Rentrée littéraire d’hiver 2023. C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin janvier, pas moins de 517 romans et récits. Dans une deuxième sélection, en toute subjectivité, We Culte a retenu le sensationnel nouveau « Traité » de Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, et six autres livres indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
Rentrée littéraire d’hiver 2023 : au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin janvier, pas moins de 517 romans et récits
L’ÉVÈNEMENT
« Traité sur l’intolérance » de Richard Malka
La question est là, posée, lancinante : « A quoi plaider une fois de plus ? A quoi plaider à nouveau ? » Une fois encore, Richard Malka, 54 ans, avocat et écrivain, fait événement. Après « Le droit d’emmerder Dieu » (2021), il est de retour avec un nouveau texte bref et incisif, à peine une centaine de pages, avec ce « Traité sur l’intolérance » d’où les interrogations surgissent à chaque page.
Aussi intranquille que le peintre Gérard Garouste, Malka ne craint pas de bousculer la bienpensance, le confort intellectuel. Sur le bandeau qui ceint son nouveau livre, on lit : « Il y a un islam des lumières et un islam des ténèbres dont le principal ennemi est l’islam des lumières. Il y a un islam des philosophes et un islam des prédicateurs, un islam de la réflexion et un islam de l’initiation, un islam des mutazilites et un islam des salafistes »…
Homme debout, d’honneur, d’intelligence et de questionnement, l’auteur réfléchit, là, sur l’origine de cette guerre qui gangrène l’Islam et qui, entre le VIIè et le XIè, n’a jamais trouvé réponse à la controverse sur la nature du Coran. Pour Richard Malka, aucun doute : les radicaux ont réglé la controverse- en ne se compliquant pas la tâche, puisqu’ils ont effectué le tri et dans le texte du Coran, et dans les paroles du Prophète.
Conséquence : ont été ciblés, le sont encore aujourd’hui les musulmans modérés, les gens des arts et de la culture, les femmes et les membres des minorités. Placé sous la haute bienveillance de Voltaire (« le pourfendeur des religions, l’esprit libre, révolutionnaire » nous rappelle l’avocat et écrivain), ce « Traité sur l’intolérance » n’est pas seulement une méditation brillante, on a là un appel aux femmes et hommes de bonne volonté, à celles et ceux pour qui le « bien vivre ensemble » a encore et surtout un sens…
- « Traité sur l’intolérance » de Richard Malka. Grasset, 98 pages, 12,50 €.
ET AUSSI
« Astra » de Cedar Bowers
Un premier roman en provenance du Canada, au titre tout simple : « Astra ». L’auteure : Cedar Bowers, 32 ans, deux « short stories » avant ce premier roman qui relate la vie de l’héroïne de sa naissance jusqu’à ses 60 ans. Avec quelques « ouvriers spécialisés » de la chose écrite, on aurait eu un récit linéaire, sans originalité ni inventivité.
Avec Cedar Bowers, il en est tout autre : l’auteure raconte son personnage principal à travers le regard de dix personnes. Toutes ont croisé et pesé sur la vie d’Astra. Ainsi, on a là dix regards, dix points de vue sur une enfant, puis jeune femme et enfin femme qui n’a eu de cesse de chercher sa voie pour vivre pleinement sa vie. Un portrait éclaté, multiple sur un chemin de vie entre grandes joies, petits bonheurs et douloureuses cabosses.
- « Astra » de Cedar Bowers. Gallmeister, 338 pages, 23,80 €.
« Borgo Sud » de Donatella Di Pietrantonio
En pleine nuit, un bébé dans les bras, Adriana cogne à la porte de sa sœur. Les questions fusent : pourquoi ? que et/ou qui fuit-elle ? une certitude : cette venue va troubler la vie de la sœur. On est à Pescara, ville de pêche et de plages en bord de l’Adriatique, on est aussi dans « Borgo Sud », le nouveau roman de l’auteure italienne Donatella Di Pietrantonio, tant appréciée pour son précédent « La Revenue » (2018).
Quelques années plus tard, la sœur narratrice est convoquée d’urgence pour revenir dans sa ville natale, Pescara. Ce sera un long voyage dans la nuit ; un long voyage aussi dans les chemins sinueux de sa mémoire. Ressurgissent le temps de sa jeunesse, de celle de sa sœur, de leurs amours, de leurs secrets. De leurs regrets, aussi… Une délicate réflexion sur le temps et le mystère des sentiments.
