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Académie Culinaire de France : l'institution a fêté ses 140 ans au Domaine Le Mezo à Ploeen (Morbihan) (c) photo Victor Hache

Gastronomie. Véritable institution regroupant les meilleurs Chefs cuisiniers, l’Académie Culinaire de France fêtait ses 140 ans ce week-end au domaine le Mezo à Ploeren (Morbihan). L’occasion pour We Culte d’aller à la rencontre de son Président, Fabrice Prochasson, qui revient sur l’importance de la transmission du savoir-faire des métiers de bouche, le partage des connaissances de l’art culinaire et l’amour d’une cuisine de qualité, car dit-il « la gastronomie c’est la créativité de la France ».


Académie Culinaire de France: l’institution a été créée en 1883. Son but est de promouvoir l’enseignement et la gastronomie française à travers le monde


C’est dans le très beau Domaine Le Mezo à Ploeren (Morbihan), qui vient de rouvrir après deux ans de travaux, que le congrès national de l’Académie Culinaire de France (ACF) a eu lieu ce week-end. 120 Chefs étoilés et meilleurs ouvriers étaient présents, venus de tout l’hexagone, mais aussi du Chili, Mexique, Etats-Unis, Canada, Luxembourg ou Belgique, pour célébrer le 140è anniversaire de cette institution créé en 1883, dont le but est de promouvoir l’enseignement et la gastronomie française à travers le monde. Rencontre avec Fabrice Prochasson, ancien Chef de la Maison Lenôtre, à la tête de l’Académie depuis 9 ans, pour qui la transmission et le partage de l’art culinaire français est primordial.

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Académie Culinaire de France : Fabrice Prochasson

L’Académie Culinaire de France fête ses 140 ans. Quelle est sa vocation ?

Fabrice Prochasson : L’Académie a été créée en 1883 par un Suisse et non pas par un français, aussi étrange que cela puisse paraisse. L’ADN d’aujourd’hui, et à l’image de ce qu’il a créé, son idée de base étant que la cuisine ne reste pas un art, mais devienne une science, quelque chose qui permette de mieux vivre, de bien manger et de ne pas mourir. C’est toujours aussi vrai. Le rôle de l’Académie, c’est de défendre la gastronomie française en France et à travers le monde, c’est suivre les chefs, les recettes des produits d’aujourd’hui et d’écrire des livres sur son histoire. Joseph Fabre (cuisinier et théoricien de la cuisine française), avait créé le premier Dictionnaire Universel de Cuisine en 1904. Nous avons le projet de continuer à poursuivre ce dictionnaire international pour expliquer tout ce qui se passe dans le monde de la cuisine, comment préparer les produits, les nouvelles essences, épices, de façon à les travailler correctement.

Qu’est-ce qui vous paraît le plus important à défendre aujourd’hui dans l’art culinaire ?

Fabrice Prochasson : C’est surtout bien se nourrir. L’Académie a un grand rôle à jouer à ce niveau-là notamment au niveau de la formation, en aidant les jeunes professeurs en France et à l’international, à travers le respect des aliments, comment les préparer, les cuissons pour apporter une nourriture plus saine et conforme à ce que l’humain a besoin pour vivre. Une autre chose très importante, c’est de défendre la France, la gastronomie, le patrimoine, les partenaires, les fournisseurs, tous les produits français qui sont exportés dans le monde entier. Ils sont toujours renommés comme les meilleurs ingrédients, sauf que la cuisine a un peu perdu sa place. On n’est plus  vraiment leaders, on est troisième ou quatrième rang derrière l’Italie, l’Espagne, l’Asie ou le Pérou qui progresse énormément. Je pense que l’on reste leaders sur tout ces métiers de bouches dans toute cette partie technique qui est très forte en France. On a un bon enseignement, de bons professeurs et de bons restaurants, sauf qu’on a peut-être mal joué dans la partie créativité, modification, le flexitarisme (pratique alimentaire basée sur le semi-végétarisme), le fait que l’on veuille manger mieux. Il  faut penser à tout cela aujourd’hui. Un tiers de nos clients sont des flexitariens. D’autres pays l’ont compris depuis 10-15 et nous on n’a pas voulu le comprendre. Donc, il faut se réadapter et ça c’est un peu le rôle de l’Académie.

Sauriez-vous dire d’où vient votre passion de la cuisine ?

Fabrice Prochasson : De ma mère. Elle m’a inscrit à l’école hôtelière de Blois en disant : « tu es fils d’ouvrier, d’artisan, tu seras cuisinier ».  J’ai passé les examens, CAP, BEP et bac de cuisine. J’ai rencontré rapidement de très grands chefs qui m’ont donné cette passion. Ensuite, j’ai eu la chance de travailler chez Gaston Lenôtre pendant plus de 29 ans. Il m’a fait confiance en me donnant les clés de la cuisine de production et en événements internationaux dans le monde sportif et événementiel. A 25 ans j’étais un des grands Chefs de la Maison Lenôtre.

Quelle est votre spécialité ?

Fabrice Prochasson : Je suis cuisinier, à la base. Etant de la Sologne, dans le Loiret, je suis très poisson d’eau douce, gibiers, champignons. C’est une cuisine de terroir. A l’international, j’ai une fille qui est « globe cooker », avec plus de 90 pays dans le monde… J’aime bien les mélanges hybrides entre l’Asie, la France et l’Europe.

Diriez-vous que la cuisine peut être un levier pour l’image de la France ?

Fabrice Prochasson : Cela reste un  fort levier. C’est un des meilleurs outils pour la politique française d’aujourd’hui. Emmanuel Macron l’utilise beaucoup aussi. On assoit les gens à une même table autour d’une belle cuisine, avec les Chefs qui sont là et en parlent. La cuisine est une arme diplomatique, que Louis XIV, Napoléon, utilisaient beaucoup.



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Le château entièrement rénové du Domaine Le Mezo (c): Domaine Le Mezo

Peut-on parler d’art culinaire en tant que culture avec un grand « C » ?

Fabrice Prochasson : La cuisine a montré que la France, c’est la créativité. Si vous n’êtes pas créatif, il n’y pas d’amour dans votre cœur. On travaille des produits et on voit bien que beaucoup de paysans, agriculteurs, éleveurs aiment leur terres, leurs légumes, leurs animaux, leurs métiers. A nous de transmettre tout ce qu’ils ont donné comme amour dans leurs produits. C’est important d’apporter cette solution, cette vision, cette créativité pour partager et donner aux gens un moment éphémère rare, une émotion, une texture, du service dans l’atmosphère qu’on créée autour de nous. On joue sur des sensations, le respect des gens. On apporte de la joie avec pas grands chose, avec des éléments simples et quoi qu’il arrive, cela doit être bon.

Quelles sont les nouvelles tendances ?

Fabrice Prochasson : On mange de meilleures protéines et moins souvent, comme à l’époque d’Henri VI. Donc, on revient à des choses normales. On cuisine plus de légumes, des végétaux qui permettent de jouer sur les saveurs, les couleurs. Ensuite, il y a la partie texture. Aujourd’hui, il faut du craquant, du pétillant, du piquant pour créer de l’émotion dans le palais. Souvent, je dis à mes Chefs « mettez quatre saveurs, une ou deux textures, un chaud ou froid si on veut, mais pas plus parce que après le cerveau (du client) ne comprend plus ce qui se passe au niveau du goût ».

140 ans de l’Acédémie Culinaire de France signifie Patrimoine. Comment le faire perdurer et évoluer ?

Fabrice Prochasson : Il faut des idées, jouer sur les outils « instagramables », pas seulement en faisant une recette d’un très bon gâteau, d’une cuisine ou d’un pâté en croute. Il faut jouer avec ces outils qui permettront de recruter de nouveaux membres, de garder nos fournisseurs, nos partenaires et d’en faire venir de nouveaux. Et construire autour de cela. Depuis mes 9 ans de présidence, j’ai beaucoup fait changer l’Académie. On compte maintenant, parmi les 80 grands académiciens, une femme. Avant, il n’y avait pas de femmes « académicienne », ce qui permet d’apporter le sens féminin. On a fait  rentrer des jeunes Chefs handicapés ou autistes, avant c’était interdit et l’on a ouvert ce côté partage. Et aujourd’hui, on organise des réunions mensuelles tous les premiers jeudi, à l’Institut culinaire de Paris, où les grands Chefs partagent leur savoir-faire pour 80-90 personnes pour une modique somme de 10-15 euros. Des jeunes viennent avec nous, participent à nos travaux pour découvrir les recettes de grands chefs, même les chefs à la retraite qu’on remet au piano, qui transmettent leur savoir. Aujourd’hui les jeunes manquent de repères, d’entourage familial, leurs parents étant malheureusement plus dans le «digital » et du coup, ces réunions attirent tout le monde. On développe également ces master classes un peu partout dans le monde, au Pérou, en Bolivie, au Japon, aux Etats-Unis, en Australie, au Canada. L’ADN de la cuisine française, c’est nos Chefs, nos artisans, nos meilleurs ouvriers de France, les compagnons qui voyagent dans le monde entier pour faire transmettre et partager notre art culinaire.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Plus d’informations sur l’Académie Culinaire de France ICI
  • Domaine Le Mezo : Château du Mezo. Route d’Arradon, 56880 Ploeren

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Académie Culinaire de France : Olivier Colin, nouveau Chef des cuisines du Domaine de Mezo

Olivier Colin, nouveau chef des cuisines du Domaine le Mezo

Il vient tout juste d’être intronisé Chef par l’Académie Culinaire de France : «C’est important sur le plan des rencontres. Être intronisé par l’Académie culinaire, cela ouvre des portes, c’est quelque chose de très intéressant au niveau du métier » se réjouit-il.

Olivier Colin a pas mal voyagé à travers le monde et exercé son métier un peu partout, au Québec, en Angleterre, en Suisse, mais aussi France où il a travaillé pour les Relais & Châteaux, à Tahiti où il fait ses stages au lycée hôtelier à Moorea, dans un restaurant en gérance à Millau au château de Creissels ou encore en tant que chef privé sur un yacht à Monaco. « J’ai été chef aussi au Castel Clara à Belle-Île, pendant presque quatre ans, on cherchait une étoile » dit-il

Originaire de Lorient, Olivier Colin est le nouveau Chef des cuisines du Domaine Le Mezo à Ploeren (Morbihan). Le restaurant qui vient d’ouvrir, dispose d’une salle pouvant accueillir jusqu’à 350 personnes, pour des séminaires ou des mariages : « Mon souhait, c’est d’apporter une cuisine Relais & Châteaux sur du volume, avec des produits de la mer principalement, un peu de viande. Les gens qui viennent ici demandent souvent du poisson, du homard ».

Sa cuisine est axée sur la mer et le terroir breton : « J’aime associer une cuisine terre-mer, par exemple sur un veau mettre un jus brun de homard, des notes iodées mélangées aux produits du terroir. Et j’ai aussi une cuisine axée sur la cuisine asiatique que j’ai développée quand j’étais à Tahiti ».

Son plat signature ? « un carpaccio de homard fumé avec une marinade aux aromates et une glace homard : avec les têtes on fait un consommé, une mélasse et on part sur une crème anglaise. C’est un jeu de textures à la fois tempéré et glacé. ».

Ce qu’il recherche, c’est se faire plaisir dans sa cuisine, en laissant libre cours à sa créativité : « J’essaie de ne pas me prendre la tête et de faire ce dont j’ai envie. Depuis que je ne cherche plus à cuisiner pour le Michelin, je suis beaucoup plus libre. Je veux juste que les gens soient contents, leur faire passer un bon moment et leur faire découvrir des goûts qu’ils ne vont peut-être pas oublier. Et ça, c’est la réussite. »

La cuisine est devenu un art culinaire. Comment voit-il son évolution? : «Avec Instagram, les réseaux, je trouve qu’on perd parfois l’essentiel de la cuisine. Il y a un peu trop de « m’as-tu vu ». Parfois, avec des émissions comme Top Chef, cela projette dans la lumière des gens très rapidement, alors que la cuisine ce sont des années d’apprentissage. On vit dans un monde où on devient vite super star de la cuisine, on leur donne une notoriété alors qu’ils n’ont pas d’expérience en fait. La cuisine ça demande du temps. »

Son souhait ? Privilégier le goût en proposant des plats aux recettes simples : «il me paraît important de revenir à l’essentiel, au produit, et être moins dans le sophistiqué. Il faut avoir des assiettes esthétiques, mais moins partir sur la technique pour montrer ce qu’on sait faire, en réalisant par exemple un jus, une belle cuisson, un légume bien cuit…»

Propos recueillis par Victor Hache


 

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