l'ami de tiffany tavernier
Tiffany Tavernier publie "L'Ami" © Bulle Batalla

Livre. Dans « L’Ami » de Tiffany Tavernier, Thierry est un taiseux, homme modeste, pétri de bon sens et d’humanité. Il aime véritablement, ses voisins, sa femme, son fils, son chien qui n’est plus. Il aime mais ne sait plus le chemin des mots, il leur a préféré ceux sinueux de la forêt et des habitudes. Sa vie est couverte de rouille comme celle des outils qu’ils prêtent pour rendre service à son voisin. C’est devenu un ami, enfin il le croyait jusqu’à un samedi matin semblable aux autres.

« L’Ami » de Tiffany Tavernier, est un roman de (ré)apprentissage, réaliste mais aussi allégorique. On laisse le criminel à ses crimes pour s’intéresser aux victimes par ricochet, celles dont on ne parle pas en général par pudeur et respect pour les victimes de plein fouet…

l'ami de tiffany tavernier
Tiffany Tavernier publie « L’Ami » © Bulle Batalla

Thierry et sa femme habitent une maison dans un coin de campagne retiré des bruits et de l’aliénation de la ville. Cette maison construite de ses mains, est son havre, sa liberté. Il y a trouvé son refuge. Peu de vie aux alentours sinon la nature, ses saisons, ses oiseaux et ses insectes pour lesquels Thierry partage une passion commune avec Guy, le voisin de la maison d’en face, bientôt le seul ami.

Thierry et Lisa entretiennent avec Guy et sa femme Chantal des relations de bon voisinage. Ils se côtoient pour partager un repas, un apéritif, faire du bricolage, réparer une avarie. L’entraide et la solidarité règnent, ses valeurs perdues dans les villes anonymes, mais qui reprennent sens ici. Entre eux jamais de confidence, ils se ressemblent et se rassemblent dans le souhait identique d’une vie sans fantaisie mais sans heurt. Jusqu’au jour où le drame frappe à la porte. Cet ami se révèle être le bourreau de jeunes filles tuées et enterrées sous les fleurs du jardin. La maison d’en face abrite l’horreur de ses crimes, elle devient un bauge macabre.

tiffany tavernier
Tiffany Tavernier

La vie explose, l’amitié implose, ne laissant que des cendres, le goût brulé de cette vie d’avant. Thierry perd les certitudes qui le tenaient. Il confond ses repères et ne peut plus se fier au manichéisme pour se repérer dans l’ordre des choses et des sentiments. C’est une plongée au cœur d’une nuit sombre. Thierry va devoir se résoudre à interroger ce qu’il croyait être immuable, ces digues érigées autour de lui, ces étayages de fortune, tous ces artifices qui le tenaient en équilibre.

La monstruosité déteint-elle sur celui qui la côtoie? La construction en trois parties du roman est d’abord le récit froid d’un fait divers, puis la progressive ascension de cet homme qui revient à une autre existence, sur une autre côteau de sa vie, plus pentu, en apprenant à manier le langage et l’émotion. Que reste-t-il à perdre quand le même le sens est anéanti ? Le lecteur ne peut que suivre Thierry, mais en le laissant passer devant. C’est lui le héros du livre. Un homme malmené qui se libère de sa gangue. Le petit garçon qui se cachait sous la couverture qui cherchait la reconnaissance, l’eut- il trouvé dans le regard d’un (faux) ami.

roman tiffany tavernierC’est un roman de (ré)apprentissage, réaliste mais aussi allégorique, où ces paroles de la chanson de Barbara auraient pu être fredonnées par Thierry : « Riche de dépossession n’avoir que sa vérité, posséder toutes les richesses. Ne plus parler de poésie mais laisser vivre les fleurs sauvages et faire jouer la transparence, au fond d’une cour aux murs gris, où l’aube aurait enfin sa chance. » On laisse le criminel à ses crimes pour s’intéresser aux victimes par ricochet, celles dont on ne parle pas en général par pudeur et respect pour les victimes de plein fouet.

Véronique Sousset

 

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