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Guy Marchand (c) (Photo AFP)

Interview. Les années ne lui font pas perdre son inspiration. A 83 ans, Guy Marchand sort un nouvel album réalisé par l’accordéoniste Ludovic Beier. On y retrouve ses musiques favorites mais aussi des textes très autobiographiques. Il a accepté de revenir avec nous sur cette vie tellement romanesque dont « Né à Belleville », son nouvel album, esquisse les moments les plus forts.

Comment votre album a-t-il vu le jour ?

Guy Marchand: Je voulais faire un album accompagné à l’accordéon à la façon de Piazzolla. Mon ami et directeur artistique m’a donné quelques albums de Ludovic Beier qui travaillait alors aux Etats-Unis. Je l’ai appelé, il est revenu en France et il m’a fait un disque dans son sous-sol, à Pontoise, au début de la pandémie. Les chansons qui suivent ma vie étaient toutes prêtes dans ma tête depuis le début.

Ludovic Beier a mis dans cet album toutes les musiques que vous aimez ?

Guy Marchand: Bien sûr et puis surtout des choses qui sont assez délectables à chanter sur scène. Car les disques sont toujours des disques avec une dimension qui nous écarte du public et j’espère qu’avec cet album je vais retrouver le contact avec mon public.

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance à Belleville?

Guy Marchand: Il y a de bons et de mauvais souvenirs mais la jeunesse, en soi, c’est toujours un bon souvenir. J’aime l’enfant que j’étais car on reste toujours l’enfant qu’on a été. Et ça me fait penser à ma maman qui m’installait sur son porte-bagage quand j’avais 4 ou 5 ans. Elle montait en vélo la rue de Belleville avec ses hanches qui bougeaient devant moi. C’est la plus belle femme que j’ai jamais vue et elle ressemblait à Sophia Loren mais encore en mieux. Elle était brune mais mon père a voulu qu’elle soit blonde pour ressembler à Jean Harlow. J’ai une dent contre mon père à cause des cheveux de ma mère. Cette vision de ma mère a fait de moi l’amoureux des femmes et toutes celles que j’ai aimées lui ressemblaient.

Dans l’album vous évoquez le cinéma. Le cinéma américain a beaucoup compté pour vous ?

Guy Marchand: Après-guerre, avec Claude Moine [Eddy Mitchell] on était des misérables avec des caleçons douteux face à des américains qui arrivaient en France avec de beaux vêtements, des chewing-gums et des jeans. Quelles que soient nos idées, on a tous eu le rêve américain. Face à ce rêve, la lucidité est venue bien tard. Mais cet impact américain on l’a toujours parce que c’est notre jeunesse. Mais aujourd’hui, leurs élections on n’en a rien à faire et on est pas à genoux devant eux.

Dans une chanson vous dites que vous étiez trop petit pour Ava Gardner et pourtant votre premier baiser de cinéma vous l’avez eu avec Brigitte Bardot en 1971 dans « Boulevard du rhum ».

Guy Marchand: Qu’est ce qu’elle était belle! C’était le Saint Graal du play-boy. Elle était très gentille et on se trompe sur elle car elle est très intelligente. Mais elle était toujours empêtrée dans des histoires d’amour. Et moi j’étais trop petit pour elle et je l’ai sans doute beaucoup amusée. Elle m’a déséquilibré comme toutes les femmes l’ont fait. Je suis comme Romain Gary: en vieillissant le féminin prend une dimension sacrée.

Vous avez été primé à Hollywood avec le réalisateur de télévision Jean-Christophe Averty…

Guy Marchand: On ne parle pas assez de Jean-Christophe. Il a inventé le surréalisme à la télévision. Il a inventé une technique dans son studio 13 des Buttes Chaumont où il réalisait l’émission télé de variétés « Les Raisins Verts ». Mais personne ne s’en est servi après lui. Les américains ne se sont pas trompés et ils ont récompensé son génie. J’étais son Al Jolson et il a considéré que j’étais une star comme Christian-Jaque. Il ne voulait pas que je sois une vedette populaire. Il disait que si j’étais né dans les années 20 j’aurais été une star.

