Les 3 albums de la semaine : Noé Preszow, Delgres et Dick Annegarn

Les 3 albums de la semaine. Au programme de notre sélection musique : Noé Preszow revient avec « Prèchof », un disque marqué par l’urgence de vivre et des textes conscients et engagés ; le trio Delgres sort « Promis le ciel », troisième opus d’un triptyque où la question de l’identité occupe une place centrale; quant à Dick Annegarn, il livre avec « Chordes » un album instrumental dans lequel il revisite ses plus belles chansons à la guitare.

Noé Preszow – « Prèchof » (Tôt ou Tard)

Se sentir vivant, chanter l’intime et le monde… tel est le crédo de Noé Preszow qui revient avec « Prèchof » : un album sous tension où se croisent mille questions existentielles. Il y a du Saez et du Renaud chez le jeune chanteur belge, qui s’est révélé avec la chanson «Que tout s’danse », extraite de son premier album « A nous » sorti en 2020.

Son nouveau répertoire est marqué par l’urgence de vivre et des textes conscients et engagés. Dans « Juste devant », il fait part de ses convictions et dénonce la banalisation des idées de l’extrême-droite : «on s’habitue aux scores du fascisme 2.0 » chante-t-il «Je vide mon encre d’inquiétude (…) J’ai beau ne fixer que la lune & n’écouter que l’océan/J’entrevois trop de vagues brunes par le hublot juste devant/ ».

Des chansons qui font écho à ses tourments, comme dans le titre éponyme de l’opus où il évoque ses racines juives polonaises : « il s’agira toujours de nuit et de brouillard/d’une larmes sur mes cordes, d’un autre miroir » dit-il.

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Noé Preszow livre un album qui témoigne d’un monde teinté de noirceur dans lequel la jeunesse ne croit plus (« Comment fais-tu pour vivre ?»). Entre résistance et désir de changer le monde, il s’interroge : «lutter est-il possible jusqu’au bout de la nuit ? ».

Un registre plutôt sombre aux contours générationnels qui ne laissera personne indifférent et invite à réfléchir sur l’époque ballotée entre désespoir et «manque d’amour ». Un album très fort qui ne laissera personne indifférent.

Delgres : – « Promis le ciel » (Pias)

Après un premier album « Mo Jodi » (2018), suivi de « 4:AM » (2021), Delgres est de retour avec « Promis le ciel », troisième opus d’un triptyque où la question de l’identité occupe une place centrale. « On m’a promis le ciel/En attendant chui en enfer » chante Pascal Danaë, fondateur du trio composé du batteur Baptiste Brondy et du joueur de soubassophone Rafgee.

Delgres explore un blues-rock créole militant en lien avec les origines guadeloupéennes du leader du groupe. Le premier opus évoquait ainsi Louis Delgrès, héros de la Guadeloupe, officier de l’époque napoléonienne, s’étant opposé au rétablissement de l’esclavage en 1802. Le second album rendait hommage aux héros invisibles du monde ouvrier.

Avec ce troisième volet «Promis le ciel », le groupe s’inscrit dans l’histoire contemporaine et parle des migrations et de la « difficulté de trouver une place et la recherche de dignité qu’elles impliquent» au travers de textes mêlant le français et le créole et d’un univers afro-brésilien très groovy, empreint de guitares puissantes. A l’image de la chanson Walking Alone : « Elle m’avait dit le monde est ton pays / Elle m’avait dit tu seras mieux qu’ici / Elle m’avait dit ne te retourne pas / Elle m’avait dit je serai près de toi / Mais quand je regarde autour de moi / Personne ».

Un répertoire humaniste qui nous renvoit au besoin du mieux vivre-ensemble, comme le rappelle Pascal Danaë : « Les Antillais sont confrontés à la question du métissage. Officiellement, ce ne sont pas des immigrés. Mais ils ne sont pas non plus réellement intégrés. En me racontant au temps présent, à travers un voyage rétrospectif allant de la France à l’Afrique via la Louisiane et la Guadeloupe, je cherche à soulever des questions universelles sur la manière dont chacun négocie avec son héritage. » 

Dick Annegarn : – « Chordes » (Tôt ou Tard)

Dick Annegarn nous offre un album instrumental. Un disque qui met en valeur la guitare dont il joue depuis l’adolescence et permet de mesurer la richesse harmonique de ses compositions : « J’ai toujours voulu soutenir ce principe qu’il y a de la musique dans les paroles et des paroles dans la musique » sourit-il : « pour moi, la guitare raconte aussi une histoire ».

Avec « Chordes », il nous entraîne sur des chemins buissonniers en revisitant des morceaux devenus des pépites de son répertoire comme « Bruxelles », « Bébé Eléphant », « Le Roi du métro » ou « Approche-toi».

Ici la guitare se fait magistrale avec des résonnances imprévisibles dessinant des paysages sonores folk-blues remplis de découvertes au travers de chansons aux subtiles accords, telles « Les Tchèques », « Potron minet », « Le saule » ou « Adieu verdure ». Un album en forme de voyage imaginaire où la musique s’exprime en beauté, sans posture ni esbrouffe, portée par un Dick Annegarn au jeu plein d’inventivité et de liberté d’interprétation.

Victor Hache