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Le peintre Gérard Garouste. Photo Bertrand Huet

Livre. Graveur, sculpteur et surtout peintre, Gérard Garouste fait doublement l’actualité. Avec un passionnant livre d’entretien : « Vraiment peindre  » et une exposition dans une galerie parisienne : « Correspondances. Gérard Garouste- Marc-Alain Ouaknin ». Portrait d’un homme élégant qui crie haut et fort : « L’art m’a sauvé »…

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Le peintre Gérard Garouste. Photo Bertrand Huet

En cet hiver finissant, en ce printemps naissant, il pratique la double présence. Avec élégance, toujours. Un livre- « Vraiment peindre », une exposition parisienne-  » Correspondances ». C’est Gérard Garouste , 75 ans depuis le 10 mars passé; on le connait graveur, sculpteur et surtout peintre. On le connait aussi pour avoir confié un jour, dans un bel ouvrage joliment titré « En chemin » : « Je dessine ce qui me passe par la tête, cela vient naturellement en dehors de tout contrôle intellectuel, c’est une quête de plaisir. Tout ce qu’il y a de bon dans mes dessins, c’est ce qui n’a pas été décidé. Le dessin est là. Le principe, c’est de ne pas avoir de règle, sauf celle de ne pas perdre mon carnet que j’ouvre à chaque fois qu’une idée me traverse l’esprit ». Gérard Garouste, c’est « l’intranquille »– titre de son livre-confidences autobiographiques paru en 2009.

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Gérard Garouste – Kafka. Crédit : Courtesy Galerie Templon, Paris-Brussels

Dans « Vraiment peindre », le passionnant livre-entretien qu’il signe avec Catherine Grenier (historienne de l’art, conservatrice générale et aussi directrice de la Fondation Giacometti à Paris), il explique qu’à ses débuts dans la vie, à l’enfance et à l’adolescence, il était « plutôt timide et très complexé ». L’école, ce n’était pas trop son affaire, dyslexique qu’il était, avec des difficultés pour l’écriture et la lecture. Mais il y avait le dessin, « je dessinais des fourmilières, j’inventais ce qui se passait dans les fourmilières (…) Je faisais des dessins très grands, avec les couloirs, les tunnels, l’endroit où la reine pond ses œufs.. » Avec son père, ils font un « cadavre exquis » : « on plie un papier en accordéon chacun fait un bout de dessin et quand on déplie on obtient un dessin étrange. Je dessinais tout le temps, n’importe quoi… vers l’âge de 12 ans, pour la fête des Mères, c’est moi qui avait fait quasiment tous les dessins pour mes copains. Pour une fois, j’avais provoqué l’admiration de ma maîtresse et de ma classe »

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Gérard Garouste-Dora Diamond. Crédit : Courtesy Galerie Templon, Paris-Brussels

Il a grandi à Bourg-la-Reine, proche banlieue de l’ouest parisien, dans un pavillon- « j’avais ma propre chambre, c’était important ». Il confie aussi que ses parents n’appréciaient pas l’art, « mais comme chez tous les petits-bourgeois il y avait des tableaux sur les murs, de la figuration »Un père très violent, « au moins une fois par semaine », une mère qui pleure mais qui, quand son fils lui dit « Divorce », répond « C’est trop tard ». Il y aura aussi l’école chez les Jésuites. Et puis, cinglante, la révélation : pendant la Deuxième Guerre mondiale, le père a fricoté avec l’occupant allemandGérard Garouste n’a toujours pas compris comment ce père, modeste livreur de profession, avait pu acquérir une boutique- avec quel argent ? Le père, antisémite et pétainiste convaincu, condamné le 25 juin 1945 à rembourser les établissements Lévitan qu’il avait spoliés en 1943, durant la guerre. Viendra le temps d’une vraie remise en question- secrets de famille, séjours en HP pour délires psychiatriques et troubles mentaux- Gérard Garouste voit dans cette histoire familiale l’origine de ses troubles. Dans un entretien accordé dans la foulée de la parution de « L’Intranquille », il confie : « Le langage est au cœur de ma vie. La peinture, ce n’est pas mon premier choix. J’aurais préféré être musicien- les notes ne sont d’ailleurs pas très loin du langage. Mais je n’étais pas doué dans cette discipline. Quand j’étais gamin, la peinture était la seule chose que je savais faire ». Et d’ajouter : « C’est l’art qui m’a sauvé ! » puis de citer les mots de Jean Cocteau (1889- 1963) : « L’art est absolument nécessaire mais nul ne sait pourquoi ». Dans les premières années 1980, il acquiert une belle réputation en pratiquant une peinture résolument figurative. Ce sera une vie entremêlée à l’art…

