaiserie. Ilaria va apprendre, seule, la vie près de ce père flottant et cette mère au loin, et présente et absente. Un roman bref et tellement saisissant, à l’écriture allant toujours à l’essentiel.
- « Ilaria » de Gabriella Zalapi. Zoé, 176 pages, 17 €.
MURIEL BARBERY : « Thomas Helder »
En campagne aveyronnaise enveloppée par la neige, un homme meurt. Il s’appelle Thomas Helder, il est Néerlandais et écrivain. Ses ami.e.s se sont rassemblé.e.s pour l’accompagner pour cet ultime voyage, parmi lesquel.le.s Margaux, une architecte française qui avait disparu depuis de nombreuses années. Le défunt a laissé une lettre à son attention : les fantômes du passé ressurgissent, tandis que la femme discute avec les présents, dont Jorg- le frère de Thomas.
Après « L’Elégance du hérisson » (2006), Muriel Barbery rappelle avec ce nouveau roman « Thomas Helder » combien elle est maîtresse dans l’art de créer un huis clos dans une maison emplie d’amour et de mensonge, dans des paysages bouleversants de vierge beauté.
- « Thomas Helder » de Muriel Barbey. Actes Sud, 192 pages, 19,50 €.
MIGUEL BONNEFOY : « Le rêve du jaguar »
Le narrateur est catégorique : « On est tous fils d’un rêve de jaguar »… et, plus que jamais dresseur de mots, Miguel Bonnefoy se glisse en librairies avec un roman impeccable, « Le rêve du jaguar ».
L’an passé, il avait brillé avec « L’Inventeur » ; il est de retour avec l’histoire d’une famille formidable du Vénézuela qui signifie « la petite Venise ». On y fait halte à Maracaibo, une université qui apporte la science dans un monde où règnent ignorance et misère.
Au fil des pages, le narrateur enfant-jaguar à Paris déroule la mythologie familiale : grand-père enfant abandonné devenu cardiologue ; grand-mère d’un milieu modeste devenue la première femme médecin du pays ; mère prénommée Venezuela et exilée à Paris…
- « Le rêve du jaguar » de Miguel Bonnefoy. Rivages, 304 pages, 20,90 €.
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MARIANA ENRIQUEZ : « La petite sœur »
Connue et reconnue pour ses livres de littérature fantastique, dont l’impeccable « Notre part de nuit » ou « Les dangers de fumer au lit » et ses textes à caractère politique, l’Argentine Mariana Enriquez fait un pas de côté. En se glissant à nous avec « La petite sœur », elle offre un gros plan sur le « portrait de Silvina Ocampo »– comme le précise le sous-titre.
Epouse d’Adolfo Bioy Casares, amie de Jorge Luis Borges et un peu plus de la poétesse Alejandra Pizarnik, Silvina Ocampo (1903- 1993) n’est pas seulement reconnue pour ses textes de poésie et ses nouvelles appartenant au genre du fantastique, elle est aussi le sujet de nombreux mythes et légendes. Avec « La petite sœur », Mariana Enriquez signe là un portrait documenté, sensible et émouvant.
- « La petite sœur » de Mariana Enriquez. Editions du Sous-Sol, 304 pages, 22,50 €.
AMELIE NOTHOMB : « L’impossible retour »
Comme un rituel immuable depuis 1992… A chaque rentrée littéraire d’août-septembre, elle est là, fidèle au poste. Ainsi, cette année encore, Amélie Nothomb s’installe en librairies avec son 33ème roman, « L’impossible retour ». En 162 pages, elle conte ce voyage effectué du 20 au 31 mai 2023 au Japon avec son amie photographe Pep Beni. Celle-ci, gagnante d’un voyage pour deux, a demandé à l’écrivaine réputée pour son amour du Japon de l’y accompagner… de lui servir en quelque sorte de guide… Précision d’Amélie Nothomb qui y a vécu les premières années de sa vie et, jeune adulte, travaillé (Stupeur et tremblements, 1999) : « Tout retour est impossible, l’amour le plus absolu n’en donne pas la clé ». C’est délicatement nostalgique…
- « L’impossible retour » d’Amélie Nothomb. Albin Michel, 162 pages, 18,90 €.
GRETA OLIVO : « La couleur noire n’existe pas »
Un conseil du grand Paolo Giordano, : « Les objets de ce roman demeureront longtemps en vous… Difficile d’imaginer un premier livre plus réussi ». Née en 1993 à Rome, Greta Olivo travaille dans une agence littéraire- elle signe un des textes forts de cette rentrée littéraire : « La couleur noire n’existe pas ».
Au cœur de son (premier) roman, Livia- une jeune fille douée pour la course à pied. Elle va vite, gagne des compétitions. Un jour, une fois la ligne d’arrivée passée, elle tombe. Les objets disparaissent, absorbés par un mal qui attaque sa rétine. On lui avait diagnostiqué une grosse myopie, elle ne voulait pas porter les lunettes qui l’auraient faite « anormale ». Et maintenant, avec ce noir, il lui faut trouver comment surmonter cet irréversible handicap…
- « La couleur noire n’existe pas » de Greta Olivo. Phébus, 240 pages, 21,50 €.
GUILLAUME PERILHOU : « La Couronne du serpent »
Pour le réalisateur italien Luchino Visconti (1906- 1976), l’affaire était toute simple : adapter « Mort à Venise », le roman de Thomas Mann, et trouver, pour le rôle principal, « le plus beau garçon du monde ».
Donc, en 1970, il part en quête à travers l’Europe- en vain. Et soudain, venu de Suède, un jeune Suédois de 15 ans, Björn Andrésen, surgit. Visconti écrit à son amie Maria Callas : « Habemus angelum ».
Orphelin d’une mère suicidée et petit-fils d’une femme en mal de reconnaissance, Andrésen sera donc Tadzio… mais aussi « l’objet » de Visconti. Comment vivre après une telle expérience ? Particulièrement inspiré par le sujet, avec « La Couronne du serpent », Guillaume Perilhou mêle nombre de genres littéraires. C’est follement réussi !
- « La Couronne du serpent » de Guillaume Perilhou. Editions de l’Observatoire, 224 p, 20 €.
Serge Bressan