Livres. Pour cette rentrée littéraire d’été 2023, 466 romans francophones et étrangers (34 de moins qu’en 2022) sont annoncés en parution d’ici la fin octobre. En toute subjectivité, We Culte a retenu le polar-événement de Caryl Férey… et aussi Sarah Chiche, Adèle Fugère, Lídia Jorge, Max Porter, Eric Reinhardt et Zeruya Shalev. Sept romans indispensables !
CARYL FEREY : « Okavango »
Pas besoin de confirmation, c’est un fait établi, Caryl Férey est un des meilleurs auteurs français, catégorie polar. Et pour cette rentrée littéraire d’été 2023, il publie « Okavango » – un polar événement avec, pour décor, l’Afrique- plus exactement, la Namibie. Un changement de décor pour un auteur qui, pour ses romans précédents-une bonne vingtaine, plaçait les énigmes en Amérique latine ou encore en Russie.
Cette fois, après de longs mois d’enquête dans cette Namibie tout au sud du continent africain, il a écrit, une fois encore, un « polar politique ». Le bandeau jaune qui ceint le livre résume l’affaire : « Un braconnier assassiné, les animaux d’une réserve décimés, une enquête en Namibie, au cœur du monde sauvage ».
On complète : la ranger Solanah Betwase fait de la lutte contre les braconniers son quotidien, dont l’ordinaire est la découverte d’animaux morts ou mutilés. Un jour, c’est le corps d’un jeune homme qu’on retrouve dans Wild Bunch- immense réserve animalière à la frontière namibienne. L’enquête pour la ranger s’annonce difficile : elle va devoir percer le mystère de John Latham, le propriétaire terriblement complexe.
Pour Solanah, est-il un ami ? Un ennemi ? S’y ajoute un autre problème, pour le moins tout aussi compliqué : le Scorpion, que l’on tient comme le pire braconnier d’Afrique, est de retour sur le territoire… Plus que jamais, l’écriture de Caryl Férey est flamboyante, rutilante. C’est parfait pour un polar défendant la beauté du monde sauvage- il est urgent de le défendre, assure Férey. Ecoutons-le. Lisons-le.
- « Okavango » de Caryl Férey. Série Noire / Gallimard, 544 pages, 21 €.
SARAH CHICHE : « Les alchimies »
Il y eut « Les Enténébrés » ou encore « Saturne ». Cette fois, « Les alchimies », le cinquième roman de Sarah Chiche. Encore une fois, de la littérature d’exigence et de tourment. L’auteure y convoque Camille Cambon, médecin légiste- on est en pleine crise de l’hôpital en 2022, et le peintre Miguel de Goya- inhumé à Bordeaux en 1828.
La médecin reçoit un mail mystérieux où il est question du crâne disparu du peintre, tenu pour un visionnaire des ténèbres de l’âme humaine et dont les parents et le parrain de la médecin sont des spécialistes. Camille part à Bordeaux rencontrer l’auteure du mail : ancienne directrice de théâtre, elle a bien connu les parents et le parrain alors étudiants. Un texte définitif sur, entre autres, le génie, l’amour ou encore le pouvoir de l’art.
- « Les alchimies » de Sarah Chiche. Seuil, 240 pages, 19,50 €.
ADELE FUGERE : « J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort »
La vie n’est pas facile quand on a 8 ans. On croit que tout va bien, mais les tourments, les tracas sont là. Un matin, on se lève, on file dans la salle de bains, on se regarde dans le miroir, on se voit avec une moustache sous le nez, on sourit. On se dit : « Jean, ça te va bien ».
Voilà ce qui arrive à Rosalie Pierredoux, elle a 8 ans, vit avec père et mère à Saint-Lunaire en Bretagne, elle voit son grand-père, a un ami… mais aussi des idées noires sans raison. Une seule solution : la révolution, se prendre en mains. Et l’objet du changement sera une moustache. Mais pas n’importe laquelle. Celle de l’acteur Jean Rochefort, symbole du flegme et de l’humour décalé. Ce qui donne « J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort », le premier roman-conte d’Adèle Fugère.
