[Musique/Interview] Louis Chedid & Yvan Cassar, pianiste et arrangeur-star, sortent « En noires et blanches», un magnifique album piano-voix, où les deux artistes voyagent à travers les plus grands succès de l’auteur d’«Anne, ma sœur Anne» ou de « Ainsi soit-il ». Un répertoire aussi sensible qu’intimiste que les deux artistes vont dévoiler en tournée à partir du 5 octobre.
Louis Chedid & Yvan Cassar sur le fil de l’émotion, en piano-voix
En juin, nous écrivions que c’était l’un des plus beaux projets de la rentrée. « En noires et blanches », qui sort ce vendredi 9 septembre, confirme en beauté nos premières impressions. L’album piano-voix réalisé par Louis Chedid & Yvan Cassar est un pur bijou, un répertoire sensible où les deux artistes voyagent à travers les grands succès de l’auteur de « Ainsi soit-il », « Anne, ma sœur Anne » ou « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime ».
Un disque où se mêlent les arrangements délicats de Cassar, immense musicien aussi à l’aise dans le classique que dans la pop, qui a joué avec les plus grands artistes (Johnny Hallyday, Mylène Farmer, Charles Aznavour, Claude Nougaro…) et la voix et les mots émouvants de Chedid, qui nous aident à réfléchir au sens de la vie. Un piano-voix aux ambiances intimistes qui offrent encore plus de profondeur à ses morceaux.
L’occasion d’aller à la rencontre du chanteur qui sera en tournée à partir du 5 octobre, accompagné de son complice, entouré de quatre pianos aux sonorités différentes sur scène. Assurément un grand moment de bonheur à venir.
Parlez-nous d’Yvan Cassar. Qu’aimez-vous du musicien, de l’homme ?
Louis Chedid : Quand le directeur de Pias Kenny Gates, m’a proposé de faire un disque piano-voix, je lui ai dit oui tout de suite. C’est assez génial de se dire qu’on va reprendre ses propres chansons et les mettre à nu. J’ai souhaité le faire avec Yvan Cassar, que je connais depuis longtemps. On se tourne autour depuis quinze ans et à chaque fois, on se disait qu’il faudrait faire quelque chose ensemble. C’est une personne très ouverte musicalement, qui va du classique à la pop, au jazz rock. La mélodie est importante pour lui. C’est très agréable et humainement, on s’entend bien, on rit beaucoup. Il y a une vraie complicité. Pour lui, un piano ne ressemble pas à un autre piano. On en avait quatre dans le studio, avec chacun une sonorité bien à lui.
Vous composez généralement vos chansons à la guitare. Les chanter accompagné d’un piano, c’est une manière d’offrir un autre éclairage ?
Louis Chedid : Elles prennent une autre forme et cela met la mélodie et le texte en avant. Par exemple « Le Chacha de l’insécurité » semblait une chanson un peu festive et tout d’un coup la jouer piano-voix donne une profondeur et peut-être de la gravité, qui ressortent. Même chose pour « Anne, ma sœur Anne ». Sur la version disque d’origine, il y avait un tempo qui incitait les gens d’une certaine manière à danser, sur un texte finalement très grave, ce qui a d’ailleurs permis à la chanson d’exister.
Vous êtes sur le fil de l’émotion avec ce répertoire piano-voix. On a l’impression qu’aller dans la profondeur des sentiments est de plus en plus important pour vous?
Louis Chedid : Absolument. La chose la plus intéressante dans la vie, c’est l’amour, la recherche des émotions et du plaisir d’être ensemble, de partager des choses avec les autres. Au début, on a toujours une espèce de pudeur de jeunesse à dire « je t’aime », mais la plupart des grandes chansons qu’on aime, en anglais par exemple, elles ne parlent quasiment que d’amour. A un moment, on se débarrasse de cette pudeur un peu mal placée, parce que franchement dire ses sentiments, c’est ce qu’il y a de plus important. Je pense que pour tirer les gens vers le haut, il faut parler des choses qui font du bien.
Essayer de faire le bonheur autour de soi, n’est-ce pas une gageure dans le monde d’aujourd’hui ?
