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David Lodge publie "Réussir plus ou moins", le dernier volet de son autobiographie (c): Joel Kaplan

Livres. Avec « Réussir, plus ou moins », l’écrivain britannique David Lodge présente, à 88 ans, le troisième et ultime volet de son autobiographie. Auteur cultissime de, entre autres, « Thérapie » et « La Vie en sourdine », il signe un texte empli de distance et d’humour.

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David Lodge (c): Joel Kaplan

Comment s’y prendre ? La question est là, immense. Oui, comment s’y prendre quand, auteur.e, on se lance dans l’écriture de son autobiographie ? Certain.e.s (nombreux, même) n’hésitent pas l’imposture et à s’inventer des légendes, le plus souvent invérifiables puisque la seule personne qui pourrait authentifier l’affirmation n’est plus de ce monde.

Quelques-autres, autrement plus fréquentables, s’enveloppent du vêtement de la modestie- en y ajoutant distance et humour. Ces temps-ci, le meilleur exemple du genre nous vient de Grande-Bretagne avec « Réussir, plus ou moins »– le troisième et dernier volet de l’autobiographie de l’immense David Lodge, auteur de romans (« Thérapie »– 1998, ou encore « La Vie en sourdine »– 2008), de biographies romanesques (« L’Auteur ! L’auteur ! »– 2004 ; « Un homme de tempérament »– 2012), de nouvelles (« L’Homme qui ne voulait plus se lever et autres nouvelles »– 1997), de théâtre (« La Vérité toute nue »– 2006), d’essais sur l’histoire et la théorie de la littérature… Le 28 janvier dernier, il a fêté son 88ème anniversaire… 

Dès les premières lignes de « Réussir, plus ou moins », délicieux ouvrage en forme de dernier tour de piste pour un formidable tour de prestidigitation, dans un avant-propos il pose le problème : « Les mots « réussite » et « réussir », généralement mesurés à l’aune des ventes, de l’audimat, des recensions, des prix et des récompenses littéraires, sont assez fréquents dans les pages de mes mémoires (…). J’ai conscience qu’on trouvera peut-être que je me vante et que j’obéis à des considérations intéressées, mais c’est la seule façon honnête, pour un écrivain professionnel, de décrire ses motivations lorsqu’il se livre à l’introspection. Il est rare qu’on écrive un roman ou une pièce exclusivement pour son propre plaisir. Un roman a besoin d’un lecteur, qu’il invite à réagir ».

Quelques lignes plus loin, Lodge ajoute : « Ecrire en vue d’être publié (…) est un acte gratuit- un choix, pas une obligation- et seul un certain degré de réussite paraîtra justifier l’effort fourni ».

Ainsi, dans ce troisième volet qui court de 1992 à 2020, l’écrivain britannique déroule, après « Né au bon moment » (de l’enfance à la première publication ; paru en 2016) et « La Chance de l’écrivain » (les premières années de la consécration ; 2018), David Lodge parcourt la période de sa vie où, à partir de la cinquantaine, il a connu les grands succès critiques et publics à travers le monde.



Toujours avec des textes emplis de modestie et d’humour. Ainsi, dans « Réussir, plus ou moins », on lit : « J’ai eu une nouvelle idée pour ce roman (…), pour le rendre plus personnel et autobiographique, en explorant, sur le mode comique autant que possible, cette névrose personnelle avec laquelle je me débats maintenant depuis des années, et que je n’ai jamais vraiment abordée dans la fiction, je veux dire ma tendance à tomber dans des états dépressifs et anxieux, en particulier lorsqu’il s’agit de décisions : soit je suis incapable de choisir, soit je regrette ma décision une fois qu’elle est irrévocable- pour découvrir avec étonnement que je change à nouveau d’avis lorsque je suis face au résultat »

Alors, on se laisse embarquer par les mots d’une vie. Celle de David Lodge. Ô ! surtout ne pas attendre du crapoteux, ce n’est pas le genre de la maison. Ne pas penser lire des combines chères aux imposteurs de la chose écrite, aux « avida dollars » de l’édition qui s’étale en tête de gondole dans les grandes surfaces de la bouillie culturelle.

La fabrique des légendes, très peu pour Lodge. « Le « succès » et « l’échec » sont l’un et l’autre des concepts imprécis que chacun, avec ses prédilections et ses préjugés personnels, appliquera de façon individuelle dans le domaine de l’art », écrit-il. Et dans ces décennies 1990- 2020, il a poli son ouvrage, cherchant inlassablement de nouvelles formes d’écriture. Y a-t-il réussi ? Plus ou moins, répond-il avec humour et modestie… 

Serge Bressan

  • A lire : « Réussir, plus ou moins » de David Lodge. Traduit par Damien Aubel. Rivages, 290 pages, 22 €.

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David Lodge : « Réussir plus ou moins »

EXTRAIT 

« J’ai eu soixante ans le 28 janvier 1995, et j’ai fêté mon anniversaire en conviant famille et amis à un grand dîner. C’était un samedi, jour pratique pour les invités qui n’habitaient pas à côté : ils pourraient passer la nuit à l’hôtel tenu par nos voisins, qui leur feraient une réduction. Je m’y étais pris des mois à l’avance et j’avais choisi Sloans, un restaurant situé sur une place tranquille à deux pas de chez nous, qui proposait ce qu’on aurait pu qualifier de cuisine gastronomique des années avant que l’expression ne devienne courante à Birmingham… »


 

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