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"The Old Oak" : TJ Ballantyne (Dave Turner), propriétaire du pub "The Old Oak", va aider Yara (Ebla Mari), réfugiée syrienne, à être acceptée dans le village (©Sixteen Oak Limited/ Why Not Productions).

Sortie cinéma. Comment accueillir des réfugiés étrangers quand on est soi-même en situation de précarité? C’est la question, très actuelle, que pose « THE OLD OAK » (ce mercredi 25 octobre sur les écrans), le dernier film de Ken Loach, dans la droite ligne militante et humaniste du réalisateur britannique.


« The Old Oak » : le film de Ken Loach, malgré son réalisme, ne tombe pas dans le pathos ou la noirceur, laissant ouverte la porte de l’optimisme et de l’espoir


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« The Old Oak », le dernier film du réalisateur britannique Ken Loach (©Sixteen Oak Limited/ Why Not Productions).

En 2016, au plus fort de la guerre civile en Syrie, plusieurs familles syriennes fuyant le régime de Bachar el-Assad sont accueillies dans une bourgade du nord-est de l’Angleterre, ancienne cité minière désormais plongée dans le chômage et la crise économique. Cela crée des tensions et, au pub local, « The Old Oak », un groupe d’habitués exprime sa réprobation, sur fond de remarques racistes.

Familles délaissées

Car dans le village, certains ne comprennent pas pourquoi on loge ces réfugiés dans des maisons qu’on n’arrive pas à vendre, des familles pauvres ne comprennent pas pourquoi des associations ou les autorités apportent de l’aide à ces étrangers alors qu’elles-mêmes sont dans le besoin et délaissées, des enfants ne comprennent pas pourquoi on offre des vélos aux enfants syriens et pas à eux…

Dans ce climat d’hostilité, TJ Ballantyne (Dave Turner), propriétaire du pub, défend les réfugiés et réclame de la solidarité à leur égard de la part de ses concitoyens. Approchant la soixantaine, ancien mineur et militant au temps d’une grande grève en 1984, il est déprimé: sa femme l’a quitté, son fils vit loin de lui et ne lui parle plus, il lutte financièrement pour que son pub ne ferme pas, il a songé plusieurs fois à se suicider –mais sa petite chienne Marra, toujours fidèle, lui donne une raison de vivre.

Intégration des réfugiés

Autre raison de vivre: il va se battre pour que les réfugiés soient acceptés dans le village. Et pour cela se lie d’amitié avec Yara (Ebla Mari), jeune Syrienne d’une vingtaine d’années, passionnée de photographie, qui a été infirmière deux ans dans un camp, venue ici avec sa mère et trois jeunes frères et sœurs mais sans nouvelles de son père, resté au pays.

Avec l’aide de Yara et de quelques habitants du village, TJ va tout faire pour l’intégration des réfugiés. Et pour cela fait revivre la notion de solidarité collective, celle des mineurs lors de la grève de 1984 dont des photos parsèment les murs de l’arrière-salle de son pub. Il va y organiser, pour les familles locales comme pour les familles syriennes, des repas collectifs gratuits, comme au temps où les mineurs grévistes se soutenaient avec ce slogan: « Si on mange ensemble, on se serre les coudes »…

Double Palme d’or

Sens du collectif, solidarité, humanisme: depuis la fin des années 60 Ken Loach, aujourd’hui âgé de 87 ans, se range du côté des plus faibles et des plus démunis, des victimes du capitalisme, des laissés-pour-compte, avec un militantisme de gauche, voire d’extrême-gauche, jamais démenti.

THE OLD OAK fut en mai dernier son 15e film présenté en compétition au Festival de Cannes, sans toutefois connaître le succès de deux précédents récompensés, à 10 ans d’intervalle, de la Palme d’or: LE VENT SE LÈVE (2006) et MOI, DANIEL BLAKE (2016).



Dans THE OLD OAK, les habitants locaux ne sont pas classés en gentils d’un côté (pour les réfugiés) et méchants de l’autre (contre les réfugiés). Les dialogues et situations sont tranchés mais le ton général est plus subtil: « Il n’y a pas de méchants absolus ici. Un sentiment d’injustice peut pousser les gens vers les extrêmes, mais leur comportement est toujours motivé par une certaine logique », explique le réalisateur.

Belle histoire d’amitié

À l’intérieur de ce scénario mettant en scène les problèmes d’adaptation de réfugiés syriens dans une bourgade anglaise défavorisée, il raconte une belle histoire d’amitié entre deux personnages, avec notamment un portrait touchant et fort du patron du pub, TJ, remarquablement interprété par Dave Turner.

Et le film, malgré son réalisme, ne tombe pas dans le pathos ou la noirceur, laissant ouverte la porte de l’optimisme et de l’espoir, au fil de quelques scènes émouvantes. « J’ai une amie qui dit que l’espoir est obscène. Peut-être a-t-elle raison », dit, à un moment, Yara à TJ. Réponse de Ken Loach à Cannes, au moment de la présentation de THE OLD OAK: « Avec ce film, nous voulions élargir le sujet à la notion d’espoir. Où les gens le trouvent-ils? Comment parviennent-ils à construire, ensemble et malgré tout, une vie décente? »

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « C’est de la solidarité, pas de la charité » (TJ, pour expliquer l’aide apportée aux réfugiés syriens).


  • A voir : « The Old Oak » (Grande-Bretagne, 1h50). Réalisation: Ken Loach. Avec Dave Turner, Ebla Mari, Trevor Fox (Sortie 25 octobre 2023)

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