« Les rêveurs » : Isabelle Carré face aux blessures de l’adolescence

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"Les rêveurs" : Adolescente, Élisabeth (Tessa Dumont Janod) a passé un séjour dans une unité psychiatrique de l'hôpital Necker à Paris (©Christine Tamalet/Pan-Européenne).

Sortie cinéma. À 14 ans, la comédienne Isabelle Carré a tenté de se suicider et a été internée dans une unité psychiatrique pour adolescents. Elle a raconté ce moment douloureux dans son premier livre en 2018, qu’elle adapte au cinéma dans son premier film comme réalisatrice: LES RÊVEURS (mercredi 12 novembre sur les écrans).

Les rêveurs : Isabelle Carré signe son premier film comme réalisatrice et lance ici un cri d’alarme sur un problème très actuel, de plus en plus visible: celui de la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes

C’est le théâtre qui l’a sauvée, qui l’a fait repartir du bon pied. Elle interprète donc elle-même Elisabeth, une comédienne qui anime un atelier d’écriture à l’hôpital Necker avec des adolescents en grande détresse psychologique.

« Peut-être, avant de commencer, je dois vous dire quelque chose: j’ai été internée ici quand j’avais votre âge », dit-elle aux gamins au début de leur rencontre. Et, à leur contact, elle replonge dans sa propre histoire.

Sentiment de vide

Elle avait « vidé l’armoire à pharmacie », expliquait-elle aux autres ados internés avec elle, à l’époque. Un mal-être dû à la découverte progressive de l’homosexualité de son père, à l’anorexie et la dépression de sa mère, au sentiment de vide dans son existence.

Ses parents (Judith Chemla et Pablo Pauly), aimants et attentionnés, l’avaient fait hospitaliser pour son bien. Un séjour vécu comme un internement, mais où elle avait réussi à se faire des amis, entre épisodes de dépression et moments plus conviviaux, et à surmonter ses angoisses…

Époque actuelle

« Porter Les Rêveurs au cinéma était une manière de mettre en perspective et en lumière mon expérience, soit la partie la plus autobiographique de mon livre, et de montrer combien cet épisode faisait écho à ce que traversaient beaucoup de jeunes », explique Isabelle Carré.



Elle a voulu faire le lien entre sa propre expérience et l’époque actuelle: « Il m’importait surtout de raccrocher l’épisode de mon internement dans les années 80 à aujourd’hui. Tant de jeunes ont vécu difficilement ce confinement, et avant cela les attentats, ils évoluent dans un monde complexe, une société clivée… Même si mon expérience est singulière –à leur âge, mon père cachait son homosexualité et ses amis vivaient les ravages du sida, tout cela dans une époque de crise économique–, je reste persuadée néanmoins que ce qui se passe aujourd’hui est bien plus grave, et je suis vraiment soucieuse de la santé mentale des jeunes aujourd’hui ».

Ton optimiste

Très présente, la jeune Tessa Dumont Janod s’en tire fort bien dans le rôle d’Elisabeth jeune (« J’avais l’impression de me voir à son âge », dit Isabelle Carré) et Bernard Campan (le médecin-chef), Vincent Dedienne (son fils), Alex Lutz (le frère d’Elisabeth) et Nicole Garcia (sa prof de théâtre) complètent la distribution de ce film sensible et délicat, au ton optimiste malgré la gravité du sujet.

Mais au-delà de cette histoire en grande partie autobiographique, Isabelle Carré lance ici un cri d’alarme sur un problème très actuel, de plus en plus visible: celui de la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes. « Certaines régions sont totalement dépourvues de pédopsychiatres (il n’en existe que 500 en France!), des régions entières sont même dépourvues de lieux de soins », dit-elle. « Comment expliquer l’abandon d’une société qui laisse des jeunes en détresse, sans aucun recours possible? J’ai aussi conçu ce film comme un outil pour dénoncer cet état de fait. Qu’est-ce qu’une société qui néglige l’enfance à ce point? »

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Si je pouvais disparaître. Si je pouvais fondre comme un sucre dans une tasse de thé… » (pensée d’Elisabeth jeune).

  • Les Rêveurs Réalisation: Isabelle Carré (France, 1h46). Avec Isabelle Carré, Judith Chemla, Tessa Dumont Janod (Sortie 12 novembre 2025)

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