- « J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort » d’Adèle Fugère. Buchet-Chastel, 144 pages, 13,50 €.
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LIDIA JORGE : « Misericordia »
Née en Algarve dans une famille d’agriculteurs et diplômée en philologie romane, Lídia Jorge est considérée, à 77 ans, comme la plus écrivaine contemporaine du Portugal. Son nom est régulièrement cité pour le prix Nobel de littérature. Autant dire que lorsqu’arrive la VF de son nouveau roman, c’est l’assurance d’une belle lecture.
« Misericordia », pour lequel elle a reçu en juillet 2023 le Grand prix du Roman de l’Association portugaise des écrivains, est un monument de littérature. Plus de 400 pages bien serrées, de l’émotion, de la tendresse ou encore de l’ironie- voilà les ingrédients du nouveau roman de l’écrivaine portugaise, libre retranscription des enregistrements de sa mère, aujourd’hui en maison de retraite. Il y a de l’espoir, de l’immortalité aussi…
- « Misericordia » de Lídia Jorge. Métailié, 416 pages, 22,50 €.
MAX PORTER : « Shy »
La question est posée : « T’en as jamais marre d’être toi ? » On file dans la campagne anglaise en 1995. On va y croiser Shy, un ado lancé dans la bataille de la dernière chance. Il est violent, en situation d’échec scolaire- il a envoyé dans un établissement pour mineurs délinquants installé dans un manoir du 17ème siècle.
De jeunes travailleurs sociaux le dirigent mais des promoteurs vont prochainement fermer l’École de la Dernière Chance. Max Porter, écrivain anglais de très bonne réputation, en a fait un roman, Shy. Au milieu d’une nuit, le jeune garçon décide de s’enfuir. Il s’est lesté le dos de plusieurs kilos de pierres, il va s’enfoncer dans la mare voisine. Auparavant, il va revoir en accéléré sa courte vie… Le roman de la souffrance intérieure extrême…
- « Shy » de Max Porter. Editions du Sous-Sol, 144 pages, 17,50 €.
ERIC REINHARDT : « Sarah, Susanne et l’écrivain »
Le roman de l’élégance. Une leçon d’écriture et une maîtrise du récit. Une fois encore, après par exemple « L’Amour et les Forêts », Eric Reinhardt rappelle, sans tapage, avec « Sarah, Susanne et l’écrivain », ce qu’écrire signifie.
Il suffit, en ouverture, d’une citation du cinéaste Robert Bresson pour se laisser embarquer : « Que ce soit les sentiments qui amènent les événements. Non l’inverse ». Ainsi, Sarah. Elle s’ennuie dans son couple. Contacte un écrivain qu’elle apprécie pour qu’il s’inspire de son histoire. Sous la plume dudit écrivain, elle est Susanne. Qui naît de Sarah avant de s’en détacher quand l’auteur le décide. Avec ce récit tout en poupées gigognes, Eric Reinhardt propose un texte empli d’intelligence, de brio et de raffinement…
- « Sarah, Susanne et l’écrivain » d’Eric Reinhardt. Gallimard, 432 pages, 22 €.
ZERUYA SHALEV : « Stupeur »
Un père mourant, sa fille Atara à son chevet. Les propos sont confus, il l’appelle Rachel- du prénom de sa première et mystérieuse épouse. Femme moderne et libre dirigeante d’une entreprise d’architecture et tête d’une famille recomposée, Atara se met en tête de la retrouver.
La femme âgée et veuve va raconter ce temps de la lutte clandestine- avant 1948, la résistance contre les Anglais et la création de l’Etat d’Israël, mais pas de qui Atara porte le prénom… Cette rencontre va bouleverser irrémédiablement la vie de deux femmes.
Auteure inoubliable « Douleur » (2017), Zeruya Shalev– une des écrivains israéliens les plus en vue de l’époque, ausculte au plus profond chacun de ses personnages. Dans « Stupeur », l’histoire avance moderato. Pour notre grand bonheur.
- « Stupeur » de Zeruya Shalev. Gallimard, 368 pages, 23,50 €.
Serge Bressan