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Gérard Garouste – La martre et l’écureuil. Crédit : Courtesy Galerie Templon, Paris-Brussels

Il y a les mots de Gérard Garouste« J’ai failli sombrer… Mes psychanalyses m’ont conduit à la philosophie… à l’idée de reprendre les choses à l’origine, à la source ».  » L’intranquille » laisse planer sa voix douce, confie parfois qu’il a encore son « doudou » de l’enfance, ce petit chien en carré à qui il manque une patte. Il y a La Source, une association qu’il a créée en 1981 à La Guéroulde (Eure) et qui aide des enfants et des jeunes issus de milieux défavorisés, voire en situation d’exclusion, à s’épanouir en participant à des ateliers animés par des artistes professionnels. Gérard Garouste, juste quelqu’un de bien… Et puis, il y a l’œuvre, avec ce credo définitif : « Trois bras, quatre jambes, tout est possible ». Une œuvre avec des toiles ensorcelantes et aussi des réalisations, telles des décors pour le Palais de l’Elysée parisien, des sculptures de la cathédrale d’Evry (Essonne), le plafond du Théâtre de Namur, une fresque pour la salle des mariages de l’hôtel de ville de Mons, les vitraux de l’église Notre-Dame de Talant (Côte-d’Or) ou encore, en 1989, le rideau de scène du Théâtre du Châtelet à Paris. Une œuvre follement magnifique. Furieusement disturbée. Délicieusement inspirée par le Tintoret, le Greco, Marcel Duchamp, Zurbarán, Manet, De Chirico, Franz Kafka (« le Kafka secret qui avait des amis kabbalistes. Son initiation à la Kabbale fait d’ailleurs qu’il a écrit ces romans, qualifiés à la va-vite de « surréalistes ». Qu’est-ce qu’il y a derrière ces romans inachevés, qui défient la compréhension, avec ces rendez-vous ratés qui n’arrivent jamais ? ») ou encore le Talmud.

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Gérard Garouste – Triptyque

Converti au judaïsme« Je ne peux pas réparer ce dont je ne suis pas responsable, mais finalement l’antisémitisme de mon père m’a provoqué. Il m’a permis de chercher à transmettre autre chose… », il veut simplement « vraiment peindre » et raconter des histoires sur toile et réaliser « le grand œuvre drolatique » avec écureuil, martre, oie grasse, Kafka, Dora Diamond ou encore le talmudiste, ce qui donnera « Le Banquet »– un étourdissant triptyque. Et c’est ainsi que, membre de l’Académie des Beaux-Arts depuis 2017 et  » vraiment peintre « , Gérard Garouste est à jamais « intranquille »

couverture gerard garouste peindre vraiment Serge Bressan

  • A lire : « Vraiment peindre » de Gérard Garouste et Catherine Grenier. Seuil, 162 pages, 20 €
  • A voir : « Correspondances (Gérard Garouste- Marc-Alain Ouaknin) ». Galerie Templon, 28 rue du Grenier Saint-Lazare, Paris (3e). 01 85 76 55 55. www.templon.com Du 25 mars au 22 mai 2021. Du Mardi au samedi, de 10 h à 19 h.

EXTRAIT

  « Je n’ai jamais eu de plan de carrière. Si j’avais commencé à choisir mes sujets par rapport au public, ça aurait été un plan de carrière. Je ne suis pas fait pour traiter d’autres sujets que ceux que j’aborde, j’aime trop mes sujets pour les laisser de côté. Derrière « La Divine Comédie », il y a toute une mystique que j’aime beaucoup. Mais Dante avait ce côté mystique tout en étant populaire. Et c’est de la poésie, le début est tellement beau… Je sui suis pas poète, je suis peintre. Ça donne des tableaux dans lesquels je rentre au cœur de mon sujet, si obscur soit-il ».

 

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