Livres. Pour cette rentrée littéraire d’été 2023, 466 romans francophones et étrangers (34 de moins qu’en 2022) sont annoncés en parution d’ici la fin octobre. En cette deuxième semaine de rentrée, en toute subjectivité, We Culte a retenu le texte-événement de Pascal Quignard … et aussi NoViolet Bulawayo, David Grann, Ottessa Moshfeg, Maggie O’Farrel, Ann Scott, Wole Soyinka. Sept romans indispensables !
PASCAL QUIGNARD : « Les heures heureuses »
Depuis près de cinquante-cinq ans, depuis L’être du balbutiement en 1969, on le croise régulièrement. Parfois, lors de tous les matins du monde. Cet été dans « Le Dernier Royaume »… c’est le temps d’un douzième de cette somme, c’est titré « Les Heures heureuses » et signé Pascal Quignard.
Pour l’occasion, il a changé de maison d’édition- juste un détail, tant l’essentiel de l’œuvre « quignardienne » demeure. Une fois encore, il invite le lecteur à se fondre dans ses pas, celle d’un solitaire, pour dévorer les grands espaces. Une fois encore, tout Quignard est dans ces pages en belles digressions : la liberté ; l’amitié avec la romancière, essayiste et scénariste Emmanuelle Bernheim décédée en 2017 à 62 ans ; la passion pour l’histoire…
L’écriture est fine, ciselé, aussi inclassable qu’unique- ainsi, « Les heures heureuses » est bien plus qu’un roman, qu’un journal, c’est un OLNI, un objet littéraire non identifié avec son lot inquantifiable de changements de rythme, voire de style.
Les deux premiers chapitres évoquent l’importance de l’heure ; dans le suivant, l’auteur présente son projet : « Dans ce livre où je veux quitter la lettre, il me faut recueillir ces ultimes vestiges : les chiffres et les dates. Les heures qui les assemblent ».
Il y a aussi la page d’Ischia où se baignait l’amie déjà malade et « les heures heureuses, infiniment heureuses ». La mort rode, la question est posée : « Qu’est-ce qu’une tombe ? Un corps sous une pierre. Qu’est-ce qui est inscrit sur cette pierre ? Un nom, une date »… Un texte essentiel. Un des livres-événements de cette rentrée d’été 2023.
- « Les heures heureuses » de Pascal Quignard. Albin Michel, 240 pages, 19,90 €.
NOVIOLET BULAWAYO : « Glory »
Habituellement peu porté à l’enthousiasme, le quotidien londonien « The Times » évoque « 400 pages de pyrotechnie verbale et de magie animale ». L’éditeur français, lui, parle d’« un roman satirique incisif, inventif et édifiant », et en 2022, le livre est finaliste du prestigieux Booker Prize.« Glory« , le nouveau roman de NoViolet Bulawayo, née au Zimbabwe, installée aux Etats-Unis.
Après « Il nous faut de nouveaux noms » (2014), l’auteure propose un conte cinglant, une farce animale avec un pays où les « animals » vivaient heureux. Puis fut le temps des colons, une guerre d’indépendance et un nouveau dirigeant : un cheval tyrannique, surnommé « la Vieille Carne ». Alors, il installa une dictature avec le cercle d’Elus, de cruels Défenseurs et sa jeune épouse, l’ânesse Merveilleuse…
- « Glory » de NoViolet Bulawayo. Editions Autrement, 464 pages, 23,90 €.
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DAVID GRANN : « Les Naufragés du Wager »
Journaliste de belle réputation et une des plumes du prestigieux « New Yorker », David Grann murmure, à 56 ans, à l’oreille d’Hollywood. Ainsi, les magnifiques Martin Scorsese et James Gray ont adapté sur grand écran certains de ses livres. Et, avec Leonardo DiCaprio, Scorsese a même déjà acquis les droits pour le ciné de sa nouvelle livraison : « Les Naufragés du Wager ».
Une fois encore, Grann mêle journalisme et fiction, et se montre grand obsessionnel de la vérité. Dans ce nouveau livre qui a nécessité cinq ans de travail, l’auteur plonge en 1740. Le Wager, un navire britannique, est envoyé pour récupérer les trésors d’un galion espagnol, échoue au Cap Horn. Des naufragés se réfugient sur une petite île. Mutineries et cannibalisme au programme….
