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Bertrand Belin revient avec "Tambour vision", son 7ème album (photo) Edgar Berg

Musique. Trois ans après « Persona », Bertrand Belin est de retour avec le vaillant « Tambour vision », son 7ème opus. Un album pop-rock où se mêlent son synthétique, danse et ambiances impressionnistes, dans lequel il continue de poser la question de l’altérité et de notre rapport au monde.


Bertrand Belin : « Je me sens mieux dans l’interrogation et le doute »


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Bertrand Belin: « je préfére les formes épurées qui contiennent un peu d’énigme » (photo) Edgar Berg

Déjà sept albums depuis son premier opus éponyme marquant ses débuts en 2005. Bertrand Belin est de retour avec toujours ce goût pour l’épure musicale et cet art de dévoiler les choses à demi-mots, entre pudeur et secret gardé. Le chanteur originaire de Quiberon nous plonge de nouveau dans des profondeurs aussi poétiques que surréalistes, où chacun est libre de construire ses propres rêveries.

Belin, c’est une somme de sentiments impressionnistes et de climats énigmatiques. Voix feutrées de vrai-faux crooner, costume de dandy brit, il trace sa route en toute discrétion. Après « Persona », voici le vaillant « Tambour vision», un disque qui regarde vers la pop-rock et la danse, joyeux antidote au réel. Un album réalisé avec la complicité de Thibault Frisoni, au côté duquel Belin a imaginé un univers au son synthétique croisé de boîtes à rythmes, synthés et de chaud Mellotron.

Un registre porté par le single « Que Dalle Tout », morceau faisant écho à l’héritage du « récit familial » inscrit dans nos veines. « Tu veux ma haine ou tu veux mon amour ? » chante Bertrand Belin qui pose une fois encore la question de l’altérité et de notre rapport au monde, dans ce « Tambour Vision », dont les influences vont du rock des fifties de Buddy Holly à la pop spatiale d’Alan Vega, David Bowie ou encore Alex Cameron. Un répertoire hypnotique qu’il dévoilera en tournée à partir de novembre.

Qu’entendez-vous par « Tambour vision » ?

Bertrand Belin : Il y a une chanson de l’album qui s’appelle « Tambour » qui porte un genre de récit assez osseux avec ces mots « tu veux ma haine ou tu veux mon amour ? ». C’est une sorte d’extrapolation métaphorique de l’offre politique ou idéologique. Il y a des bons et des mauvais tambours. Il y en a qui jouent de ta musique qui disent que tu es beau et on les suit ou pas. C’est de la structure. Je ne veux pas mettre des sigles existants derrière ces tambours.

Que vous inspire  ce monde à la fois « merveilleux et cinglé » comme vous dites, cette société qui semble en plein brouillard ?

Bertrand Belin : Je ressens une saturation de l’information contradictoire. Le débat d’idées est sous un régime de fermeté, de durcissement et de rétractation, qui polarise beaucoup. C’est difficile de savoir ce qui est de l’ordre de l’unique ou du général. Mais est-ce qu’il en était pas de même en 1970 autour de la question de Mao, de la libération sexuelle ? Est-ce qu’il n’y avait pas une vraie confrontation dure et quelque chose qui s’apparentait déjà à un brouillard pour les gens éclairés, informés, de l’époque. Quand j’étais jeune, je n’étais pas accessible aux efforts des marchands de pensées, parce que les moyens de communications étaient moindrement efficaces. Aujourd’hui, à 50 ans, j’ai une autre perception du monde. Je me méfie de cartographier, désigner l’état actuel du débat comme une première, ou une singularité. C’est peut-être un endroit de perception des individus aussi.



Dans « Que Dalle Tout », vous chantez « je viens d’une longue lignée d’ivrognes ». En quoi est-ce important pour vous d’évoquer cet héritage ?

Bertrand Belin : On peut penser que c’est mon héritage familial. Libre à chacun d’imaginer que c’est ma vie, mais je ne donne pas de noms propres dans cette chanson… Dans un autre morceau le « je » a un tout autre  statut. Ainsi, dans « Maître du luth », personne ne pense qu’il s’agit de moi…

Pensez-vous que l’on puisse se défaire du milieu d’où l’on vient et des fantômes de son passé ?

