diane de margerie
Diane de Margerie a longtemps habité face à la cathédrale de Chartres, sous l’œil de la Femme de pierre

Livre. Fascinée, Diane de Margerie a entretenu une relation fusionnelle avec la cathédrale de « Chartres, la femme en pierre ». Élévation de l’esprit, ravissement des sens. Une quête de soi entre éphémère et éternel, à redécouvrir à l’occasion de la réédition de son récit chez Arléa-Poche. 

Diane de Margerie nous aura appris à hisser le regard sur les tours séculaires de la cathédrale de Chartres, écouter le son des cloches et leurs échos communs. Une leçon de recueillement et d’humilité. Un répit face à la fureur du monde…

couverture chartres la femme en pierreDès les premières pages, le lecteur est ébloui par l’élégance de l’écriture avec laquelle Diane de Margerie – prix Médicis de l’essai en 2004 pour « Aurore et George » – s’adresse à lui. Jour après jour, elle raconte sa rencontre avec « le » monument symbole de mystères et de fascinations. L’autrice a longtemps habité face à la cathédrale de Chartres, sous l’œil de la Femme de pierre, sa complice; fenêtre ouverte, elles dorment côte à côte. Une protection divine.

Immaculation, transparence, élévation : le triptyque conduit tout l’agencement du texte. L’immersion dans ce temple majestueux se pare d’une érudition sélective (la peinture flamande, la lecture de Marcel Proust, un voyage en Chine), mais le quotidien s’engouffre; un arrêt dans un café, la tranquillité de la nuit soudain brusquée par les agissements de chats ou le bruit lointain des pas furtifs d’un passager anonyme.

Immaculation : les cygnes de l’étang déploient la blancheur d’un combat amoureux : « C’était intime, féroce et secret. Nous avions été tout à coup les témoins de l’amour – non point de son spectacle, mais de sa splendeur intérieure qui se dérobe, exige le silence et peut-être aussi cette violence blanche, qui est celle des cygnes. »

Transparence : les vitraux du XIIIe siècle renvoient à la fois la lumière de l’extérieur, la capturent pour illuminer l’intérieur de l’édifice et par là même celui de l’être humain : « Un chemin entre le dehors et nous-mêmes. »

Élévation : vaincre la médiocrité pour peser sur l’éternité des choses, fuit la vanité des bavardages inutiles et orgueilleux où l’homme s’affaisse dans sa propre petitesse.

Au fil de la lecture se dessine un livre d’heures existentiel, l’autrice est en quête d’un soi respectueux, débarrassé des contingences matérielles et des normes imposées.
À l’instar de Proust reclus dans sa chambre de liège, Diane de Margerie voit dans l’enferment, la cellule, la métaphore de l’artiste obligé au retrait et au secret de la création.

A l’ombre de la Femme en pierre, elle s’appuie contre cette matrice, ce ventre berceau des siècles passés. Elle replace la cathédrale au centre d’un temps perdu ravagé par les guerres et les épidémies, et incontestablement présent face à l’arrogance de la courte durée, un conflit permanent entre l’éphémère et l’éternel.

Geoffroy de Lèves, évêque de Chartes fit venir Suger, moine-architecte, abbé de Saint-Denis en 1122. Esprit curieux à l’écoute du peuple, il avait décoré la basilique des rois de France. Vézelay, Auxerre, ces lieux de repentance et d’union convoquent les vivants et les morts. L’auteure égrène les saisons et leurs tremblements à chaque changement, s’entoure de la faune et de la flore, prie devant le saule-pleureur, « saule-source, j’aimerais que vous vous nourrissiez de moi après ma mort ».

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Diane de Margerie

Le récit de Diane de Margerie n’avait jamais réédité depuis 1989, date de sa sortie. Il avait inauguré la collection Gallimard « L’un et l’autre » dirigée par J.-B. Pontalis. L’occasion de le découvrir ou de le reconsidérer à l’aune d’une autre cathédrale, Notre-Dame défigurée par les flammes d’un incendie.

Si aujourd’hui, Diane de Margerie est abandonnée par l’un des cinq sens, la vue, elle nous aura appris à hisser le regard sur les tours séculaires, écouter le son des cloches et leurs échos communs. Une leçon de recueillement et d’humilité. Un répit face à la fureur du monde.

Virginie Gatti

 

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