Livres coups de coeur. Pour cette rentrée littéraire d’été 2023, 466 romans francophones et étrangers (34 de moins qu’en 2022) sont annoncés en parution d’ici la fin octobre. En cette deuxième semaine de rentrée, en toute subjectivité, We Culte présente son coup de cœur avec le « roman de transition » d’Imogen Binnie et a également retenu Lionel Duroy, Joyce Maynard, Amélie Nothomb, Maria Pourchet, Elisa Shua Dusapin et Antoine Wauters. Sept romans indispensables !
IMOGEN BINNIE : « Nevada »
En 2013, un petit éditeur militant de Brooklyn publiait « Nevada ». Comme on dit et écrit, ce fut un succès d’estime- autant dire et écrire que les ventes furent quasi inexistantes. En 2022, un éditeur états-unien de grand renom réédite le livre d’Imogen Binnie.
C’est le succès critique et public- et voici la VF pour cette rentrée d’été 2023. Deux façons de commenter ce roman : un formidable road novel, et le premier roman trans- au choix ! Imogen Binnie, 44 ans aujourd’hui, est une trans MtF (male to female) mais ne se considère pas comme une porte-parole de la cause, et assure ne pas avoir écrit un texte autobiographique.
C’est vrai que son héroïne Maria est trans mais toute en dérision punk, elle bosse dans une librairie d’occasion et malgré la transition, sent que sa vie lui échappe. Quand on l’interroge sur sa vie de trans, elle balance : « Chienne de vie ».
On lit : « Maria passe grave pour une connasse dans cette histoire : une mytho, manipulatrice ». Ça déménage allégrement, l’écriture est fracassée. Sur un coup de tête, Maria démissionne, « emprunte » la voiture de sa compagne Steph qu’elle vient de quitter suite à son aveu d’infidélité, se fait une ligne d’héro, roule avec chien et chat direction le grand Ouest, de New York à Reno, Nevada- partir pour mieux se (re)trouver ?
Elle fait connaissance de James- elle perçoit immédiatement qu’il est trans mais il ne le sait pas encore. Livre coup de cœur, « Sur la route » version trans, « Nevada » est le roman de la conquête du « queer spirit ». Un roman-culte pour toutes et tous !
- « Nevada » d’Imogen Binnie. Traduit par Violaine Huisman. Gallimard, 304 pages, 23 €.
LIONEL DUROY : « Mes pas dans leurs ombres »
Encore et toujours écrire la vie. Surtout pour la comprendre. Avec une vingtaine de romans sur son CV, Lionel Duroy est aussi un voyageur. Ainsi, dans son nouveau roman au joli titre, « Mes pas dans leurs ombres », il propose une itinérance jusqu’en Roumanie. Et nous propose la compagnie d’Adèle Codreanu. Elle est journaliste et reconnaît ne s’être jamais intéressée à ce pays que ses parents ont fui avant qu’elle naisse.
En reportage à Bucarest, elle fait une triste découverte : pourquoi les Roumains ont exterminé 400 000 Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et elle s’interroge : pourquoi ses parents n’ont-ils jamais rien raconté ? Pourquoi ? Alors, elle lit Appelfeld et Hilsenrath… Oui, même si les Roumains refusent de l’admettre, l’horreur a été commise…
- « Mes pas dans leurs ombres » de Lionel Duroy. Editions Mialet-Barrault, 256 p, 20 €.
JOYCE MAYNARD : « L’hôtel des Oiseaux »
Un destin de femme conté par l’excellente Joyce Maynard… Début en 1970, une bombe explose dans un sous-sol à New-York. Parmi les poseurs de bombe, une jeune femme est tuée- la mère de Joan, 6 ans. Sa grand-mère la récupère pour lui offrir une vie meilleure et ordinaire, lui change son prénom- elle sera Amelia.
Deuxième temps : adulte, mariée et mère, artiste de renom, elle est confrontée à événement tragique. Nouvelle fuite, direction un pays d’Amérique centrale. Elle s’arrête dans un hôtel aux murs délabrés mais dont la propriétaire, Leila, est chaleureuse. Dans « L’hôtel des Oiseaux », d’autres fracassé.e.s de la vie font escale alors qu’Amelia ne compte pas ses forces pour retaper et rénover l’établissement que l’on dit empli de mystères. Aura-t-elle une troisième chance ?