Vous chantez le sentiment amoureux. L’amour n’a pas d’âge selon vous ?

Guy Marchand: J’attends ma femme qui vient de Berlin pour me voir à Paris pour une journée et une nuit. Elle a 40 ans de moins que moi et elle est splendide. C’est une histoire qui ne finira qu’à ma mort. Elle me trouve un peu nostalgique et elle a peur que je me suicide comme Romain Gary. Avez-vous vu Morocco, ce film merveilleux avec Gary Cooper et Marlène Dietrich ? Elle m’a dit « je suis le personnage de Marlène », cette femme  qui refuse d’épouser un homme sympathique et préfère suivre la légion étrangère au milieu des putes et des chèvres.

Vous-même, vous avez été dans la Légion…

Guy Marchand: A l’époque il fallait faire son service militaire. Je ne voulais pas partir en Algérie et j’ai donc fait un stage d’officier de réserve. Je voulais rester en France et j’ai choisi un stage commando parce que c’était très sportif. Je me suis retrouvé sous-lieutenant parachutiste et là se produit le putsch des généraux à Alger. On m’a envoyé au 3ème régiment étranger d’infanterie de la Légion et je ne l’ai jamais regretté. Regardez le film Morocco. La légion ça fait des soudards ou de poètes. Des écrivains comme Blaise Cendrars sont passées dans ce régiment.

Avec votre chanson La Passionata vous avez connu un succès fantastique en 1965.

Guy Marchand: J’étais très bien parti avec cette chanson mais détesté par Europe 1 et les radios nationales. C’est Gainsbourg que je ne connaissais pas personnellement qui m’a sauvé la vie. Il a dit « La Passionata », c’est la meilleure chanson de ces 10 dernières année ». A partir de ce moment-là Europe 1 a décidé de la passer et j’ai commencé à vendre 5 000 disques par jour.

Vous avez prévu une nouvelle tournée au printemps prochain. La scène, c’est  important pour vous ?

Guy Marchand: La scène va me sauver la vie. J’ai commencé en faisant du théâtre, dans un petit orchestre de jazz et je chantais du rock’n’roll avec un accent bizarre. Smet [Hallyday] et Moine [Mitchell] ont continué le rock. L’un des deux, peut-être Johnny, a dit un jour « moi je me prends pour Hopalong Cassidy, Moine se prend pour John Wayne, et Marchand c’est le plus prétentieux, il se prend pour lui ». Ils étaient tous les deux très show-biz. Moi pas tellement. Je n’ai pas joué le jeu qu’il fallait et on me l’a beaucoup reproché.  Je dis beaucoup plus facilement « va t’faire enculer » que « comment allez-vous ? ».

Vous avez dit que votre vie est un peu comme un bouchon qui vogue au gré des vagues de l’océan…

Guy Marchand: J’ai comparé ma vie a du surf. Quand les vagues sont trop fortes, on ne lâche pas. Et quand il y a un peu de calme, on peut avancer. Et l’histoire, c’est la mer. J’étais dans la légion et je me suis retrouvé sur la scène de l’Olympia. On a le droit de rêver sa vie. Personne ne nous en a donné le scénario. On est toujours en train de jouer un rôle mais en vieillissant on épure de plus en plus. Le fond de ma pensée : j’avoue humblement mon orgueil.

Entretien réalisé par Yves Le Pape


guy marchand « Né à Belleville »

« Né à Belleville », le nouvel album de Guy Marchand, a été réalisé par l’accordéoniste et musicien Ludovic Beier qui a déjà collaboré avec Sanseverino, Melody Gardot ou encore Thomas Dutronc. C’est surtout un musicien de jazz qui connaît une immense carrière internationale. Il a donné à cet album les tonalités favorites de Guy Marchand, beaucoup de jazz, du tango et du jazz manouche.

  • Album « Né à Belleville ». Artmada Productions/PIAS

 

 

 

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