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Brina Svit publie "Le Dieu des obstacles"

Livre. Arrivée au Kerala en Inde pour pratiquer une cure ayurvédique, une écrivaine est confrontée à un virus qui a envahit la planète. Avec « Le Dieu des obstacles », l’auteure slovène Brina Svit, livre un récit alerte et vivant pour repenser la relation aux autres.

Dans ce lieu clos, la narratrice de « Le Dieu des obstacles » questionne son rapport au monde et à l’écriture. Orpheline des mots, elle voulait trouver un refuge, un lieu où se reposer. Un moment de répit. Face à l’inconnu, elle a gagné en croyance : se réapproprier la capacité d’écrire

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Brina Svit publie « Le Dieu des obstacles »

Le souci de soi. Le personnage de Brina Svit n’a pas de nom. Mars 2020, elle arrive au Kerala où elle doit entreprendre une cure ayurvédique. Soumettre volontairement le corps et l’esprit à des méthodes séculaires de purification (panchakarma), aux applications d’huile (snehana), aux bains de vapeur aux herbes (swendanam), aux flux tièdes sur le front (shirodhara). Mais la vérité de son projet se révèle ailleurs : soulager des douleurs dans le bas du dos après le refus par des éditeurs de son dernier roman. Un travail non désiré, une décision difficile à accepter.

Elle part avec une phrase envoyée par son amie Manca : « Ne te souhaite pas un chemin facile, souhaite-toi un pas léger. » Elle occupe la chambre 108, chiffre symbolique comme les « 108 graines reliées par un fil et constituant le mala, guirlande de méditations ? 108 comme les 108 salutations au soleil (…) Ou bien simplement 108 comme la joie d’être enfin ici ».

L’ensemble de la narration du nouveau livre de Brina Svit « Le Dieu des obstacles », procède par anticipation, une manière d’avertir le lecteur et la lectrice de l’imminence d’un événement, « je ne savais pas que c’était la dernière fois que je la voyais (…) que j’allais au village ». Au fil des jours rythmés par le rituel des soins, un entre-soi se forme entre les différent·e·s arrivant·e·s ; une vieille dame d’Oxford, Gilles, un jeune Flamand sorti d’un roman d’Herman Hesse, Martine de Marseille, Stefan à l’allure d’un riche playboy allemand, Dominique, la Lyonnaise, Monica débarquée du Brésil. Une compagnie hétéroclite qui peut faire penser aux personnages reclus réunis dans les histoires d’Agatha Christie.

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Brina Svit

Le roman en question. Blessure narcissique, apprendre l’humilité après la déception. Dans ce lieu clos, la narratrice questionne son rapport au monde et à l’écriture. Prendre conscience d’un état déterminé, « faire quelque chose que l’on n’a jamais pratiqué de cette façon : le présent ». Au moment où les certitudes tombent, où le confort occidental s’effiloche, elle va prendre chacun de ses compagnons et compagnes d’infortune pour les assembler dans un roman, le roman en train de s’écrire sous les yeux du lecteur. Que vont devenir ses personnages, ceux avec lesquels elle a vécu un an et demi, au contact desquels se construisait sa vie ? Orpheline des mots, elle voulait trouver un refuge, un lieu où se reposer. Un moment de répit.

Et le portail resta fermé. Alors que le monde affronte une pandémie, chacun rapporte le souvenir d’une mort imminente qui a changé leur relation à la vie. Être en vie : pourquoi et comment ? Les touristes toujours bienvenus doivent désormais quitter le territoire. La planète connaît partout la même frayeur : un virus propagateur. Dans le phalanstère encore préservé, des hommes et des femmes s’affairent à rester en bonne santé alors que le monde entier se pétrifie, s’isole et tombe malade. La narratrice partira-t-elle à Goa avec Gilles ? Prendra-t-elle ce risque ? Au final, elle rejoint l’aéroport. La boucle est bouclée. Entre-temps, elle a vécu un voyage insoupçonné ; elle est venue du monde d’avant pour pénétrer dans un monde informel.

couverture livre le dieu des obstaclesBrina Svit, d’origine slovène, partage sa vie entre son pays d’origine et Paris où elle vit depuis 1980. Elle écrit en français. « Le Dieu des obstacles » fait référence au demi-dieu bienfaisant Ganesha  – mi-homme mi-éléphant –  qui met des obstacles « sur notre route et les enlève quand on en a plus besoin ». Son écriture claire et liante aborde sans gravité un sujet inévitable. Elle promène sa narratrice sur un chemin jamais linéaire, mais elle a su recevoir ce qu’elle était venue chercher, la légèreté. Face à l’inconnu, elle a gagné en croyance : se réapproprier la capacité d’écrire.

Virginie Gatti

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