- « Les Naufragés du Wager » de David Grann. Editions du Sous-Sol, 448 pages, 23,50 €.
OTTESSA MOSHFEG : « Lapvona »
Un voyage dans le temps avec « Lapvona », le nouveau roman de l’écrivaine états-unienne Ottessa Moshfeg. Jusqu’alors, elle nous avait éblouis avec trois romans (dont « Mon année de repos et de détente ») et un recueil de nouvelles.
Un voyage dans monde médiéval et grand-guignol. Avec Marek, fils de berger aussi fanatique que crasseux. Sa mère ? Il ne l’a jamais rencontrée. Son père Jude ? Il le frappe. Alors, le gamin se réfugie près d’Ina, sa vieille nourrice aveugle. On la dit guérisseuse, elle parle aux oiseaux.
Un jour, Marek va au village, tue par accident l’héritier d’un puissant qui, pour se dédommager, l’adopte. Nouvelle vie pour Marek qui découvre le luxe et l’irreligion. Au même moment, le village est victime de la sécheresse et de la famine…
- « Lapvona » d’Ottessa Moshfeg. Fayard, 324 pages, 22 €.
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MAGGIE O’FARRELL : « Le Portrait de mariage »
La mariée a 15 ans, s’appelle Lucrèce de Médicis et est la troisième fille du grand duc de Toscane. Le marié est le redoutable duc de Ferrare. Nous sommes au temps de la Renaissance qui fait décor pour « Le Portrait de mariage », le dixième roman de la Nord-irlandaise Maggie O’Farrell remarquée pour son « Hamnet », délicat portrait de l’épouse de Shakespeare.
En ce jour de mariage à Ferrare, la foule fait fête au nouveau couple- elle ignore que la jeune épouse a été mariée contre son gré. Evidemment, le nouveau marié n’attend rien de sa femme qu’un héritier- personne ne pourra s’opposer à sa volonté et son goût immodéré de pouvoir. Pis : lorsqu’elle pose pour le portrait de mariage, Lucrèce comprend qu’elle ne pourra pas échapper à ce destin. Un roman mené au pas de charge !
- « Le Portrait de mariage » de Maggie O’Farrell. Belfond, 416 pages, 23,50 €.
ANN SCOTT : « Les Insolents »
Il y eut la grâce et les ténèbres. Voici, en cette rentrée d’été, « Les Insolents »– le nouveau roman de la toujours remarquable Ann Scott. Romancière surdouée toute en discrétion, elle se glisse jusqu’à nous régulièrement, toujours avec élégance. C’est une fois encore le cas.
Avec Alex, Margot et Jacques, trois inséparables. Pourtant, compositrice de musique de films, la première décide de fuir Paris. Cap à l’ouest, le Finistère, cette fin de terre pour, à 45 ans, se réinventer. Arrivée dans un « nulle part », elle vit ailleurs et seule- c’était son rêve, Margot et Jacques sont, eux, restés à Paris… Qui a fait le bon choix de vie ? Une fois encore, Ann Scott raconte l’époque. Le contemporain. Une fois encore, c’est parfaitement réussi. Un grand et beau roman d’atmosphère !
- « Les Insolents » d’Ann Scott. Calmann-Lévy, 280 pages, 18 €.
WOLE SOYINKA : « Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde »
Premier Prix Nobel de littérature africain en 1986, le dramaturge et romancier nigérian Wole Soyinka est aussi discret que rare. Pas moins d’un demi-siècle a-t-il fallu attendre pour découvrir et lire son nouveau roman, « Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde »…
Ça valait la peine d’attendre : entre les mains, un livre de 540 pages pour une épopée aussi foisonnante que loufoque. Pour décor, son pays natal, ce Nigeria, ce géant d’Afrique avec ses 220 millions d’habitants.
Avec Soyinka, ça grouille de personnages dont le Premier Ministre- sir Goddie ; le gourou religieux omnipuissant Papa Davina ; le chirurgien Kighare Menka ou encore l’ingénieur Duyole Pitan-Payne, superstar avec son poste aux Nations Unies… Humour et corruption sont au pouvoir !
- « Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde » de Wole Soyinka. Seuil, 544 pages, 26,90 €.
Serge Bressan
