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Éric Cantona dans la série-télé "Dérapages" de Ziad Doueiri. Photo Stéphanie Branchu

Série Télé. Adaptée d’un roman de Pierre Lemaitre, une mini-série réalisée par Ziad Doueiri. « Dérapages », un thriller haletant à caractère social avec, dans le rôle principal, un formidable Éric Cantona parfait en homme en colère…

Dans la série « Dérapages » réalisée par Ziad Doueiri et portée par un formidable Éric Cantona, en six épisodes, on va suivre un homme en colère dans une société du 21ème siècle qui prend, essore, écrase l’individu, à quelque poste et niveau qu’il soit…

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Eric Cantona

Gros plan sur le visage. Cheveux ras, barbe grisonnante. Regard fixe, face caméra, l’homme dit : « J’ai jamais été un homme violent. J’ai jamais voulu tuer personne. Des coups de colère par ci, par là comme tout le monde mais à ce point-là… Quand j’ai compris que j’étais en colère, j’ai pris peur mais c’était trop tard. Je m’appelle Alain Delambre. J’étais ce qu’on appelle un senior. Sur le marché du travail, un senior c’est le dernier type qu’on embauche quand il y a du boulot et le premier qu’on vire quand il y a une charrette… » 

Voix posée, chaude et profonde, l’homme ajoute que sa charrette à lui remontait à six ans, et plan suivant, on le découvre agent d’entretien dans le sous-sol d’un parking… Ainsi débute « Dérapages », la nouvelle série-événement proposée par Arte, réalisée par Ziad Doueiri et portée par un formidable Éric Cantona qui, avec ce rôle, accède au statut de télé-star. Dès ces premières images, on perçoit une douce violence, une tranquille rébellion. En six épisodes, on va suivre un homme en colère dans une société du 21ème siècle qui prend, essore, écrase l’individu, à quelque poste et niveau qu’il soit…

« J’ai été vingt-cinq ans DRH. Après six ans de chômage, la condamnation à des jobs minables et à l’humiliation permanente », dit encore et aussi Alain Delambre, ce cadre usé à 57 ans par le chômage et qui part en guerre contre le système qui l’a trahi, détruit. Massif, musculeux, à bientôt 54 ans (le 24 mai prochain), Éric Cantona a été une évidence pour incarner le personnage. Récemment, il confiait ce qui l’avait séduit dans ce personnage : « C’est un rôle assez rare. Mon personnage passe par des émotions très fortes, très variées, dans des univers incroyablement différents. Ces étapes parlent à tout le monde : l’humiliation, la révolte. J’ai aimé aussi beaucoup l’humour, une ironie sur la vie, sur le système ».

Donc, après six années de galère, une altercation avec un employeur qui met fin à l’équilibre précaire et le soutien de sa femme Nicole, il candidate dans un cabinet de recrutement. Il passe des tests pour un job, il est sélectionné pour un poste de DRH- le job, il connaît. « Ce poste est un miracle et j’allais retrouver la femme de ma vie », dit Delambre. Mais derrière le cabinet de recrutement, il y a Alexandre Dorfmann, le PDG d’Exxya, une multinationale en difficulté qui prépare un important plan de licenciement…

Dans une première vie, port altier, col relevé, Éric Cantona fut un footballeur unique. International français (45 sélections, 20 buts), mésestimé en France, il fut dans les années 1990 superstar en Angleterre- avec Manchester United et l’estime du manager Alex Ferguson, il eut droit à une chanson (« Ooh Aah Cantona ! ») et même des titres d’Éric the King et King Éric, et a été élu « joueur du siècle » par les supporters du club mancunien en 2001. Il fut aussi celui qui, touché par la grâce poétique, pouvait lancer des phrases aussi absconses que surréalistes- exemple : « Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est qu’elles pensent qu’on va jeter des sardines à la mer ».

Il fut également un membre important de l’Union internationale des footballeurs professionnels, avec un autre génie du ballon rond : l’Argentin Diego Armando Maradona. Lorsqu’il range les chaussures à crampons et entame sa deuxième vie, il continue à honorer et pratiquer l’art. Dessin, peinture et, en 1995, le cinéma qui le mène jusqu’au réalisateur britannique Ken Loach– ensemble, ils signent le magnifique « Looking for Éric » (2009). En ce printemps, il incarne le personnage principal de « Dérapages », la série du printemps d’Arte, adapté de « Cadres noirs »– le roman paru en 2010 de Pierre Lemaitre (prix Goncourt 2013 pour « Au revoir là-haut ») qui signe le scénario avec Perrine Margaine. A la réalisation, Ziad Doueiri, ancien assistant de Quentin Tarantino et qui a mis en images 4 longs-métrages (dont « West Beyrouth »– 1998) et 3 séries télé (dont « Baron noir »– 2016)…

