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Raphaël sera au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris du 17 au 27 mars, où il dévoilera sa création "Bande Magnétique" (photo) Mathieu César

Interview. Raphaël revient avec un nouveau spectacle créé à Scènes du Golfe à Vannes (Morbihan), où il se produira le 27 avril. Le chanteur y a passé plusieurs jours en résidence, à peaufiner « Bande Magnétique », une création originale à la forme théâtrale. Un concert où il s’accompagne au piano et à la guitare, qu’il va dévoiler au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, où il jouera durant dix soirs d’affilée du 17 au 27 mars. L’occasion pour We Culte d’aller à la rencontre de l’artiste qui a de plus en plus envie de s’affranchir des codes traditionnels du concert afin d’être aussi libre que dans ses albums.


Raphaël : « la scène est un endroit où la poésie existe encore »


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Raphaël : « Le Théâtre des Bouffes du Nord, un endroit que j’adore, qui est comme une sorte d’éblouissement depuis l’enfance »

Vous venez de passer dix jours en résidence de répétition à Vannes dans cette Bretagne où vous aimez séjourner régulièrement, notamment sur l’île de Bréhat. Une ville que vous connaissiez ?

Raphaël : Je connais un peu le Golfe du Morbihan et la Trinité-sur-Mer, où je passais mes vacances quand j’étais petit. Des amis de mes parents y avaient une maison. C’était les Caradec, de grands marins très sympas qui nous invitaient et on passait du temps là-bas. C’était très beau. De temps en temps, on naviguait vers Belle-Ile, c’était magnifique. Ce sont de grands souvenirs. Pendant longtemps, j’ai eu un bateau en Méditerranée, à Toulon. Et à Bréhat, j’ai un petit bateau à moteur, comme une barque, pour aller chercher les copains.

A quoi doit-on s’attendre pour votre nouveau spectacle « Bande magnétique », qui promet d’être assez particulier ?

Raphaël : L’origine de ce spectacle est née d’une rencontre avec Olivier Poubelle qui dirige Astérios et les Bouffes du Nord et l’envie de jouer dans cette salle. Un endroit que j’adore, qui est comme une sorte d’éblouissement depuis l’enfance. La salle m’a toujours  impressionné, ce théâtre brulé, où j’ai vu « La Tempête » de Peter Brook. J’avais 14-15 ans et je me disais « ça peut être ça aussi le théâtre ». C’est un truc tellement puissant, que j’en ai été ébloui. J’avais envie de me produire dans cet endroit. Cela fait 22 ans que je chante, j’ai dû faire 400 ou 500 concerts, les Francofolies, les Vieilles Charrues…A chaque fois, c’est merveilleux. J’en avais un peu marre de cette géographie, sous forme d’un groupe de rock. J’avais besoin d’autre chose, d’avoir une autre approche de la musique. L’idée d’être comme dans un home studio au début, avec des bandes qui pourraient tourner, j’ai pensé que cela pouvait être intéressant. Faire tourner des lambeaux de bandes et moi jouer au piano ou chanter par-dessus… Ensuite, on a cherché à articuler en créant comme une cabine de prise de son, avec ingénieur du son, qui pourrait faire circuler toutes ces chansons et peut-être raconter quelque chose autour.



Peut-on parler d’un concert de par sa forme théâtrale ?

Raphaël : C’est quand même un concert, avec  19 chansons. Il y a l’intensité du concert dés le début et au bout d’un moment, il y a un type qui arrive sur scène qui dit « on le refait, ça ne va pas du tout ! ». Il commence à diriger la séance, mais d’une manière anarchique. Il veut me faire traverser quelque chose, il a un but… Il y a quelques chansons de mon dernier album « Haute Fidélité », mais il y en davantage de « Caravane ». Ce sont des chansons de toutes les époques et aussi une manière de les faire circuler, les unifier, de les regarder avec tendresse.

Comment envisagez-vous votre métier de chanteur aujourd’hui ?

Raphaël : Le spectacle parle de ça, de ce qu’est un chanteur, de ce que les chansons représentent pour les gens. Mon métier, c’est le cœur de ce que je suis. C’est mon premier amour, là où je reviendrai toujours. Dans le spectacle, je chante, je joue du piano, de la guitare, je parle de mes chansons, je me justifie même ! (rires). A un moment, il y a un pianiste virtuose qui vient sur scène, mais en dehors de cela, je suis seul pendant les trois quarts du spectacle. Il y a aussi une performance.

Vous dites que « Haute Fidélité» est votre album le plus autobiographique. Que dit-il de vous que vous n’aviez encore jamais révélé ?

Raphaël : Souvent je suis un peu exalté quand je suis dans le sortie d’un disque. Je l’aime beaucoup cet album. Après, c’est un chemin. Dans celui d’avant «Anticyclone », il y avait plein de trucs très personnels, «Somnambule » avec les gosses, également. Là, dans ce spectacle, je chante des chansons de « Caravane », qui résonnent. Je m’aperçois qu’il y a une grande continuité dans tous ces disques, qui paraissent décousus parce qu’ils ont des arrangements et des productions très différentes. Je dirais qu’il y a des thématiques, un sentiment, un truc de l’absurde, l’idée de la vanité des choses, le fait qu’on est là durant très peu de temps et aussi une sensation de mystère, qui reviennent beaucoup et peut-être qu’on en prend conscience dans ce spectacle.

