[Télé] « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti: un chef-d’œuvre du cinéma, où le réalisateur signe un grand film populaire réaliste sur le drame d’une famille fuyant la misère dans l’Italie de la fin des années 1950, avec l’émouvante Annie Girardot et Alain Delon dans l’un de ses plus beaux rôles. A voir lundi 26 juin sur Arte -20:55
« Rocco et ses frères« , un long métrage qui a fortement marqué l’histoire du cinéma. Chacun des films de Visconti est à méditer, mais « Rocco » dans lequel une actrice (Annie Girardot) et un acteur français (Alain Delon) ont un rôle clé, est profondément inscrit dans les mémoires. Du cinéma réaliste juste et sensible, comme on n’en fait plus…
Dans « Rocco et ses frères », Luchino Visconti filme avec justesse et sensibilité le prolétariat, l’amour et surtout le drame d’une famille fuyant la misère dans l’Italie de la fin des années 1950. Rosaria Parondi est sicilienne, elle a cinq fils dont l’aîné Vicenzo vit à Milan. Elle part avec ses quatre autres fils du sud de la péninsule où il n’y a pas de travail et arrive chez l’aîné à Milan. Vicenzo est fiancé à Ginetta (Claudia Cardinale). Les Parondi voudraient s’installer chez les parents de celle-ci mais ils refusent de les héberger. La famille trouve alors à se loger dans le sous-sol d’un appartement. Rocco (Alain Delon) s’entraîne le soir dans une salle de boxe avec un de ses frères, Simone (Renato Salvatori). Quant à Ciro, lui, il travaille dans les usines d’Alfa Romeo. Simone délaisse peu à peu la boxe car il a rencontré Nadia (Annie Girardot) une prostituée. Evidemment, Rocco va tomber amoureux fou de Nadia…
Tout est installé. Visconti met en lumière une famille italienne pauvre dans un décor semi urbain (la banlieue de Milan) et raconte cette histoire de cinq frères. Avec leur arrivée en gare de Milan, impressionnant édifice datant des années Mussolini, qui les écrase un peu. A partir de là, la famille Parondi va connaître le destin du prolétariat, leurs rêves à tous brisés par le déracinement, les conditions de travail dans le Nord de l’Italie, dont on vantait déjà la réussite économique, opposé au Sud rural et misérable. Chronique du déracinement qui nous rappelle les questions sociales et les déchirements d’aujourd’hui.
Luchino Visconti – qu’on appelait « le Duc rouge » – était un compagnon de route du Parti communiste italien. Sorti en 1960, « Rocco et ses frères » deviendra ainsi le point d’orgue d’une série de films populaires à succès (« La Terre tremble » 1948, « Bellissima » 1951, « Nuits blanches » 1957- avec Marcello Mastroiani, Jean Marais, « Les Damnés » 1969, « Mort à Venise » 1971, « Ludwig » 1973…). Après, il noiera ses désillusions politiques et son besoin de changement en montrant des aristocrates en costumes 19ème qui évoluent, aiment et souffrent dans leurs palais, jusqu’au Prince Salina, noble conscient du changement du monde dans « Le Guépard » (1962), un film qui a ému la planète entière.
Son dernier film qui connut une semi réussite, sera « L’Innocent » sorti en 1976, l’année de sa mort. Mais on se souviendra surtout du magistral « Violence et passion » (1974) où une lente déchéance de l’aristocratie étant venue, il en situe l’action de nos jours (avec Burt Lancaster, Helmut Berger, Silvana Mangano).
« Rocco et ses frères » relève autant de la tragédie grecque que du film social. Annie Girardot, le regard fiévreux, rayonne et restera à jamais gravé dans notre esprit. Elle incarne la féminité splendide et libre dans cette fratrie homérienne. Alain Delon, à qui Visconti donna l’un de ses plus beaux rôles, est cette figure d’archange aspirant à une sorte de sainteté. Il est intelligent, bon. A peine le découvre-t-on qu’on l’aime infiniment. Quant à la musique du compositeur Nino Rota, elle accompagne ce film long, indigné, qui nous hante jusqu’à la dernière image.
Un long métrage qui a fortement marqué l’histoire du cinéma. Chacun des films de Visconti est à méditer, mais « Rocco » dans lequel une actrice et un acteur français ont un rôle clé, est profondément inscrit dans les mémoires. Du cinéma réaliste comme on n’en fait plus…Il était alors impossible de se hisser au rang de Luchino Visconti, dont le regard teinté de modernité n’a pas vieilli.
Jane Hoffmann
- A voir : « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti (2H50). Lundi 26 juin sur Arte -20:55