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Carmen Maria Vega : affiche de la tournée "Carmen Ultra"

Interview/Musique. On a connu Carmen Maria Vega quand elle débutait sur les scènes lyonnaises de la chanson française il y a près de 20 ans. Elle était de retour à A Thou Bout de Chant, ce lieu qui a vu naître tant de jeunes artistes qui brillent maintenant sur bien d’autres scènes, loin de Lyon. Accompagnée par Antoine Rault, Carmen y lançait « Carmen Ultra », sa nouvelle tournée, une belle occasion de redécouvrir son premier répertoire mais aussi de découvrir quelques nouveautés toutes fraîches.


Carmen Maria Vega est une personnalité aux multiples facettes. Elle a écrit un livre, elle a été comédienne au théâtre et chanté dans Mistinguett et Roméo et Juliette, de grandes comédies musicales. Nous avons pu la rencontrer à Lyon, la ville de ses débuts sur scène. Nous avons évoqué avec elles les rencontres décisives qui ont jalonné son parcours dans le monde du spectacle et ont aidé à l’éclosion de ses multiples talents. Elle nous a aussi présenté aussi ses projets « vertigineux » de meneuse de revue et de réalisatrice de film. Carmen Maria Vega n’a pas fini de nous surprendre et de nous enthousiasmer.

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Carmen Maria Vega (c) Coralie Croize

Que représente pour vous « A Thou Bout d’Chant » où vous débutez votre nouvelle tournée ?

Carmen Maria Vega : « A Thou Bout d’Chant », ce sont mes débuts, mon premier concert avec mon répertoire. C’était il y a 18 ans alors que j’ai l’impression d’avoir débuté hier. Ce sont des souvenirs en demi-teinte car c’étaient des débuts difficiles. Je ne me sentais pas encore prête sur le plan artistique.

Avec « Carmen Ultra » c’est une véritable recréation de vos anciennes chansons que vous avez voulu faire ?

Carmen Maria Vega : Ce n’est pas exactement une recréation car avec Antoine Rault nous avons repris les pistes des premiers albums originaux et nous les avons retravaillées en conservant l’essence même des morceaux. Je les joue donc pour la première fois comme ils sonnaient sur l’album. Nous sommes à trouver le son que je fantasmais depuis longtemps, le son qui rend honneur à ces anciens morceaux. Par contre c’est Antoine qui a réarrangé les morceaux plus récents. Il y a des textes qu’on m’a envoyé mais aussi des textes que, pour la première fois, j’ai écrit moi-même. D’un album à l’autre je n’ai jamais fait la même chose et c’était donc intéressant de trouver un lien entre eux tous pour ce nouveau spectacle.

Après vos débuts à Lyon, quelles ont été vos rencontres marquantes dans le milieu de la chanson ?

Carmen Maria Vega : Kim Giani est une rencontre marquante. Il m’a accompagnée pour la tournée sur mon album « Santa Maria ». Je l’ai rencontré grâce à Mathias Malzieu qui est sont meilleur ami. A l’époque il n’y avait pas beaucoup de musiciens qui étaient aussi bon multiinstrumentiste  comme lui l’était. Maintenant les musiciens apprennent plusieurs instruments pour des raisons économiques. A l’époque cela n’était pas le cas.

Kim m’a dit tout de suite « tu est une interprète ; on va faire un bout de chemin ensemble mais un jour tu en auras marre peut-être et ce ne sera pas grave ». C’était la preuve d’une grande maturité et la conscience que c’est important de changer. Cela m’a permis de me sentir complètement légitime en tant que chanteuse. Quand au bout de sept ans on a arrêté de travailler ensemble, cela n’a pas posé de problème. J’ai rencontré Antoine Rault avec qui je travaille maintenant et Kim est resté mon ami.

Comment se passe le travail avec Antoine Rault ?

Carmen Maria Vega : Je travaille en fait avec lui depuis sept ans. Je lui ai envoyé des textes que je n’avais pas utilisés sur mon album « Santa Maria ». C’était des textes érotiques que personne n’arrivait à mettre en musique dont un qui est en alexandrins écrits par Simon Abkarian. Antoine travaillait alors dans le groupe Lescop après avoir accompagné Daniel Darc. Il m’a rendu une chanson incroyable avec une manière de créer des rythmes et une mélodie d’une grande complexité. On a commencé à collaborer de cette façon. Il y a dans mon spectacle des chansons créées avec lui il y a déjà six ans.

Quelles sont vos autres rencontres importantes ?

Carmen Maria Vega : Cléa Vincent a été très importante elle aussi. C’est une artiste pluri-disciplinaire très combattante, complètement autonome. Il faut savoir tout faire soi-même et j’adore, comme elle, être multi-casquette. Je fait du théâtre et des comédies musicales. J’ai écrit un livre que je veux adapter au cinéma. Je reviens d’une tournée de trois mois en Chine avec la comédie musicale Roméo et Juliette, une tournée éreintante et sublime.