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Eric Cantona

A la question de son choix par Doueiri pour ce rôle, Éric King répond : « Ziad Doueiri ne me connaissait pas du tout avant de me rencontrer. Libanais, il a passé beaucoup de temps aux Etats-Unis. Il a travaillé là-bas et il ne connait pas du tout le football. C’est sur photo qu’il m’a choisi… » Pour ce thriller haletant à caractère social mêlant polar, feuilleton judiciaire et drame familial, pour ce personnage anti-héros ambigu et sympathique, Cantona confie également avoir là « un personnage rare »– et d’ajouter :  » Avec le réalisateur pendant un mois et demi, nous avons consacré du temps à la préparation du rôle, de sorte qu’en arrivant sur le plateau nous étions en confiance et en accord sur la direction à prendre… »

A l’écran, « Canto » (une trentaine de films ciné et télé à ce jour sur son CV) est parfait dans le costume de cet homme en colère, de cet homme qui va prendre le système à son propre jeu, à son propre piège. Confidence d’Éric Cantona : « Dans ce personnage, j’y ai mis beaucoup de moi. Même si je n’ai pas forcément vécu les mêmes choses que lui, que je ne me suis jamais retrouvé au chômage, il y a une part de moi qui est animée par la même révolte ». Encore et toujours, c’est Éric Cantona qui mène la révolte. Éric the King forever !

Texte Serge Bressan

A voir : « Dérapages ». Arte, jeudi 23 avril 2020, épisodes 1 à 3, 20h55 ; jeudi 30 avril 2020, épisodes 4 à 6. 52 minutes, chacun des 6 épisodes. Réalisé par Ziad Doueiri. Avec    Éric Cantona, Suzanne Clément, Alex Lutz, Gustave Kervern, Alice de Lencquesaing,…

Éric Cantona: « Je ne suis pas fan des séries télé » 

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Eric Cantona
AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN

Superstar du foot des années 1990 avec Manchester United, Éric Cantona est apparu pour la première fois au cinéma en 1995- on l’a alors vu dans « Le  bonheur est dans le pré » d’Etienne Chatiliez. Il a participé également à quelques films télé. A 54 ans avec « Dérapages », il apparaît pour la première fois dans une série télé. Ce qui lui a donné la belle occasion d’en parler- et de bien d’autres sujets. Morceaux choisis.

Force « Depuis toujours, ma rigueur de sportif m’aide à ne pas me perdre. Cette force mentale me sert dans tous les moments de ma vie : quand je joue aux cartes ou à la pétanque, quand je dessine. Même si mon envie de bien faire peut parfois virer à l’obsession… »

Humour « Dans « Dérapages », l’humour est d’autant plus efficace que ce ne sont pas des gags. Il naît de situations, de certaines souffrances humaines. Comme chez Ken Loach, on peut avoir envie de rire, de pleurer et être révolté en même temps… »

Libéralisme « Cette série « Dérapages » arrive à point nommé alors que gronde le ras-le-bol des excès du libéralisme. Avant, les quelques-uns qui refusaient le discours résigné du « c’est comme ça, c’est le système, c’est à toi de t’adapter » passaient pour des crétins émotionnels, les idiots du village. Aujourd’hui, la tendance s’inverse ».

Passage « Je ne suis pas à un endroit indéfiniment. Tant que j’y suis bien, j’y reste. Être à un endroit, c’est faire un travail, assouvir une passion. Je ne veux pas m’attacher aux choses, je les vis intensément sans me dire qu’elles sont éternelles. Ça me sert encore dans le cinéma. Quand je quitte un tournage, c’est plus simple. De passage là aujourd’hui, on peut se retrouver ailleurs. Je suis un voyageur « 

eric cantona derapagesPersonnage « Mon personnage d’Alain Delambre est un rebelle solitaire, hors du commun, pas toujours sympathique, mais, même avec ses faces d’ombre et sa manière d’aller irrépressiblement vers le suicide affectif, il appelle l’empathie. Je n’avais jamais ressenti un tel plaisir avec un rôle : j’ai jubilé ! »

 Série télé « Je ne suis pas fan des séries télé, mais alors pas du tout ! D’abord parce que je n’aime pas être scotché à un écran, et surtout je n’arrive pas à rester concentré de longues heures sur des images. En plus, j’ai du mal à retenir les prénoms des personnages… Ça ne m’empêche pas de continuer à rêver, de chercher à m’amuser ».

Télé-réalité « Il paraît que le producteur de la version britannique de la télé-réalité « Je suis une célébrité, sortez-moi de là !  » a dit rêver qu’il rêve de m’avoir dans son show… Il peut continuer à rêver. Je ne me pose pas la question une seule seconde ! »

Violence « Quand, à 50 ans, alors que vous avez travaillé toute votre vie, vous vous retrouvez au chômage et que, soudain, plus personne ne veut de vous parce que vous coûtez trop cher, c’est d’une violence extrême. C’est un système qui prône l’humiliation. Et l’humiliation est la plus grande des violences ».

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