L'Abbé Pierre - une vie de combats
"L'Abbé Pierre - Une vie de combats" : Jusqu'à la fin de sa vie, l'abbé Pierre (Benjamin Lavernhe) a porté secours aux sans-abri (©Jérôme Prébois/SND).

Sortie cinéma. C’était un homme de bien, la personnalité préférée des Français, un infatigable défenseur des sans-abris: le biopic qui lui est consacré, « L’ABBÉ PIERRE – UNE VIE DE COMBATS » (ce mercredi 8 novembre sur les écrans), rend hommage à « la voix des sans-voix », dont le combat contre la misère est toujours d’actualité plus de 16 ans après sa mort.


L’ABBÉ PIERRE – UNE VIE DE COMBATS est le quatrième film du réalisateur Frédéric Tellier, qui s’est toujours intéressé aux histoires vraies pour rendre hommage aux institutions et aux hommes de combat


L'Abbe Pierre - une vie de combats
« L’Abbé Pierre – Une vie de combats » : Benjamin Lavernhe (c) SND

Né dans une famille aisée en 1912 à Lyon, Henri Grouès (Benjamin Lavernhe) entre dans les ordres au début des années 30, passant sept ans au couvent des Capucins de Crest (Drôme) avant d’être ordonné diacre puis prêtre. Puis il est mobilisé pendant la Seconde guerre mondiale. C’est dans la Résistance qu’il prendra le nom d' »abbé Pierre », pour rester dans la clandestinité.

Lucie Coutaz et Georges Legay

Cette fausse identité lui est forgée par Lucie Coutaz (Emmanuelle Bercot), une assistante sociale qui deviendra sa secrétaire et restera à ses côtés jusqu’à sa mort en 1982. Avec elle, et avec Georges Legay (Michel Vuillermoz, vu récemment en Jacques Chirac dans le film « BERNADETTE »), ancien bagnard suicidaire rencontré en 1949, il fondera le communauté Emmaüs.

Élu député MRP à la Libération, l’abbé Pierre se battra pour le logement des familles pauvres et, à l’hiver 1954, lancera son fameux appel radiophonique pour que la population vienne en aide aux sans-abri, et qui commence ainsi: « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3h, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… » Un combat qu’il continuera à mener toute sa vie, jusqu’à sa mort en 2007, à l’âge de 94 ans…

Histoires vraies

Présenté hors-compétition au Festival de Cannes, L’ABBÉ PIERRE – UNE VIE DE COMBATS est le quatrième film du réalisateur Frédéric Tellier, qui s’est toujours intéressé aux histoires vraies pour rendre hommage aux institutions et aux hommes de combat: la police dans L’AFFAIRE SK1 (2014), traque dans les années 1990 du tueur en série Guy Georges; les pompiers dans SAUVER OU PÉRIR (2018), film sur les sapeurs-pompiers de Paris, avec Pierre Niney; la justice dans GOLIATH (2022), combat d’un avocat, interprété par Gilles Lellouche, contre les fabricants de pesticides.

Pour L’ABBÉ PIERRE – UNE VIE DE COMBATS, film très documenté, précis, il a rencontré Laurent Desmard, secrétaire particulier de l’abbé pendant 15 ans et président d’honneur de la Fondation Abbé-Pierre, dont l’apport « a été décisif. J’ai passé énormément de temps avec lui. Il m’a raconté des moments, des souvenirs qui ne sont pas dans la «littérature officielle» et qu’il n’avait, je crois, encore confiés à personne. Il m’a ouvert une malle incroyable de souvenirs, d’émotions, de complicités… Il m’a donné à voir et à comprendre l’abbé Pierre intime, son mode de fonctionnement, ses origines ».

Zones d’ombre

Ainsi le film n’oublie aucun moment important de la vie de l’abbé Pierre mais n’en élude pas certaines zones d’ombre, aspects controversés ou moments intimes moins connus: sa découverte de l’amour physique avec une jeune fermière pendant la guerre, ses problèmes cardiaques et sa consommation d’amphétamines, son internement en 1958 pendant 18 mois dans une clinique psychiatrique à Genève, son caractère parfois borné, sa présence régulière dans les médias (que lui reprochera Lucie Coutaz), ses prises de position jugées extrémistes, son soutien à son ami révisionniste Roger Garaudy en 1996…



La réalisation du film est très classique et sans artifice, avec un récit chronologique, des images d’archives et parfois la voix off de l’abbé Pierre. Il y a des passages lourds et débordant de bons sentiments, mais dans un ton d’ensemble où l’on sent la sincérité, l’honnêteté et le premier degré, avec de nombreux moments forts et émouvants (comme celui racontant la mort de froid d’un bébé de trois mois dans les bras de ses parents qui logeaient dans la carcasse d’un bus à Neuilly-sur-Marne en janvier 1954).

Benjamin Lavernhe omniprésent

Et dans le rôle principal, Benjamin Lavernhe, omniprésent de bout en bout, ne ménage pas son énergie, notamment dans les scènes où il se met en colère et se bat contre l’inaction des hommes face à la misère et au mal-logement. Des heures de maquillage ont été nécessaires pour le faire ressembler au personnage, de sa jeunesse à sa vieillesse.

La vie et l’action de l’abbé Pierre, et notamment son appel de 1954, avaient déjà inspiré deux films au cinéma: LES CHIFFONNIERS D’EMMAÜS en 1955 et HIVER 54, L’ABBÉ PIERRE en 1989, avec Lambert Wilson dans le rôle principal.

Images actuelles

Ici le film se termine, avant des panneaux explicatifs rappelant notamment que la Fondation Abbé-Pierre a été reconnue d’utilité publique en 1992, par des images actuelles de sans-abris, clochards et mendiants dans les rues de Paris et de sa banlieue: une manière, pour le réalisateur, de dire que beaucoup reste à faire et que « l’abbé Pierre a mené un combat qui ne peut pas être gagné, mais qui serait totalement perdu si on ne le menait pas ».

« Au-delà de raconter le parcours d’un homme hors du commun, au-delà de proposer un film épique et spectaculaire, émouvant aussi, je voulais rappeler que la situation reste problématique », explique-t-il. « Pas pour faire un constat froid ou polémique, mais dire, au contraire, que le combat continue, celui de l’amour et de la considération de l’autre ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Est-ce que je laisse derrière moi un monde un peu meilleur? » (une des interrogations de l’abbé Pierre, peu avant sa mort).


  • A voir : « L’ABBÉ PIERRE – UNE VIE DE COMBATS » (France, 2h18). Réalisation: Frédéric Tellier. Avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz (Sortie 8 novembre 2023)

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