basquiat et une de ses oeuvres

La Fondation Louis Vuitton à Paris présente plus de 120 œuvres du peintre américain Basquiat, parmi les plus intenses de la scène artistique des  années 1980, retraçant le parcours de l’artiste mort d’une overdose à 27 ans.


Basquiat, artiste de l’underground qui pratiqua très tôt le graff, fut en quelque sorte un précurseur du street art. Il a offert au monde un héritage fabuleux, laissant un millier de peintures et près de 2000 dessins


portrait de jean_michel basquiat
Jean-Michel Basuquiat

Artiste unique dans l’histoire de l’art, Jean-Michel Basquiat a offert au monde un héritage fabuleux, laissant un millier de tableaux et près de 2000 dessins. Présentée sur cinq étages, l’exposition que lui consacre la Fondation Louis Vuitton, présente plus d’une centaine de ses œuvres parmi les plus intenses de la scène artistique réalisées entre 1980 et 1988. Des tableaux essentiels tels «Obnoxious liberal» (1982), «In Italian» (1983), «Riding with death» (1988) jamais montrés en Europe ou rarement présentés comme « Offensive Orange »  (1982), « Untitled (Boxer)» (1982), et « Untitled (Yellow Tar and Feathers) »  (1982).

Artiste météore dont la fulgurante carrière dura une dizaine d’années, Basquiat est aujourd’hui l’un des peintres les plus côtés sur le marché. Son tableau représentant une tête sur fond bleu d’une hauteur de deux mètres exposé ici, a d’ailleurs été acquis pour la modique somme de 110 millions de dollars (98 millions d’euros) lors d’une vente aux enchères à New-York en 2017.

Né à New York le 22 décembre 1960 d’un père originaire de Haïti, d’une mère de Porto-Rico native de Brooklyn, qui l’emmenait  souvent au musée afin de l’encourager à développer ses talents de dessinateur, il se sent rapidement en révolte contre le système : «Mon œuvre, c’est à peu près 80% de colère » disait Basquiat.  Entre tourments et pulsions autodestructrices, il  brûlera sa vie jusqu’à l’overdose qui l’emportera à l’âge de 27 ans.

un des tableaux de basquiat à l'exposition fondation louis vuitton

Son talent, sa précocité, sa fragilité psychique ont largement forgé sa renommée. Avant lui l’Amérique avait inventé le Pop Art (Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Carl André, Sol Le Witt, Franck Stella…) et le minimalisme est devenu conceptuel.

A l’aube des années 80, le marché de l’art explose. On fréquente les galeries branchées, on se rend aux vernissages. Viennent alors Keith Haring, Julian Schnabel. Les artistes produisent désormais à la demande par l’intermédiaire de leurs agents. Basquiat arrive à ce moment-là.



Contrairement à sa légende le « graffiti art» n’est pas dû aux enfants du Bronx ; c’est un art ignorant les barrières sociales. Il est iconoclaste, fait de tags, de signatures bien lisibles dans le métro, sur les façades d’immeubles, provenant d’artistes possédant une identité propre. Basquiat, artiste de l’underground qui pratiqua très tôt le graff, fut en quelque sorte un précurseur du street art.

basquiat dans son atelier

Une œuvre souvent traversée par le thème de la mort. A l’âge de sept ans, alors qu’il joue dans les rue de New-York, il est renversé par une voiture. Fractures du bras, lésions internes, on l’opère en urgence procédant à l’ablation de la rate. A l’hôpital, sa mère lui apporte à un livre qui allait marquer son imaginaire « Henry Gray’s Anatomy of the Human Body » (Anatomie du corps humain par Henry Gray). Il acquit ainsi une connaissance du corps humain, qui l’amènera plus tard de parsemer ses toiles de corps découpés, de crânes et de squelettes.

Dès 1977, il signe ses graffs d’un mot énigmatique, SAMO (« SAMe Old shit » (Toujours la même merde) – «SAMO est tout », « tout est SAMO », SAMO la religion sans péché» écrit-il. Après avoir quitté ses parents à l’adolescence, sans domicile, il vit tantôt chez l’un, tantôt chez d’autres. Il rencontre et fréquente David Byrne, Klaus Nomi, Iggy Pop, Vincent Gallo, David Bowie, Sid Vicious, Brian Eno. Mais celui qui  marquera de son empreinte la vie, le devenir de Basquiat sera Andy Warhol.

A cette époque, il peint des cartes postales qu’il vend aux terrasses des restaurants. Warhol lui en achètera sans savoir que les deux artistes allaient devenir amis. En 1981 une grande exposition est organisée à Long Island «New York/New wawe». 1600 œuvres de 119 artistes sont rassemblées. Basquiat expose 15 tableaux, sortes de dessins d’enfants, accompagnés de textes parfois très longs et de signes à décrypter.