Brouiller les pistes comme vous aimez le faire parfois, c’est une manière d’échapper à la chanson formatée?

Raphaël : Cela fait longtemps que je m’en suis échappé de la  chanson formatée. Je ne brouille pas les pistes, j’ai juste envie de m’éclater, de faire de belles chansons et maintenant de très beaux spectacles. J’ai l’impression que je faisais des disques très libres et souvent, je faisais des spectacles plus convenus, classiques. Là, j’ai envie que les spectacles soient aussi libres que les disques, voire plus. C’est un endroit où on peut vivre libéré du diktat des trois radios qui font qu’un truc marche ou pas. Pitié, sortons de ça ! J’ai 46 ans, je ne peux pas attendre quelque chose d’un programmateur de NRJ. Ça n’a pas de sens. Je dis cela d’autant plus facilement, qu’ils m’ont très rarement passé Il faut se libérer de cela.

Est-ce facile aujourd’hui d’être libre quand on est artiste?
Raphaël : Je pense que c’est possible, même si c’est difficile. Mais, c’est ça qui est intéressant. Si c’est avoir du succès et faire des choses formatées, cela ne m’intéresse pas. Quand j’ai eu un très grand succès et que je faisais Bercy, j’ai voulu immédiatement m’en échapper pour faire autre chose. Juste après cette tournée, j’ai fait ce disque « Pacifique ». Je suis sûr qu’on peut faire des choses populaires et très belles en étant exigeant. Ce n’est pas incompatible. Je pense tout simplement qu’arriver à faire quelque chose qui est à la fois un succès critique et un succès public, ça arrive très peu dans une vie. Il y a une phrase de Tchekhov dans « Oncle Vania »  que je trouve très belle : « ce qui compte c’est d’endurer », de continuer d’être habité.  Le succès c’est toujours un mystère, on ne sait pas pourquoi tout d’un coup ça marche et pourquoi les gens s’emparent d’une chanson. C’est toute beauté de la chose.



Ecrire des livres, c’est une continuité ou une évasion supplémentaire ?

Raphaël : C’est une passion. Je ne dirai pas que je cherche à échapper au réel, qui correspond beaucoup aux choses de la création, à la vie des rêves. Je trouve que tout cela est assez mêlé. J’aime vivre dans les deux. Ce spectacle raconte ça aussi. Les chansons, ce n’est pas des nouvelles, mais c’est comme une pièce de théâtre avec des personnages qui dialoguent, une mise en abyme. Cela fait la jonction entre les deux, je dirais que c’est un peu la même chose.

Il y a un chanteur qui menait comme ça une carrière originale, c’est Christophe. Qu’aimez-vous de lui, de son univers?

Raphaël : Il était très libre. J’adorais Christophe. Je l’ai rencontré quand je faisais mon disque « Super Welter », je l’avais invité à chanter avec moi aux Nuits de Fourvière. On avait passé un week-end absolument extra. Ensuite on est resté proches, même si ce n’était pas un ami intime, on a fait du bateau ensemble…. Dans la musique, j’ai peu de copains. Aujourd’hui, j’ai le chanteur de Feu ! Chatterton, Clara Luciani…sinon je ne vois personne. Je pense que Christophe aurait  aimé mon concert, il y a des images qui lui auraient plu. Après, c’est assez différent, parce qu’il y a une narration, des dialogues. Je ne crois pas qu’il ait fait cela. Je suis très excité et heureux de pouvoir remonter avec ce spectacle, où il y a une grande part de liberté. On va voir ce qu’il va susciter comme émotion. J’espère qu’il va plaire ! (rires).

Que représente pour vous la chanson, dont vous dites qu’elle est le moyen d’expression idéal de l’amour?

Raphaël : Je trouve ça magnifique. C’est un des plus beaux métiers au monde. Il est aujourd’hui un peu perdu dans du boucan, du vacarme, des modes d’expression que je ne comprends pas forcément. C’est merveilleux de pouvoir être sur scène. C’est quand même l’endroit où c’est magique d’interpréter des textes qu’on a écrits. C’est une manière de chanter de la poésie, parce que c’est quand même cela le plus clair de la chose. Ce sont des mots simples qui peuvent avoir quelque chose de l’ordre de la poésie. La scène, c’est un endroit de liberté, là où la poésie existe encore, sinon les livres de poésie NRF, personne je crois, ne les lis. La chanson, c’est ma vie, mon premier amour. J’adore écrire des livres, mais si quelque chose ne va pas, je me mets à mon piano, à chanter pendant une heure et après je me sens mieux.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • A voir : « Bande magnétique », une création de et par Raphaël. Du 17 au 27 mars, Théâtre des Bouffes du Nord… 37 Bis, Bd De La Chapelle 75010 Paris

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