Sortie cinéma. Une adolescente vit ses premiers émois amoureux et découvre la tolérance dans la sympathique comédie familiale « La plus belle pour aller danser » (ce mercredi 19 avril sur les écrans), premier film réalisé par Victoria Bedos, fille de Guy Bedos et petite sœur de Nicolas Bedos.
« La plus belle pour aller danser » : une comédie tendre de Victoria Bedos sur la quête d’identité et un discret éloge de la tolérance et de la différence
Marie-Luce (Brune Moulin), 14 ans, a perdu sa mère il y a 10 ans et vit avec son père (Philippe Katerine), directeur d’une petite maison de retraite familiale à la campagne, qui a une demi-douzaine de pensionnaires. Elle est mal dans sa peau, son père l’adore mais n’a pas le temps de s’occuper d’elle, elle n’a pas d’amis, elle lit « De l’inconvénient d’être né » de Cioran.
Soirée déguisée
Surtout, elle découvre un nouveau collège et ses camarades de classe, filles ou garçons, ne sont pas très gentils avec elle. Alors elle n’a pas très envie d’aller à la fête de rentrée des classes, une soirée déguisée, organisée chez une copine.
Poussée par son meilleur ami de la pension de famille, Albert (Pierre Richard), 80 ans, elle décide quand même d’y aller. Mais déguisée et habillée en garçon: smoking, nœud papillon, chapeau en feutre et perruque de cheveux courts. Elle se fait appeler Léo.
Coup de coeur
Immédiatement Léo, beau et décontracté, mystérieux, est admiré par les autres élèves. Par les filles mais aussi par un garçon, Émile, pour lequel Marie-Luce a un coup de cœur.
Se sentant bien dans la peau de Léo, Marie-Luce ose aborder Émile et entamer la conversation avec lui. Elle décide alors, les jours suivants, de continuer à faire vivre ce double masculin, et se lie d’amitié avec Émile, qui peu à peu devient son meilleur copain.
Mais problème: Émile est-il gay? Faut-il lui dire vite la vérité ou continuer cette amitié ambiguë entre garçons? « Est-ce qu’on peut mentir par amour? », s’interroge la jeune fille…
Débuts réussis de réalisatrice
Victoria Bedos, 37 ans, était la scénariste de LA FAMILLE BÉLIER, gros succès de l’année 2015, puis de VICKY en 2016, en partie autobiographique, où elle faisait de formidables débuts d’actrice (sous la direction de Denis Imbert, réalisateur de SUR LES CHEMINS NOIRS actuellement sur les écrans).
Avec « La plus belle pour aller danser », elle fait ici ses débuts réussis de réalisatrice, en signant également le scénario d’une histoire dans laquelle elle a mis quelques éléments de son adolescence. « À 14 ans, j’étais extrêmement mal dans ma peau, précoce scolairement mais en retard physiquement et affectivement », raconte-t-elle.
Esprit de mamie et corps d’enfant
« Mes lectures étaient très pointues comme celles de Marie-Luce (même si moi, je n’ai commencé à lire Cioran qu’à 17 ans!) mais j’avais un côté très bébé », ajoute-t-elle. « Étant élevée par un père âgé, j’avais des goûts de vieux. J’aimais tellement sa culture! Et au moment où tout le monde ne jurait que par le rap, moi j’écoutais Barbara… J’avais choisi mon camp: j’étais de la génération d’avant. Cette dualité entre mon esprit de mamie et mon corps d’enfant n’a pas arrangé mon rapport aux autres dans la cour de récré. D’où le harcèlement que j’ai subi à 14 ans ».
Ambiance légère et dialogues drôles
Mais elle ne fait pas un drame de ces difficultés rencontrées par Marie-Luce dans son désir d’aller vers les autres. Le film prend dès le début le ton de la comédie, avec une ambiance légère et des dialogues drôles –même s’il aborde, sans en avoir l’air, des questions sérieuses comme les difficultés de l’adolescence, les rapports père-fille, la vieillesse ou l’homosexualité.
Surtout, les personnages sont attachants et joliment interprétés. La jeune Brune Moulin, qui fait ses débuts à l’écran, est épatante de naturel et de malice; Philippe Katerine, dans le rôle du père qui élève sa fille du mieux qu’il peut, est émouvant et juste; et l’on continue d’apprécier les apparitions au cinéma de Pierre Richard, 88 ans, ici dans le rôle d’un vieillard sympa qui n’a pas vu ses enfants depuis 15 ans à cause de son homosexualité.
Discret éloge de la tolérance et de la différence
Cette dernière caractéristique est l’occasion, pour Victoria Bedos, d’ajouter un élément dans ce discret éloge de la tolérance et de la différence, parallèlement à l’ambiguïté fille-garçon que cultive Marie-Luce tout au long de l’histoire, dans sa découverte de l’amitié et de l’amour.
Mais ce n’est pas le but premier du film. « Le film ne parle pas du désir d’être un garçon, mais du désir d’être aimée », dit la réalisatrice. « Marie-Luce n’est ni aimée, ni intégrée dans un groupe d’amis. Quand elle est en fille mal à l’aise qui se cache derrière ses grosses lunettes, on lui parle mal ou on l’oublie. Quand elle se transforme en Léo, elle change de peau et prend confiance en elle ».
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « Pour mentir, il faut beaucoup de sincérité » (citation attribuée à Giono).
- « La plus belle pour aller danser » (France, 1h32). Réalisation: Victoria Bedos. Avec Brune Moulin, Philippe Katerine, Pierre Richard (Sortie 19 avril 2023)
Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong