« Freud, la dernière confession » : duel verbal avec le père de la psychanalyse

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"Freud, la dernière séance" : À la fin de sa vie, Sigmund Freud (Anthony Hopkins, à gauche) reçoit chez lui à Londres le jeune écrivain C.S. Lewis (Matthew Goode) (©Condor Distribution).

Sortie cinéma/« Freud, la dernière séance ». Et Dieu dans tout ça? Quelques jours avant sa mort, Sigmund Freud, fondamentalement agnostique, débat de la question de la religion avec un jeune écrivain chrétien dans le film « FREUD, LA DERNIÈRE CONFESSION » (mercredi 4 juin sur les écrans), duel verbal parfois brillant et parfois rébarbatif, mais pas inintéressant.

« Freud, la dernière séance » : Tiré d’une pièce de théâtre, le film est un quasi huis clos sous forme de dernière séance psychanalytique

Londres, 3 septembre 1939, deux jours après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne d’Hitler. Sigmund Freud (Anthony Hopkins), 83 ans, qui a fui Vienne avec sa famille pour se réfugier dans la capitale britannique, reçoit chez lui C.S. Lewis (Matthew Goode), 40 ans, jeune universitaire et écrivain, chrétien convaincu.

Cancer de la mâchoire

Le fondateur de la psychanalyse moderne est mourant, atteint d’un cancer de la mâchoire qui l’emportera trois semaines plus tard. Fatigué, aigri, acariâtre, il a tout de même la force de discuter avec son invité.

C’est la question de l’existence de Dieu qui est au centre de la conversation: invention des hommes pour maintenir l’humanité dans un infantilisme psychique selon Freud, vérité historique et base de la société judéo-chrétienne selon Lewis.

« Freud, la dernière séance » : une joute verbale à fleurets plus ou moins mouchetés

Sexualité

En sirotant un whisky (avec quelques gouttes de morphine pour Freud), les deux intellectuels vont aussi parler de la mort, de l’écrivain J.R.R. Tolkien, du Bien et du Mal, des rapports entre parents et enfants, de sexualité –bien sûr– et d’homosexualité.

Dans cette joute verbale à fleurets plus ou moins mouchetés, Lewis qualifie Freud d’« égoïste », Freud le traite de « lâche ». Mais tous deux restent plus ou moins complices, malgré leur opposition fondamentale sur la question de la religion…

Tiré d’une pièce de théâtre

« Mon intention n’a jamais été de réaliser un film biographique », explique le réalisateur américain Matt Brown, dont c’est le troisième film. « Ce qui m’a attiré dans ce projet n’est pas tant Freud lui-même, ou sa stature de figure intellectuelle majeure, que la pertinence du film et les thèmes qu’il explore. Nous vivons à une époque de profonde polarisation, et j’ai vu dans ce sujet une occasion de mettre l’accent sur le dialogue ».



Tiré d’une pièce de théâtre, le film a comme titre original « Freud’s Last Session », ce qui reflète mieux le scénario de ce quasi huis clos sous forme de dernière séance psychanalytique, à la fois pour Freud et pour Lewis. De fréquents retours en arrière et la description de rêves éclairent les confessions de l’un et de l’autre: enfance, blessures morales diverses, choc post-traumatique pour Lewis (qui a fait la guerre de 14-18 dans l’infanterie).

Anna Freud, personnage important

Le tout baigne dans une atmosphère de déclenchement imminent de la Seconde guerre mondiale, avec comme important personnage secondaire Anna (1895-1982), la dernière des six enfants de Freud, psychanalyste elle aussi, entièrement dévouée à son père et dont l’homosexualité et la relation intime présumées avec Dorothy Burlingham, amie de la famille à Vienne et elle aussi réfugiée à Londres, sont évoquées.

Anna Freud est interprétée par l’actrice allemande Liv Lisa Fries, remarquée récemment dans la série télé babylon berlin. En faire-valoir de Freud, plus sympathique que lui, l’écrivain C.S. Lewis, futur auteur du Monde de Narnia (dans les années 1950), est joué par l’acteur britannique Matthew Goode, connu depuis le film de Woody Allen MATCH POINT (2005) avec Scarlett Johansson.

Citations faciles

Paroles, paroles, paroles: le film alterne les platitudes avec des citations faciles de Freud (« Ce que les gens me disent est bien moins intéressant que ce qu’ils me cachent »; « Je suis un incroyant passionné, obsédé par la foi et la religion »; « La mort est aussi injuste que la vie »; « D’erreur en erreur, on découvre l’entière vérité »; etc.) et des dialogues plus intéressants, plus profonds, plus universels.

Cette rencontre Freud-Lewis est une invention de cinéma: elle n’a jamais eu lieu, comme l’indique le dernier panneau explicatif en fin de film, après le résumé des existences des deux hommes: « Freud a rencontré un jeune professeur d’Oxford peu avant sa mort. Nous ne saurons jamais si c’était C.S. Lewis ».

Fils de psychiatre, le réalisateur a voulu par cet exercice intellectuel rendre hommage aux vertus des échanges de points de vue et à la force des dialogues de haut niveau: « Je regrette que les gens ne puissent avoir aujourd’hui des conversations aussi essentielles, favorisant une plus grande tolérance et un respect mutuel. C’est ce qui m’a réellement attiré dans ce projet », dit-il. « Ce film traite, à bien des égards, de la tolérance. Du fait d’accepter que certains ne partagent pas les mêmes croyances que nous, et de considérer que c’est normal ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « À mon âge glorieux, je suis reconnaissant de ne pas vivre pour voir un autre Adolf Hitler. Dieu soit loué » (Freud).


  • « FREUD, LA DERNIÈRE CONFESSION«  (« Freud’s Last Session ») (États-Unis/Grande-Bretagne/Irlande, 1h50). Réalisation: Matt Brown. Avec Anthony Hopkins, Matthew Goode, Liv Lisa Fries (Sortie 4 juin 2025)
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