Jean-Michel Basquiat: « Depuis l’âge de dix-sept ans, je rêvais de devenir une star. Je songeais à tous mes héros, Charlie Parker, Jimi Hendrix…j’avais une image romantique de la célébrité »


tableau "untitled" de Basquiat

Un autre de ses thèmes est le racisme. Basquiat qui a souffert de la discrimination en tant qu’afro-américain, évoque sur ses toiles l’histoire de l’esclavage au travers de peintures ayant la forme de masque africains, inspirées de l’art brut primitif. Les figures peintes sur la plupart de ses supports représentent également des sportifs noirs, joueurs de base-ball (Hank Aaron), boxeurs (Sugar Ray Robinson, Joe Frazier, Mohamed Ali), musiciens, jazzmen (Charlie Parker, Miles Davis).

Mais les héros qu’il s’est choisi sont le plus souvent des artistes consumant leur vie entre la drogue et l’alcool. Des existences qui lui ressemblent. Il voulait vivre comme James Dean, admirait Jimi Hendrix, Janis Joplin. Ils sont tous trois morts avant l’âge de 30 ans.

Ses premiers «vrais» tableaux (1981-1982), laissent penser qu’il s’inspira de Jean Dubuffet qui consacra une période entière à la représentation de la vie urbaine, Paris notamment (1945-1946). Ses peintures se lisent grâce à des graffitis, des inscriptions murales, gravées dans de l’enduit. Pourtant, Jean-Michel Basquiat nia catégoriquement avoir été influencé par le peintre français.

Parallèlement, il se détourne de la période «dessins d’enfants» pour reproduire presque exclusivement des figures humaines avec des personnages soit couronnés, soit auréolés, signant ses tableaux du « C » cerclé de Copyright. La couronne flottant au-dessus de la tête semble être celui d’un artiste roi de la rue. Couronne d’épines faisant de lui un juste refusant de se soumettre.

basquiat et andy warhol

En 1982, Andy Warhol réalise un portrait en sérigraphie sur toile de Basquiat, peinture polymère oxydée avec de l’urine. James van der Zee, photographe de la «Harlem renaissance» prend alors des photos des deux artistes pour la galerie Shafrazi-Bischofberger.

Des clichés qui rendront célèbre le jeune peintre, coiffé en chef afro, artiste noir engagé, roi de la rue et roi des galeries mais au-dessus des conventions sociales. Grand amateur de musique, Basquiat fut aussi producteur de l’album d’un groupe de rap « Beat bop » dont il réalisa la pochette, devenue très rapidement objet de collection, aujourd’hui encore convoité entre autres par le rappeur Tricky.



Sélectionné pour participer à l’importante Biennale de Whitney, connue pour ses dernières tendances d’art contemporain, il y rencontre Mary Boone, qui le représentera pendant plus de deux ans et fera tout pour le faire connaitre. Elle n’aura de cesse que de «Placer l’artiste dans les bonnes expositions, faire écrire sur ce dernier les bons articles dans les bonnes revues d’art, organiser les bonnes fêtes dans les bons clubs.»

basquiat tête sur fond bleu

Basquiat brille de tous ses feux, de tout son talent, de toute son habileté. Warhol lui est au creux de sa carrière. Il n’avait rien vendu lors de sa dernière exposition. Etre vu avec un aussi jeune artiste à la mode était bon pour son image. Ils vont ensemble aux vernissages, fréquentent les mêmes clubs, le même gymnase. Le jeune peintre américain louera d’ailleurs à Warhol un atelier dans Great Jones Street.

Il y travaillera jusqu’à sa mort en février 1987. Basquiat est anéanti. Il réalise alors une œuvre funéraire en hommage à son ami disparu, réalisée à partir de trois vieilles portes (« Gravestone », 1987) Sur celle de gauche une fleur et une croix, sur celle du milieu, la plus haute, est écrit deux fois «périssable» mais les mots sont barrés de noir, sur celle de droite une tête de mort incrédule dans laquelle est peint un cœur rouge et une longue mèche de cheveux jaunes de Warhol. A sa dernière compagne, Kelle Inman, il aurait confié vouloir abandonner la peinture et se consacrer à l’écriture.

basquiat tableau reding with death

Il voyagera alors beaucoup. Il ira à Dusseldorf, à Amsterdam, au festival de jazz de la Nouvelle-Orleans, à Paris où il rencontre l’artiste ivoirien Ouattara Watts, dont il sera le mentor. Il devait se rendre à Abidjan (Côte d’Ivoire) avec lui. Leurs billets étaient pris pour le 18 août. Le 12 août 1988, sa compagne Kelle Inman découvrira le corps inanimé de Jean-Michel dans son atelier, mort d’une overdose d’héroïne et de cocaïne. Fin tragique d’un génie de la peinture.

Jane Hoffmann

 

 

 

 

 

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