Exposition/« Le mystère Cléopâtre ». Jusqu’au 11 janvier 2026, l’Institut du Monde Arabe propose une exposition fascinante autour d’une figure aussi historique que mythique : Cléopâtre VII, dernière reine d’Égypte. À travers plus de 350 œuvres venues de grandes collections internationales — sculptures antiques, bijoux, papyrus, tableaux, costumes de cinéma ou projections multimédia — « Le Mystère Cléopâtre » interroge la construction d’un mythe féminin universel, entre pouvoir, propagande et fantasme.
Parfois, une exposition ne se contente pas de nous montrer des œuvres. Elle nous regarde. Elle nous interroge. Et surtout, elle nous touche. C’est le cas de « Le Mystère Cléopâtre », présentée à l’Institut du Monde Arabe à Paris jusqu’au 11 janvier 2026. Une plongée vertigineuse dans les mille visages d’une femme dont l’histoire, deux mille ans après sa mort, continue de se réinventer.
Cléopâtre, au-delà du cliché
Il est difficile de parler de Cléopâtre sans convoquer d’emblée les images qui nous hantent depuis l’enfance : le trait de khôl, les drapés dorés, les regards incendiaires d’Elizabeth Taylor. Et pourtant, derrière le costume de star, il y a une femme – une vraie. L’exposition commence par là, par ce que l’on sait réellement d’elle : quelques pièces de monnaie à son effigie, quelques papyrus où son nom apparaît peut-être de sa main. Peu, très peu. Et pourtant, déjà beaucoup. Car ces objets rares disent une chose essentielle : Cléopâtre a existé, et elle fut tout sauf un fantasme.
Elle fut reine. Stratège. Réformatrice. Elle a gouverné un empire au bord du précipice, joué la carte romaine avec une audace incroyable, imposé la paix à son peuple pendant deux décennies. Cette Cléopâtre-là n’a rien d’une séductrice passive : c’est une femme d’action, une femme de tête. Et c’est peut-être pour cela qu’elle dérange encore.
Une femme, mille reflets
L’exposition déroule ensuite ce qui relève presque du roman : la manière dont le mythe s’est forgé, déformé, multiplié, au fil des siècles. Les Romains l’ont diabolisée – il fallait bien justifier sa défaite. Les poètes, peintres, sculpteurs et dramaturges européens l’ont tour à tour rêvée en Ève déchue, en Vénus orientale, en héroïne tragique. Plus tard, le cinéma s’en empare. Et Cléopâtre devient spectacle.
Chaque époque a projeté sur elle ses propres obsessions. À travers des œuvres somptueuses – peintures, bijoux, costumes, gravures, affiches de films –, l’exposition tisse un récit d’images où Cléopâtre est à la fois le sujet et le miroir de nos imaginaires. On la regarde, mais elle nous regarde aussi.
Pourquoi y aller ? Pour se laisser surprendre
On sort de l’exposition avec une forme de vertige. Parce qu’on y touche du doigt quelque chose de rare : la construction d’un mythe au féminin, une icône avec tout ce que cela implique de désir, de peur, de pouvoir et de projections. Ce que l’on appelle « mystère Cléopâtre », ce n’est pas seulement ce que l’on ignore d’elle – c’est surtout ce que nous avons voulu voir à sa place.
Victor Hache
- Exposition « Le Mystère Cléopâtre ». Jusqu’au 11 janvier 2026 à l’Institut du Monde Arabe. 1, rue des Fossés Saint-Bernard, Place Mohammed V, 75236 Paris 5e.