- « L’hôtel des Oiseaux » de Joyce Maynard. Traduit par Florence Lévy-Paolini. Editions Philippe Rey, 526 pages, 25 €.
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AMELIE NOTHOMB : « Psychopompe »
Comme chaque mi-été depuis 1992 et « Hygiène de l’assassin », honorer le rendez-vous livresque avec Amélie Nothomb… Cette année encore, la romancière membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique est là avec « Psychopompe », texte un peu plus long (162 pages) qu’à l’accoutumée, et met un terme ainsi à une trilogie qui comptait « Soif » et « Premier sang ».
Il y avait le Père, le Fils… et maintenant, le Saint Esprit, glisse-t-elle avec humour. Et, plus que jamais, elle se confie dans ces pages. Evoquant ses années d’adolescente (un drame survenu à 12 ans) et de jeune fille vivant ici où là au gré des affectations de son diplomate de père, elle avoue ses deux passions : les oiseaux et l’écriture. « Ecrire, c’est voler », assure-t-elle…
- « Psychopompe » d’Amélie Nothomb. Albin Michel, 162 pages, 18,90 €.
MARIA POURCHET : « Western »
Le roman coup-de-poing de cette rentrée d’été 2023. A la manœuvre : Maria Pourchet. Après l’étourdissant « Feu » (2021), elle revient avec « Western ». Une femme, un homme. Aurore, Alexis pour une fable aussi brillante que décapante.
Elle a quitté son job, toute proche du « nervous breakdown ». Avec son fils, elle a filé à Cajarc (Lot) dans la maison de sa mère décédée qui ne l’avait pas prévenue qu’elle avait vendue la bâtisse en viager. Elle y découvre Alexis, il est comédien connu et a quitté, peu avant la première, Dom Juan dont il devait assurer le rôle-titre.
Aurore va apprendre qu’Alexis s’est enfui avant que le scandale ne le rattrape : une jeune comédienne qu’il avait harcelée s’est suicidée… Dans ce « Western », débute alors un discours amoureux…
- « Western » de Maria Pourchet. Stock, 304 pages, 20,90 €.
ELISA SHUA DUSAPIN : « Le vieil incendie »
Scénariste, elle travaille sur l’adaptation de « W ou le souvenir de l’enfance » de Georges Perec. Elle n’a quasiment plus de contact avec sa famille depuis de nombreuses années. Elle débarque dans un village du Périgord pour vider la maison de son père, mort il y a peu. Agathe y retrouve sa sœur cadette Véra, qu’elle n’a pas vue depuis une quinzaine d’années.
Adolescentes, la première avait promis à la seconde souffrant d’aphasie de ne jamais la quitter- elle est partie. Dans son quatrième roman- « Le vieil incendie », la Franco-suissesse Elisa Shua Dusapin raconte les retrouvailles avec Agathe dont le métier et le quotidien sont les mots et Véra enfermée dans le silence… La communication n’est pas simple. Des souvenirs reviennent. Un roman empli et de violence, et de douceur…
- « Le vieil incendie » d’Elisa Shua Dusapin. Editions Zoé, 144 pages, 16,50 €.
ANTOINE WAUTERS : « Le plus court chemin »
Des souvenirs en fragments. De tout et de rien qui fait une vie, une enfance. C’est souvent « Le plus court chemin »– c’est aussi le titre du nouveau livre d’Antoine Wauters, qu’on avait apprécié pour « Mahmoud ou la montée des eaux ».
Le plus court chemin mène inévitablement en Ardenne, à Fraiture. Wauters y a grandi dans les années 1980, il y avait la famille, les grands-parents, l’oncle et la tante flamands Priit et Annaatje qui venaient rendre visite de temps à autre… Il y avait l’école et la maîtresse surnommée Cheval, les paysages, le ruisseau où batifolaient les libellules…
« Le plus court chemin », c’est le puzzle de la vie de Wauters- de la nôtre, aussi. C’est également le plus beau des voyages dans le passé de l’enfance, cette époque où les mots précisent ce temps d’avant les mots.
- « Le plus court chemin » d’Antoine Wauters. Verdier, 256 pages, 19,50 €.
Serge Bressan