Louis Chedid : Je m’aperçois quand même que quand j’ai fait « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime », c’est une chanson qui a réuni beaucoup de gens sur cette idée. Les gens se la sont appropriés, elle leur fait du bien. Est-ce que dans le monde dans lequel on vit, on peut se permettre de dire des choses positives ? Certains peuvent trouver que c’est béni oui-oui ou bisounours. Franchement, je trouve que c’est un faux-débat. Le vrai combat aujourd’hui, c’est de tirer les gens vers le haut en leur disant qu’il n’y a pas que du négatif dans la vie, heureusement.
La mélancolie qui imprègne votre poésie vient-elle de votre mère, l’écrivaine et poétesse Andrée Chedid qui vous a transmis le goût de l’écriture ?
Louis Chedid : C’est certain. Elle m’a transmis l’amour des mots. La seule chose qui m’intéressait à l’école, c’était la littérature. Je dis souvent qu’elle m’a sauvé. J’étais un vrai cancre et comme je n’aimais pas l’école, je me réfugiais dans les bouquins. Je lisais énormément. J’ai commencé pré-ado vers l’âge de 11-12 ans, avec évidemment la chance d’avoir une bibliothèque à la maison, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Cela m’a nourri et a fait que les mots ont une vraie importance pour moi. Ma mère était attachée à chaque mot, ses manuscrits étaient toujours très raturés car elle voulait trouver l’expression exacte qu’elle avait dans la tête. Bien sûr, il y a de la mélancolie chez moi. On est multiple, pas que rigolard ou sinistre. C’est des nuances de couleurs entre le noir et le blanc, cela dépend des moments.
Vous êtes aussi très nostalgique de votre enfance, que vous évoquez dans la chanson « Bouc Bel Air »…
Louis Chedid : C’était une période délicieuse. Vu que ma scolarité a été désastreuse, les grandes vacances étaient vraiment les seuls moments où je ne ressentais plus la pression scolaire. C’était à côté d’Aix-en-Provence, dans un village qui est devenu beaucoup plus grand aujourd’hui, où mes parents avaient trouvé une maison. J’y ai passé des moments absolument divins, qui vous restent pour toute la vie.
Vous chantez « Tout ce qu’on veut dans la vie, c’est qu’on nous aime ». Est-ce aussi pour cela qu’on devient chanteur, pour être aimé ?
Louis Chedid : C’est sûr. On se dit qu’on n’est pas suffisamment intéressant pour que les gens s’intéressent à vous. Tout d’un coup, vous trouvez un intermédiaire qui est la musique, vous balancez une chanson que vous avez écrite, et les gens vous regardent autrement, vous suscitez un intérêt. Tous les artistes sont des introvertis, un peu timides, qui ne trouvent rien de mieux que de s’exposer devant des centaines de gens et de se mettre à nu, d’une certaine manière. C’est tout le paradoxe des comédiens, qui ne sont pas forcément très démonstratifs dans la vie, et qui tout d’un coup montent sur scène et deviennent une autre personne. C’est très bizarre.
Vous dites que la littérature vous a sauvé. La musique vous rend-elle heureux ?
Louis Chedid : Elle me rend heureux, même si parfois quand je n’arrive pas à trouver la suite d’une mélodie, cela me rend moins bien. Je crois qu’il faut avoir confiance en soi et la vie. Parfois vous composez deux chansons complètement ratées, même si vous ne les aviez pas faites, peut-être que vous n’en feriez pas une troisième qui est beaucoup mieux. C’est une question d’évolution personnelle.
Vous allez partir en tournée. Serez-vous entouré de quatre pianos sur scène ?
Louis Chedid : Absolument. Il y aura un grand queue, un quart de queue, deux pianos droits et Yvan va passer d’un instrument à l’autre. On prévoit 25 chansons. J’ai pris des cours de piano cet été, du coup, je jouerai de temps en temps avec lui. J’ai eu la chance de faire une tournée l’année dernière, avec une cinquantaine de concerts entre juin et décembre. J’ai pu ainsi retrouver les gens il n’y a pas très longtemps, et là, ça va être encore un grand bonheur.
Entretien réalisé par Victor Hache
- Louis Chedid & Yvan Cassar, album « En noires et blanches » Pias Le Label/Collection Parce Que. En tournée en France à partir du 5 octobre 2022.