Musique/Interview. Il est l’un des plus grands accordéonistes de sa génération. Richard Galliano a réussi à transformer l’image de cet instrument en l’amenant sur des terrains musicaux variés, notamment le jazz, la musique classique, et la musique du monde. Rencontre avec le virtuose de l’accordéon, son « Steinway à bretelles » sourit-il, qui se produira mardi 13 août dans le cadre du festival les Musicales du Golfe au Palais des arts de Vannes (Morbihan). Il y a revisitera les morceaux de Astor Piazzola et interprétera également ses compositions personnelles où il célèbrera le «new musette» au sein d’un trio jazz.
Entre l’accordéon et vous, c’est une véritable histoire d’amour. Comment avez-vous découvert cet instrument ?
Richard Galliano : C’est plus que de l’amour ! (rires). L’accordéon fait partie de moi, de mon corps, sans jeu de mots faciles. Cela vient de ma famille. Mon père était un très grand accordéoniste, un très grand professeur aussi. Très jeune, j’ai eu envie de faire comme lui et il m’a donné tous les moyens pour que je réussisse. Il a été vraiment mon fan le plus proche (rires)., D’ailleurs, j’ai toujours l’accordéon qu’il m’avait acheté. Il a 60 ans et j’en joue tous les jours! (rires) C’est un peu une sorte de Stradivarius avec lequel je peux très bien aller dans le jazz, que jouer avec un orchestre symphonique.
Vous parlez de votre père auquel vous rendez également un hommage dans votre album « Madreperla »…
Richard Galliano : Toute ma vie, je lui ai rendu hommage. Il est toujours présent auprès de moi, comme tous les gens que j’ai aimés, les grands musiciens, les chanteurs. En fait, les trois mouvements de cet opus, sont inspirés par les artistes que j’ai côtoyés, que j’admire toujours. Le premier, c’est bien sûr Astor Piazzolla. Le second est Toots Thielemans, ce grand harmoniciste belge qui m’a beaucoup influencé, que j’ai eu le plaisir de connaître. Et le troisième mouvement, c’est une mazurka antillaise en grand orchestre, dédiée à Eddy Lewis. On avait fait un disque ensemble qui s’appelait « Face to Face ». C’était vraiment un musicien génial avec une grande sensibilité, qui a magnifié l’orgue Hammond.
Vous allez aussi sortir à la rentrée « Around Gershwin », votre prochain album…
Richard Galliano : C’est un disque sur lequel j’ai enregistré « Rhapsody in Blue » et des compositeurs contemporains de Gershwin, de Rachmaninov à Eric Satie, Fauré, Ravel, Debussy et des standards de jazz de Gershwin. Je suis très fier de ce album qui sortira sur un label néerlandais « Pentatone » autour du 24 septembre.
L’accordéon a longtemps été associé à un répertoire traditionnel, voire nostalgique. Comment avez-vous réussi à redéfinir cet instrument qui avait un peu perdu de sa modernité?
Richard Galliano : Je vous mets à l’aise tout de suite. Je n’ai pas tiré un trait sur le passé, au contraire ! Ma préoccupation est d’essayer d’être à la hauteur du passé. Parce qu’il y a eu de très grands accordéonistes, dans les années 40, qui jouaient avec Django Reinhardt. Après, il y a eu des gens comme Marcel Azzola, Joe Privat. Non, je n’ai pas renouvelé, je suis dans la continuité. J’essaie de montrer la face qui a été quelquefois cachée de l’accordéon parce que c’est un instrument qui a toujours été présent dans la musique classique. Il n’y a qu’à voir en Russie, les grands concertistes d’accordéon. Dans le jazz, aux Etats-Unis, il y a des gens qui jouaient avec Benny Goodman. Et l’accordéon est bien sûr proche des musiques traditionnelles, surtout au Brésil, en Colombie. J’ai réalisé en allant dans ces pays qu’en France, il ne fallait surtout pas se couper de la valse musette, qui est pour moi la chose la plus magnifique.
Vous avez d’ailleurs créé ce qu’on appelle le « New Musette »…
Richard Galliano : Oui, mais encore une fois, j’insiste. Je ne me suis pas coupé de la tradition. J’ai continué à être ouvert aux nouvelles musiques, mais sans renier les origines. Au contraire, j’ai trop de respect pour tous ces accordéonistes qui étaient géniaux, comme Tony Murena. Astor Piazzolla disait qu’il avait fait la révolution, qu’il voulait tout casser. C’est l’esprit de l’Amérique du Sud. Moi, ce n’est pas du tout ça.
J’essaie d’être dans la continuité avec mon expérience. J’ai eu la chance de côtoyer beaucoup de grands musiciens et la plupart des grands chanteurs et chanteuses, de Juliette Gréco à Barbara, Serge Reggiani qui a été le premier que j’ai accompagné, Claude Nougaro. Quand je suis arrivé dans son orchestre, j’avais 24 ans. Il m’a tout de suite proposé un texte. Je me suis aperçu que ce n’était pas si facile de faire une chanson. Ma musique est très influencée par la chanson. Cela m’a permis de magnifier la mélodie. La mélodie, le son et la danse, pour moi, c’est vraiment les trois ingrédients les plus importants. On met une vie à trouver un son qui vous soit personnel. Je vais toujours vers la simplicité et la visibilité.
Vous serez pour la première fois au festival Les Musicales du Golfe. Quel répertoire jouerez-vous ?
Richard Galliano : A Vannes, on sera en trio avec Adrien Moignard (guitare) et Jean-Marc Jafet (basse). On va jouer des valses musettes de ma composition et les musiciens avec qui je joue connaissent cette manière de jouer. Comme disait Nougaro, le jazz et la java, c’est la même chose. Il avait raison à 200%, c’est la pulsation, c’est le swing, c’est l’invitation à la valse. Et il y aura toujours un clin d’œil à Piazzolla. Pendant pas mal d’années avec un sextet, j’ai joué « Piazzolla Forever » et j’ai failli me noyer dans sa musique. A un moment j’avais du mal à me resituer. Piazzolla sera toujours présent, mais je me suis rappelé son conseil « il faut faire le new musette », alors on jouera aussi du new musette jazz !
Entretien réalisé par Victor Hache
- Concert : Richard Galliano le 13 août 2024. Festival les Musicales du Golfe – Vannes (56 000), Palais des arts