Musique. Skip The Use revient avec « Human Disorder ». Un album tour à tour sombre, lumineux et parcouru de sonorités éclectiques explosives, qui témoigne de l’état d’esprit du groupe rock qui a su se réinventer en pleine pandémie, tout en gardant ses fondamentaux. Un opus qui fait écho au «désordre humain » de cette étrange période de confinements et traduit les émotions ressenties par le combo nordiste, qui a su transformer les doutes et les questionnements en « énergie créatrice pour faire de l’art ». Rencontre avec Mat Bastard, leader du groupe qui s’apprête à repartir en tournée dès le 16 avril, avec plusieurs concerts très attendus au festival Solidays, le 25 juin, au Main Square le 3 juillet et au Bataclan le 26 novembre 2022.
Skip The Use : « les pieds dans le caniveau et la tête dans les étoiles »
Votre dernière tournée « Past & future » a été fauchée en plein succès en 2020, à cause de la pandémie. Comment avez vécu cette période où à la culture était soudainement considérée comme « non essentielle » …
Mat Bastard : Avant d’être musicien, j’ai travaillé pendant dix ans à l’hôpital en tant qu’infirmier. J’avais des potes qui étaient en première ligne, avec tout ce qu’ils vivaient et de l’autre, tous mes amis musiciens et acteurs culturels, qui se retrouvaient avec leur dans une situation catastrophique, à ne pas pouvoir nourrir leurs enfants.C’est cela qui a primé dans mon esprit, au-delà même de l’arrêt de la tournée. Avec la pandémie, on a vécu que des désillusions pendant deux ans, avec l’espoir que cela pourrait repartir.
“Human Disorder », ça été un moyen de positiver et de croire de nouveau en l’avenir?
Mat Bastard : « Human Disorder », c’est un concept album, où on a essayé de retranscrire toutes les émotions qu’on a vécu durant cette période. Ça été un moment très dur où on a dû se réinventer dans un contexte où on était seuls et coupés du monde. Pour la vie de groupe, c’était compliqué. Il y avait toutes sortes d’émotions qu’on a ensuite transformées en énergie créatrice pour faire de l’art.
Quels sont les thèmes que vous avez voulu aborder, à travers cet album ?
Mat Bastard : On a voulu traduire tous ces sentiments et se servir de tout ce qu’on avait en mains, musicalement et artistiquement. Il y a une chanson «Slaughter » qui parle du nombre de morts qu’on annonçait chaque jour à la télé. C’est un titre sombre et d’un autre côté, le disque est assez large dans ses thèmes. Avec le projet Skipe The Use, l’avantage c’est de ne pas avoir de borne, ni de barrière. On peut faire de « l’indus », de la pop ou une chanson légère comme « Dancing alone » qui évoque ces gens qui mettaient la musique à fond chez eux pour danser seuls.
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Il y a aussi le single très rock «Human Desorder », qui témoigne de ce monde où tout le monde a un avis sur tout…
Mat Bastard : Durant la pandémie, tout le monde était médecin, scientifique. Chacun de nous était déjà entraîneur de l’équipe de France de foot, on est devenu expert en tout et n’importe quoi (rires). Les réseaux n’ont pas aidé à comprendre les choses. Du coup, j’ai eu envie d’écrire ce titre, que je n’ai pas voulu plombant, parce que la situation par moment m’amusait. « Human Disorder », c’est une chanson sarcastique, cynique pour montrer qu’aujourd’hui bien souvent on ne fait qu’effleurer les choses, parce qui si on allait dans la profondeur des questionnements, on se rendrait compte qu’on n’y connaît rien.
Comment vous apparaît la société, qui est devenue un peu folle ?
Mat Bastard : Je crois surtout qu’on lui a donné des outils qui rendent fous. La solution pour l’améliorer serait d’avoir plus d’ouverture vers l’autre plutôt que d’être dans une compétition permanente et de penser que chacun a la vérité. Je crois qu’on en sortirai grandi.
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Vous citez ces mots inspirés d’Oscar Wilde « les pieds dans le caniveau et la tête dans les étoiles ». C’est un peu ça la devise de Skip The Use ?
Mat Bastard : On est un groupe de rock du Nord-Pas-de-Calais. On n’est pas de Paris et aujourd’hui il n’y a même plus de Victoire de la Musique du Rock…On est dans un pays qui a choisi par sa politique, ses lois, de sectoriser l’art et de le graduer sur le mode : telle chose est bien, l’autre non. Je trouve qu’il y a une vraie mise en avant de la médiocrité. Partant de là, en tant que groupe de rock, on sait bien qu’on ne sera pas dans les grands médias et qu’on sera toujours considéré comme « l’autre ». Mais ce n’est pas grave. Cela ne nous a pas empêché de faire de grandes choses et de nous épanouir. Cette phrase d’Oscar Wilde, définit bien notre groupe. C’est comme ça qu’on s’est construit et c’est cool.
Vous vivez à Los Angeles depuis quelques années. Pourquoi avoir voulu quitter la France ?
Mat Bastard : Pour le boulot. En France, je me produis avec mon groupe et aux Etats-Unis, je suis producteur et réalisateur d’albums. Ma femme travaille à L.A, du coup c’est plus pratique. Notre vie là-bas nous plaît. Ce sont deux cultures différentes. Il y a des trucs géniaux en France notamment en termes de respect de l’autre, au niveau du vivre ensemble. Il y a beaucoup moins de barrières communautaires. Mais, il y aussi des choses formables de l’autre côté de l’Atlantique, c’est pour ça que c’est intéressant d’avoir un pied de chaque côté. Cela permet de prendre du recul et de grandir.
Vous serez à partir du 16 avril. Prêt à de nouveau tout donner sur scène ?
Mat Bastard : A part quelques dates récemment, cela fait deux ans qu’on n’a pas vraiment tourné. Jouer plusieurs fois par semaine, enchaîner les concerts, c’est une façon de vivre qu’on adore. On a hâte de remonter sur scène, surtout avec « Human Disorder », l’abum qu’on a le plus abouti jusqu’ici, qui va nous permettre d’emmener les gens dans un voyage émotionnel très fort. On va pouvoir enfin retrouver le public. Skip the Use en tournée, c’est une vingtaine de personnes. On est très proches les uns des autres, on a besoin de cette famille. On va tous se retrouver, ça n’a pas de prix !
Entretien réalisé par Victor Hache
- Album « Human Disorder ». E.47 RECORDS. Tournée du 16 avril 2022 au 3 février 2023.