Parmi les autres rencontres importantes il y a celle d’Albert Cohen qui est venu me chercher pour le spectacle « Mistinguett » dont il était le producteur. Nathalie Dupuy qui est coach vocale dans The Voice lui avait parlé de moi. Le metteur en scène Gwen Aduh m’a contactée ensuite pour le premier rôle dans « Le gros diamant du prince Ludwig », le Molière 2018 de la Comédie de l’équipe des Faux British qui avait obtenu le même Molière en 2016.

Je reviens de Chine  où je participais à un spectacle où nous étions cent. C’était la comédie musicale « Roméo et Juliette » de Gérard Presgurvic où je jouais Lady Capulet, la mère de Juliette, un rôle de femme difficile. Incarner une femme très dure, c’était passionnant. Et puis c’est du Shakespeare, en français avec des chansons très difficiles. Ce sont des techniques vocales très différentes, de la grosse démonstration vocale, du belting qui impose une énorme rigueur. C’est Laura Presgurvic qui est venu me chercher.

Est-ce que vous travaillez beaucoup votre voix ?

Carmen Maria Vega : Depuis dix ans je travaille ma voix avec Nathalie Dupuy qui a été elle-même formée par Julia Pelaez ma première prof de chant. Ma voix évolue et elle a davantage de graves en vieillissant. Il faut tout le temps continuer à la muscler, car les cordes vocales sont des muscles. La longévité de la voix dépend de cet entraînement.  Nathalie est une magicienne : elle entend tout de suite les défauts qu’on reprend si on se ramollit un petit peu quand on arrête de chanter un moment ou, au contraire, si on l’a sollicitée très intensivement pendant une tournée. J’enregistre tous ces cours et je travaille toute seule ensuite.

Comment avez-vous commencé à travailler la scénographie et la chorégraphie ?

Carmen Maria Vega : Je réalise moi-même les scénographies et les mises en scène de mes spectacles. J’ai fait de la danse longtemps et, pour le spectacle sur les chansons de Boris Vian, j’ai travaillé avec François Beretta, un coach de pole dance, de la danse avec une barre verticale qui a une dimension érotique. C’est un mec génial que j’avais rencontré sur « Mistinguett ». Il m’a beaucoup aidé en particulier pour l’acceptation de l’érotisation.

Avez-vous eu parfois des choix difficiles à faire dans votre carrière ?

Carmen Maria Vega : J’ai eu tout le temps des choix difficiles à faire mais c’était toujours très excitant. Par exemple pour « Mistinguett », j’étais en tournée en 2013 sur le premier album consacré à Boris Vian. On avait une centaine de dates et je devais aller au bout de ma tournée. Je suis allée au bout mais elle aurait pu tourner encore un an si je l’avais voulu. Cela a été une décision difficile car je déteste faire des choix qui me prive de ma liberté.

Je donnais deux ans de ma vie au projet « Mistinguett » mais je demandais qu’on me laisse faire ma vie à côté. Les producteurs savait qu’en me choisissant ils prenaient une artiste particulière, pluridisciplinaire, qui n’avait pas encore fait de comédies musicales. C’est ce qui a valorisé le spectacle et m’a permis également de m’épanouir en tant que danseuse, chanteuse et comédienne.

C’était une comédie musicale riche en théâtre, ce qui était assez inédit à cette époque là. C’était une période sublime avec une équipe incroyable de soixante quinze personnes dont trente au plateau et tous étaient des copains… sauf une exception ! J’ai conservé beaucoup d’amis dans cette équipe et j’ai même créé une société avec Sarah Gellé, une danseuse du spectacle, qui est maintenant assistante metteur en scène, comédienne et réalisatrice. Un couteau suisse comme moi.

Quelle est cette société que vous avez créée ?

Carmen Maria Vega : Saravega Productions est une société de production audiovisuelle car depuis longtemps je veux faire du cinéma et adapter mon livre dans un film. Pour récupérer les droits de ce livre j’avais besoin d’une société pour les héberger, pour trouver ensuite une société de production qui rachèterait les droits à Flammation.

J’avais envie de faire un court-métrage pour le Nikon Film Festival de 2022 sur le thème du rêve. C’était parfait pour expliquer un bout de mon histoire en deux minutes vingt. Je me suis entraînée sur ce projet avec Sarah. Cela a été épique et génial. J’ai pu tourner dans le hall du Casino de Paris grâce à Frédéric Jérome, un homme extraordinaire qui dirige cette salle. J’étais très contente du résultat et j’ai compris que pour le long métrage je préférais donner mon rôle à une actrice pour me consacrer uniquement à la réalisation.

Je me suis formée à la réalisation en faisant un stage au CEFPF où mon formateur était le chef opérateur Jean-Marc Selva, un homme incroyable, toujours bienveillant dans un accompagnement ludique.