- « Borgo Sud » de Donatella Di Pietrantonio. Albin Michel, 258 pages, 20,90 €.
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« Le Poulain » de Jessica Knossow
Pour décor, à Paris l’hôpital de la Pitiè-Salpêtrière- une ville dans la ville… et pour « Le Poulain », le deuxième roman de Jessica Knossow– médecin dans la vie de tous les jours, deux personnages : Emmanuelle Mercier et le professeur Renavand. La première boucle son dernier semestre d’internat et veut absolument travailler avec le second, chirurgien de réputation internationale.
Au fil des pages, l’auteure décrit et décrypte une relation qui flotte entre admiration et soumission. La jeune interne veut absolument impressionner son mentor, elle est prête à accepter tant et tant pour être son poulain. Un roman implacable, à la construction impeccable et à l’écriture précise- avec une question : pour échapper à l’emprise, y a-t-il une autre méthode que la trahison ?
- « Le Poulain » de Jessica Knossow. Denoël, 146 pages, 16 €.
« Le Silence et la Colère » de Pierre Lemaitre
Il y eut une trilogie, « Les Enfants du Désastre ». En ce début d’année nouvelle, voici « Le Silence et la Colère », le deuxième tome d’une nouvelle saga (Les Années glorieuses, commencée avec « Le Grand Monde ») signée Pierre Lemaitre– l’incontestable maître du genre dans les lettres francophones du moment. L’auteur, cette fois, nous emmène en 1952 dans le sillage de la famille Pelletier.
Le père est au Liban ; l’un de ses fils, brute, est soumis à une virago, l’autre fils est journaliste « fait-diversier » et la fille est photographe. La famille est un nœud de vipères prise entre le silence d’une époque qui refuse l’avortement et la colère d’une vallée submergée par l’eau d’un barrage. Un grand et beau roman-épopée entre haines, désirs et peurs. Un texte rédigé par un virtuose…
– « Le Silence et la Colère » de Pierre Lemaitre. Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90 €.
« Crie-le ! » de Roberto Saviano
Courage et civisme, deux mots pour qualifier et définir l’Italien Roberto Saviano, 43 ans, né à Naples. Il s’est fait connaître pour ses enquêtes sur la mafia et le crime organisé, et aussi pour sa vie quasi clandestine, sous haute protection policière. Saviano n’est pas un combattant d’opérette- et quand il nous envoie « Crie-le ! », on le l’écoute, on le lit.
Sous-titré « 30 portraits pour un monde engagé », inspiré par son expérience personnelle, son nouveau livre est une adresse aux générations futures en prenant pour exemples de grands noms de l’Histoire universelle, de la néo-platonicienne Hypatie à Jamal Kashoggi en passant par Emile Zola, Martin Luther King ou encore Anna Akhmatova. Un grand texte indispensable pour crier, s’engager et résister…
- « Crie-le ! » de Roberto Saviano. Gallimard, 530 pages, 24 €.
« Mungo » de Douglas Stuart
Outre-Manche, on est catégorique : la littérature britannique a trouvé son Ken Loach, le « pape » du cinéma social. Cet auteur s’appelle Douglas Stuart, il a 46 ans, est né dans une « maison sans livres » à Glasgow, Ecosse. Pour son premier roman, « Shuggie Bain », il a reçu le très convoité Booker Prize en 2020, et il est de retour avec « Mungo ». Pour décor, le Glasgow des années 1990, un monde hyperviolent où se côtoient James-catholique, et Mungo- protestant. Ils sont jeunes, la quinzaine, ils tombent amoureux.
Mungo bosse dur pour cacher son amour (interdit) à Hamish, son frère aîné chef de gang brutal et prêt à tout pour défendre l’honneur de la famille. Leur mère découvre la vérité- elle envoie Mungo pour une partie de pêche avec deux hommes au passé trouble, elle pense qu’ainsi, il va apprendre ce qu’est un vrai homme…
- « Mungo » de Douglas Stuart. Editions Globe, 482 pages, 24 €.
Serge Bressan
