Devenu l’un des plus importants événements musicaux, le festival normand transgénérationnel Beauregard qui fête ses dix ans, entend plus que jamais défendre ses valeurs d’indépendance. Entretien avec son directeur Paul Langeois.
Le festival Beauregard est devenu une référence et un rendez-vous très apprécié des passionnés de musique, où 275 groupes et artistes se sont produits
Un festival très cool avec un bel accueil dans un cadre bucolique, à l’ombre du château d’Hérouville Saint-Clair, près de Caen (Calvados). En dix ans, Beauregard est devenu une référence et un rendez-vous très apprécié des passionnés de musique, où 275 groupes et artistes se sont produits. Un succès qui doit beaucoup à l’esprit de convivialité de l’événement mais aussi à une programmation à la fois pointue et populaire où joueront notamment le guitariste et chanteur américain Jack White, le groupe de rock alternatif originaire de Brooklyn MGMT, The Offspring, Simple Minds, mais aussi le rappeur caennais Orelsan, Charlotte Gainsbourg, Nekfeu ou encore Eddy de Pretto. Avec en prime, un « day after », le lundi 9 juillet, où l’on pourra voir les mythiques Britanniques Depeche Mode !
Tous les styles de musique sont présents à Beauregard
Beauregard, c’est tous les styles de musique. Comment définiriez-vous l’ADN du festival ?
Paul Langeois L’image que j’ai en tête quand je fais la programmation, c’est une famille avec un ado de 16 ans, ses parents de 40 ans et ses grands-parents de 60 ans. J’ai envie que l’ado emmène ses parents au concert d’Orelsan, que les parents aillent voir Simple Minds et que les grands-parents regardent Julien Clerc avec les petits-enfants. J’aime cette idée de partage. On a plus de trente artistes qui s’adressent à des publics différents, comme Jack White, MGMT, Orelsan, Petit Biscuit, Charlotte Gainsbourg et des découvertes comme J. Bernardt ou L.A. Salami. Un mix qu’on peut reproduire le dimanche avec At the Drive In et The Breeders, Macklemore et Bigflo & Oli ou Ibeyi.
Dans le contexte très concurrentiel des festivals, quelles sont les difficultés auxquelles vous devez faire face ?
Paul Langeois La première difficulté, c’est que Beauregard se déroule le premier week-end concurrentiel de juillet, où on se retrouve souvent en même temps que les Eurockéennes, Main Square, les Déferlantes… S’agissant des groupes internationaux, les exclusivités sont de plus en plus demandées par différents festivals qui, quand ils ont une tête d’affiche, veulent que ce soit la seule date en France. Il y a aussi de plus en plus d’événements qui se font racheter et perdent de leur indépendance. C’est le danger. Entre Vivendi, les américains Live Nation ou AEG, qui va peut-être à un moment donné mettre le nez dans les festivals, ça devient difficile.
Ancré dans son territoire normand, le festival Beauregard investit 1,5 millions d’euros dans les entreprises locales
Rester indépendant, c’est important ?
Paul Langeois Oui, parce qu’un festival c’est quelque chose qui est très ancré dans son territoire. On défend notre Normandie, notre ville, nos produits régionaux que l’on souhaite faire découvrir au public. On a aussi ce rôle d’embaucher les locaux. On fait beaucoup fonctionner les entreprises locales, dans lesquelles Beauregard investit 1,5 million d’euros. Cela va de la boulangerie où l’on achète tout le pain à l’entreprise à laquelle on va louer du matériel, des engins ou des groupes électrogènes. Alors que quand un festival est racheté, si c’est une boîte parisienne ou une multinationale qui le gère, elle va chercher à mutualiser les choses en passant par une entreprise avec laquelle elle travaille déjà. À la fin, on a les mêmes scènes, le même son, les mêmes lumières et les entreprises locales ne travaillent plus. C’est pour moi une erreur.
Beauregard prévoit un « day after », le lundi 9 juillet, où l’on pourra voir les mythiques Britanniques Depeche Mode !
Parlez-nous de Depeche Mode, qui sera la tête d’affiche du lundi…
Paul Langeois C’était mon Graal ! Je rêvais de pouvoir un jour programmer Depeche Mode ! (rires) C’est l’une des rares fois, peut-être la seule, où un groupe de ce calibre-là vient jouer dans notre région. Nick Cave, Portishead, Pixies ou PJ Harvey que nous avons programmés… tous ces artistes-là ne viennent jamais dans la région parce que leurs tournées internationales ne passent pas par ici. Beauregard nous permet de les attirer. S’il n’y avait pas le festival, ces artistes, même avec un Zénith ou une salle plus grande, ne viendraient pas à Caen parce que c’est trop petit pour eux. Avec Depeche Mode, on va faire plus de 20 000 festivaliers, ce qui représente trois Zénith complets à Caen. En quatre jours, on accueillera ainsi plus de 100 000 personnes.