Roman /Poche. Après l’architecture et la transplantation cardiaque, Maylis de Kerangal explore, avec « Un monde à portée de main », un autre univers : celui de l’illusion dans l’art. Un roman documenté et lyrique.
Comme elle s’était intéressée aux secrets des ponts et chaussées puis à ceux de la transplantation cardiaque, avec « Un monde à portée de main » Maylis de Kerangal plonge là dans les abysses de l’illusion, du trompe-l’œil avec une précision et une technicité quasi chirurgicale
Un jeune homme- Jonas, à la casquette. Deux jeunes filles- Kate l’Ecossaise aux cheveux platine et Paula (nom de famille : Karst) aux yeux vairons. On fume, on boit, on se raconte ses souvenirs de prime jeunesse. Souvenirs du temps de l’Institut de peinture de Bruxelles, rue du Métal… là où on a appris l’art du trompe-l’œil, cet art qui peut faire passer un panneau de bois pour une plaque de marbre.
Après les très réussis « Naissance d’un pont » (2010) ou « Réparer les vivants » (2014), Maylis de Kerangal explore un autre univers, c’est « Un monde à portée de main »– l’un des romans les plus étincelants parus initialement à l’été 2018 : « Paula s’avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c’est le grain de la peinture qu’elle éprouve. Elle s’approche tout près, regarde : c’est bien une image « .
Comme elle s’était intéressée aux secrets des ponts et chaussées puis à ceux de la transplantation cardiaque, Maylis de Kerangal plonge là dans les abysses de l’illusion, du trompe-l’œil avec une précision et une technicité quasi chirurgicale. Mais qu’on se rassure, « Un monde à portée de main » n’est pas seulement, uniquement un roman sur cet art du trompe-l’œil. La romancière suit le destin de cette Paula Karst, belle jeune femme aux yeux vairon. D’où vient-elle ? Comment et quand est apparue sa vocation ? Comment et pourquoi se retrouve-t-elle dans les grottes de Lascaux- du moins, dans leur réplique où le factice et le trompe-l’œil font loi artistique ? Et puis, dans ce roman ou se mêlent lyrisme et documentaire, on appréciera sa première phrase, délicieux tourbillon de dix-huit lignes…
Texte Serge Bressan
« Un monde à portée de main » de Maylis de Kerangal. Folio / Gallimard. 336 pages, 8 €.
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