Comme tous les artistes je repars de zéro à chaque nouveau projet et c’est vertigineux. Il faut toujours prouver qu’on est légitime. Si j’ai fait autant de projets différents, c’est parce que cela me rend heureuse. Car pour faire plaisir au public il faut que je sois moi-même heureuse là où je suis.

Est-ce que vous vous voyez un avenir possible en tant que meneuse de revue à la manière de Joséphine Baker, Mistinguett ou Zizi Jeanmaire ?

Carmen Maria Vega : Ces femmes avaient montré la voie mais musicalement je ne suis pas dans les années 1920/30. Depuis dix ans je réfléchis à un énorme projet de revue érotique où il y aura des danseurs qui seront bien mis en avant. C’est un spectacle où on va questionner l’érotisme et l’amour. L’érotisme c’est des corps qui se rencontrent mais  c’est des cœurs qui se retrouvent aussi. Le show se situe dans une esthétique dans la lignée de Madonna ou Janet Jackson. C’est un projet très avancé : toutes les chansons sont prêtes, la scénographie et les budgets sont faits. Les castings restent à faire et on veut aller chercher d’excellents performers à l’étranger. Sarah Gellé m’aide pour la direction artistique, la mise en scène et la production de ce spectacle mais elle a aussi ses propres projets. Pour cette revue je fantasme de pouvoir la faire au Casino de Paris mais je ne ferme aucune porte. C’est un budget énorme, c’est vertigineux.

Qu’est-ce qui vous a conduit à chanter Boris Vian ?

Carmen Maria Vega : J’ai adoré Boris Vian quand j’avais quinze ans grâce à Irène Jacquaz, une prof de collège qui avait à cœur de nous faire connaître le jazzman, le surréaliste et le musicien. J’avais adoré cette prof qui nous montrait qu’il n’y avait pas qu’une voie à suivre. C’est elle qui m’a mis à l’oreille « fais ce que tu veux ; arrête, recommence, repart, dans l’ordre que tu veux ». Je n’ai eu de cesse ensuite de rencontrer des gens comme ça.

Pour les chansons de Vian, j’ai découvert au collège « La java des bombes atomiques » et « Le défilé » qui sont des chansons ludiques que j’aime beaucoup mais que je n’ai jamais aimé chanter. Ce qui m’intéressait chez Boris c’était les chansons qu’il avaient faites pour Magali Noël ou Michèle Arnaud. Toutes ces chansons érotiques qui sont faites pour des femmes comme « Fais moi mal Johnny » ou « Vous marriez pas les filles » et aussi les chansons anti-militaristes comme « Le déserteur » ou « S’il pleuvait des larmes ».

J’ai fait ensuite une rencontre très importante, celle de Nicole Bertolt qui gère le patrimoine de Boris Vian. Je l’ai rencontrée parce que je participais au double album de Fred Palerm le leader du « Sacre du Tympan » qui a fait un double album sur Boris Vian en 2006. Après cette première rencontre avec Nicole, j’ai noué avec elle une relation forte et elle m’a ouvert la porte de la Cité Véron, la maison où habitait Boris Vian, une maison-musée où elle habite elle-même maintenant.

Boris y avait une terrasse commune avec Jacques Prévert avec qui il était très copain. Il y vivait avec Ursula Kübler qui est devenue une sorte de mère de substitution pour Nicole. Toute la famille Vian avait une grande confiance en Nicole et je ne connais pas quelqu’un qui gère un patrimoine avec autant de savoir, d’amour et de passion. Nos histoires se sont croisées. J’ai une émotion folle chaque fois que je la vois. Cette femme a été très importante pour moi et elle l’est toujours.

Comment êtes-vous arrivée à écrire vous-même des chansons ?

Carmen Maria Vega : J’ai écrit plein de chansons d’abord pour ce projet de revue mais pas seulement pour cela. Jusque-là cela ne m’intéressait pas. Mon livre c’était de la prose. Ecrire une chanson c’est de la poésie et c’est cette dynamique là qui me plaît avec la thématique de l’amour qui est, pour moi, au centre de tout. L’écriture des chansons est arrivée chaque fois grâce à l’amour, une déception amoureuse ou un amour naissant. Je ne sais pas écrire sur un autre sujet.

« De l’autre côté de la dune », la toute première chanson que j’ai écrite, est une déclaration d’amour au Cap Ferret, à la dune du Pilat et au bassin d’Arcachon où je vis depuis un petit moment dans une cabane cachée dans les pins, au bord de l’eau. C’est la première chanson sur laquelle j’ai composé texte et musique. Dans « Carmen Ultra » je chante « Je m’interdis de vous aimer » et « Mortel amour »,  deux chansons que j’ai écrites sur une musique d’Antoine Rault.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

  • Concerts : Maison Boris Vian avec Sanseverino. 6 Bis Cité Véron, 75018 Paris • 18ème. Dimanche 17 mars à 15h.

Les Trois Baudets, 75018, Paris. Le 26 avril 2024 à 20:00.

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