Bertrand Belin : S’en défaire pas forcément, mais leur changer le drap de temps en temps, oui (rires). C’est vrai que chacun a ce négoce à mener avec l’enfance, dans des mesures variées. C’est une des constantes de l’existence. Quand je dis « je viens d’une longue lignée d’ivrognes », j’ai l’impression qu’on est deux millions à parler, ce n’est pas ma vie. C’est un phénomène général, une disposition qui se généralise à des générations entières. Quand je dis « ivrognes », on pense tout de suite à l’alcool. Je dirais plutôt que c’est une ivrognerie de tout, qui a à voir avec un certain hédonisme, un appétit d’ogre qui vient en secours à un vide existentiel. L’ivrognerie, c’est une réponse à la condition humaine, ce n’est pas un truc de bistrot, qui viendrait se moquer. C’est pour cela qu’on hérite de tout et de que dalle dans ces circonstances. Cette chanson, c’est plutôt un hommage qu’une déploration. Mais enfin, c’est vrai que quand j’étais enfant, j’étais entouré dans mon voisinage de personnes qui vivaient exactement selon les mêmes modalités que moi, de ce point de vue.

Il y a aussi « Lavé de tes doutes ». Que raconte cette chanson ?

Bertrand Belin : A un moment donné il est question de la perte d’un amour grandiose. C’est un peu : est-on toujours animé du plaisir de vivre ?  Est-ce qu’il n’arriverait pas qu’on puisse douter du bien-fondé de sa présence au monde ? C’est une chanson tragique. Dire «perdu dans tes cheveux, perdu sur ta main »…cela signifie qu’on est disjoint du reste du monde, avec les périls qui vont avec.

Vous parlez souvent de «négoce » avec l’autre. Est-ce à dire que le monde vous pèse ?

Bertrand Belin : Oui, comme tout un chacun, je l’espère, dans la mesure où on comprend bien qu’il y a une large amélioration de notre condition qui est assez importante : on peut prendre acte de cette insatisfaction du monde tel qu’il va. Il alterne avec des moments d’allégresse, de joie, d’amitié, d’amour évidemment, parce que cela peut se trouver-là au détour d’un instant à tout moment. Mais cela n’empêche pas d’un point de vue général, qu’on puisse déplorer que de trop nombreux combats restent lettre morte et qu’il y a des choses qu’on n’arrive pas à améliorer dans la perspective d’un meilleur partage des trésors qu’offre la vie.



Comment expliquez-vous le contraste entre vos mots presque « engagés » et votre univers artistique qui lui, est plus mystérieux, moins explicite.

Bertrand Belin : Cela tient à la forme. On ne peut pas emprisonner des points de vue politiques dans des chansons qui ne sont pas des slogans, mais des choses faites pour essayer de durer un peu. Ce n’est pas comme une publicité ou une idée, c’est un autre mode d’expression. C’est important que l’on sanctuarise d’autres façons de dire.

Vous aimez dévoiler sans dévoiler, dire en étant dans la retenue. D’où vient ce désir d’épure et de soustraction permanent ?

Bertrand Belin : Disons qu’il y a une part de secret que je tiens à conserver. Il y a une disposition de l’esprit qui se sent mieux dans l’interrogation et le doute que dans la certitude et l’assertion. J’admire les gens qui ont des points de vue tranchés, qui se tiennent très forts à des idées. Bien sûr, il y a des choses auxquelles j’adhère de façon claire, évidente et sans le moindre doute, mais ce ne sont pas forcément des sujets de chanson. Et il y a de la pudeur, qui fait que je préfére les formes épurées qui contiennent un peu d’énigme, qui en soit, est une beauté qui titille l’esprit. L’énigme qui existe dans le cinéma, la littérature, dans la science aussi…

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Album « Tambour vision » Cinq 7. Tournée à partir du 11 novembre 2022.

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