Sortie cinéma. Non mon cher Watson, le titre n’indique pas une suite de Sherlock Holmes. Le film « ÉLÉMENTAIRE » (ce mercredi 21 juin sur les écrans) est la dernière petite merveille des studios Pixar, un dessin animé inventif et émouvant, présenté hors-compétition en clôture du dernier Festival de Cannes.
« ÉLÉMENTAIRE » a pour cadre Element City, une ville dans laquelle cohabitent des habitants constitués chacun d’un des quatre éléments naturels: les Flamboyants faits de feu (des flammes jaunes), les Aquatiques qui forment des bulles d’eau (bleues et translucides), les Aériens qui ont l’aspect de nuages (blancs, roses, verts, jaunes) et les Terriens représentés par des mottes ou végétaux (bruns et verts).
La cohabitation entre les quatre espèces est harmonieuse, mais les personnages de feu sont souvent mis à l’écart, vivent entre eux dans le quartier qui leur est réservé, Firetown, et ont du mal à entrer en contact avec les trois autres catégories d’habitants.
Flam et Flack
Un jour, pourtant, le feu et l’eau vont se rencontrer. À l’occasion d’une fuite d’eau dans la boutique de son père, Flam, une jeune Flamboyante d’une vingtaine d’années, intelligente et au caractère bien trempé, dynamique et enthousiaste, toujours sur les nerfs mais adorant sa famille, fait la connaissance de Flack, un Aquatique sympa du même âge, un peu nigaud mais courageux, aussi cool que discret, ouvert aux autres et lui aussi proche de sa famille.
Au fil d’aventures mêlant tracasseries administratives, mini-catastrophes, rencontres familiales, sorties et rendez-vous, complicité et disputes, va naître entre ces deux personnages que tout sépare une amitié qui va peu à peu se transformer en histoire d’amour. Mais un amour impossible, entre le feu et l’eau?…
Bourré d’inventions visuelles
Ce 27e film des studios Pixar (rachetés par Disney en 2006) depuis leur chef d’œuvre TOY STORY en 1995 (leur dernier gros succès fut TOY STORY-4 en 2019) est très coloré, bourré d’inventions visuelles et d’idées d’anthropomorphisme qui fait parfois penser à VICE-VERSA, autre bijou Pixar de 2015.
Des quatre espèces, ce sont les Flamboyants les plus réussis graphiquement, avec leur petit nez en forme de flammèche qui bouge. Le film oscille entre fable fantastique et comédie sentimentale, avec de l’humour et bien sûr une histoire d’amour. Et les séquences poésie/émotion ne manquent pas, vers la fin, comme quand les opposés –les mains de Flam et de Flack– s’attirent, se rapprochent, se touchent.
Ode à la tolérance
Mais ÉLÉMENTAIRE est aussi un hymne à l’acceptation de soi (Flam finit par vivre la vie dont elle rêve), un éloge bien sûr de la famille (et …des larmes, chez les Aquatiques), et surtout une ode à la diversité, à l’acceptation de la différence et à la tolérance. Les Flamboyants vivent en effet un peu à l’écart des autres et Flam est une immigrée de la seconde génération, ses parents ayant fui leur pays pour venir s’installer à Element City.
C’est peu ou prou l’histoire du réalisateur, Peter Sohn, 46 ans, dont c’est le deuxième film après LE VOYAGE D’ARLO en 2015, histoire de l’amitié entre un gentil bébé dinosaure et un enfant. Ses parents étaient des immigrés coréens venus s’installer aux États-Unis et il est né à New York.
Sa propre histoire
Il explique avoir puisé dans sa propre histoire pour décrire le rejet initial des parents de Flam quand elle leur présente Flack: « J’ai commencé à y injecter ma propre relation avec ma femme. Je suis Coréen; elle est Américaine, à moitié Italienne. Au début, j’ai caché cette relation à mes parents parce qu’ils voulaient, selon la tradition, que j’épouse une Coréenne ».
« ÉLÉMENTAIRE aide également à comprendre nos parents en tant qu’individus », poursuit-il. « De cette compréhension découle une reconnaissance des sacrifices qu’ils ont faits pour leurs enfants. Mon père et ma mère ont émigré de Corée au début des années 1970. Je suis donc né et j’ai grandi avec les traditions, la langue et la culture coréennes dans la ville très américaine de New York. Cela a donné lieu à des chocs culturels entre la première et la deuxième générations ».
Message humaniste fort
Pendant tout le film les Flamboyants et leur feu jugé dangereux sont parfois traités comme des immigrés mal intégrés et victimes de discriminations de la part des Aquatiques, des Aériens et des Terriens. En cela ÉLÉMENTAIRE porte un message humaniste fort, comme l’explique la productrice Denise Ream: « C’est une histoire sur les relations –entre le feu et l’eau, entre les parents et leurs enfants, mais aussi entre nous et nos voisins qui ne nous ressemblent pas forcément. C’est à la fois une comédie, un voyage familial et un choc des cultures ».
Cela dit, on ne vendra pas trop la mèche en révélant que Flam et Flack (dont les voix sont assurées par Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste dans la version française) vont finalement pouvoir vivre leur histoire d’amour, malgré les difficultés. Mais on ne peut s’empêcher d’attendre avec impatience un éventuel ÉLÉMENTAIRE-2, pour voir comment ils vont s’y prendre pour faire des enfants…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « Tous les Aquatiques ne se ressemblent pas comme deux gouttes d’eau » (Flam, à sa famille, qui a du mal à accepter qu’elle fréquente Flack).
- A voir : « ÉLÉMENTAIRE » (« Elemental ») (États-Unis, 1h42). Réalisation: Peter Sohn (Animation). (Sortie 21 juin 2023)
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