Interview/Louis Chedid. À l’occasion de la sortie de son nouvel album « Rêveur, rêveur », Louis Chedid se confie et explore le plaisir et le défi de la création, tout en évoquant les thèmes de cet opus aux contours lumineux et apaisés. À travers des morceaux empreints de douceur et de poésie, il aborde des sujets qui lui sont chers : l’amour, l’espoir et la beauté du quotidien. Eternel rêveur, il invite à voir le monde avec optimisme, un message qu’il souhaite offrir comme un antidote aux inquiétudes contemporaines. Il évoque aussi son rapport au sentiment amoureux, cette force qui, selon lui, est au cœur de la vie et du bonheur. Un échange sensible qui témoigne de l’humanité et de l’engagement sincère d’un artiste qui continue, album après album, de toucher son public.
Louis Chedid : « Un artiste qui n’a pas la tête dans les nuages, ce n’est pas vraiment un artiste »
Né à Ismaïlia, en Egypte, Louis Chedid est une figure incontournable de la chanson française, issu d’une famille d’artistes. Fils de l’écrivaine et poétesse Andrée Chedid, il baigne dès son plus jeune âge dans un univers culturel riche, où musique et littérature cohabitent harmonieusement.
Il fait ses débuts dans la musique au début des années 1970, mais c’est en 1981 que sa carrière décolle véritablement avec le succès de l’album Ainsi soit-il, porté par le titre phare du même nom, qui devient un hymne pour toute une génération. Parmi ses autres grands succès figurent des chansons comme Anne, ma sœur Anne (1977), T’as beau pas être beau (1985), Les absents ont toujours tort (1983), et On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime (2006).
Au fil de ses albums, Louis Chedid a su imposer un style délicat et profond, mêlant des thèmes introspectifs à des mélodies accessibles. Rencontre avec un chanteur, dont l’univers marqué par une sensibilité poétique, le place parmi les artistes les plus appréciés de la scène française.
Cela fait plus de 50 ans que vous écrivez et composez des chansons. Ressentez-vous encore la pression ou le doute à chaque nouvel album ?
Louis Chedid : Bien sûr ! Certaines personnes pensent que les artistes qui sont là depuis longtemps sont assis sur un piédestal et qu’il n’y a pas d’enjeu. C’est le contraire. Etant donné qu’on a fait avant quelques chansons que les gens connaissent, plus ça va, plus c’est compliqué parce que la barre est de plus en plus haute. A chaque nouvel album, je me dis « qu’est-ce que je vais bien pouvoir encore raconter ». L’inspiration est une source intéressante. On lâche prise et cela finit par venir. Il faut trois semaines de ce que j’appelle le « purgatoire» et tout d’un coup, il y a une mélodie qui arrive, un bout de texte…
Vous parlez souvent du plaisir que vous procure la création. Comment gardez-vous cette flamme après tant d’années ?
Louis Chedid : Je suis resté totalement gamin. Prendre la guitare et essayer de trouver des notes et des mots avec un stylo, c’est un truc qui m’excite toujours autant. À chaque fois, c’est une chasse au trésor. On ne sait pas ce qui va se passer, ni si on va trouver quelque chose…
On a l’impression que vous aimez garder un côté artisan…
Louis Chedid : C’est indispensable. Je pense que ce sont les chansons qui font la carrière de quelqu’un. Ce qui est important, c’est le catalogue, la matière. On est des passeurs d’émotions. Et quand on arrive à communiquer une émotion universelle à ses congénères, c’est merveilleux.
« Rêveur, rêveur », c’est le disque d’un artiste qui a la tête dans les nuages ?
Louis Chedid : Un artiste qui n’a pas la tête dans les nuages, ce n’est pas vraiment un artiste. Pour moi, il faut être un peu hors circuit pour faire ces métiers-là. Il faut aussi avoir confiance dans ce qu’on fait, surtout quand on démarre et se dire qu’on va y arriver. Il faut être très convaincu parce que les obstacles sont nombreux, et les donneurs de leçons aussi. On doit avancer et ne pas trop se poser des questions. Quand on me demande des conseils, je réponds : « travailler, travailler, travailler ». C’est vraiment la base et il faut être un peu doué, bien sûr.
Vous mentionnez souvent le travail en famille. Que signifie pour vous cette dimension familiale dans votre musique ?
Louis Chedid : Ce n’est pas que j’aime travailler en famille. Mathieu est un des meilleurs guitaristes avec lesquels j’ai travaillé. Si je fais appel à lui, c’est plus pour ses qualités de musicien et évidemment, la proximité rajoute du plaisir. A chaque fois, c’est toujours juste ce qu’il fait par rapport à moi. Il me connaît bien et quand j’écoute ses chorus sur mes disques, je me dis que c’est ça que j’aurais fait, si j’avais été guitariste soliste comme lui.
Vous avez 76 ans et on a l’impression que vos chansons sont plus optimistes, comme dans « Je suis là » où vous dites « il y a quelque part dans le monde quelqu’un qui tient à toi et ce quelqu’un c’est moi »…
Louis Chedid : J’ai plus envie de parler de choses qui font du bien. Je ne veux pas être le énième mec qui chante des trucs sombres qui plombent. On est abreuvé de mauvaises nouvelles tous les jours, mais la vie, ce n’est pas seulement être entouré de criminels, de violeurs, de politiciens véreux… C’est autre chose. Les gens vivent aussi des histoires qui sont belles, dans des endroits qui ne sont pas obligatoirement horribles. J’ai envie de solariser les gens, de les tirer vers le haut plutôt que vers le bas.
Quelle idée vous faites-vous du bonheur ?
Louis Chedid : C’est avoir envie de donner aux autres. Quand vous donnez, vous recevez. Il y a une espèce d’interaction qui se passe. Nous, on a la chance de communiquer avec des gens qu’on ne connaît pas. On monte sur scène, il y a 1000 personnes et tout d’un coup, il y a un échange qui se créé extrêmement chaleureux. Et donc, vous avez envie de donner un maximum pour recevoir aussi, parce que l’on a besoin d’être aimé. C’est très simple, tout cela, en fait.
La beauté de l’existence, diriez-vous qu’elle se résume aux « Battements du cœur » ou à l’amour qui nous fait voir la vie autrement, comme vous le dites dans « Quand on aime » ?
Louis Chedid : Absolument. Quand je parle d’amour, ça veut dire qu’il y a une interaction. J’ai rarement rencontré des gens amoureux qui ne sont pas contents. Mais par contre, il y a des gens qui réussissent, gagnent beaucoup d’argent et qui sont déprimés ou angoissés. L’amour est le seul sentiment qui réunit et rend les gens heureux. Ce n’est pas nouveau. Quand j’ai fait « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime », je ne pensais pas que cette chanson allait avoir un tel impact.
Entretien réalisé par Victor Hache
- Album «Rêveur, rêveur », Pias.
- En tournée à partir du 29 novembre et en concert à Paris les 13 et 14 décembre 2024 au théâtre des Bouffes du Nord. 37 bis, boulevard de la Chapelle, 75010 Paris