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Gautier Capuçon fête ses 40 ans et ses 20 ans de collaboration avec la maison de disques Warner Classics, avec la sortie d'un triple album "Souvenirs" (photo) J-Bort-Warner

Interview. Gautier Capuçon est l’un de nos plus grands musiciens. Violoncelliste d’excellence au talent mondialement reconnu, il célèbre aujourd’hui ses 40 ans et ses 20 ans de collaboration avec la maison de disques Warner Classics, avec la sortie de « Souvenirs ». Un coffret de trois albums regroupant des inédits et deux « best of » où il interprète Bach, Kodály, Dutilleux, Saint-Saëns, Fauré, Haydn, Beethoven, Schubert, Chostakovitch… Un enregistrement exceptionnel profondément sensible, romantique et moderne où se révèle son jeu intense, qu’il dévoilera à la Philharmonie de Paris le 23 novembre, son premier concert parisien, et les 1er et 2 décembre, après des mois de confinement. Rencontre avec un artiste qui vibre de tout son être pour le violoncelle qu’il aime emporter partout, des salles les plus prestigieuses jusqu’au sommet de la Tour Eiffel. Sa manière de populariser la musique classique.


Gautier Capuçon : « Le violoncelle a été un coup de foudre immédiat »


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Gautier Capuçon : « Cet instrument qu’on enlace, ses cordes graves qu’on sent résonner à l’intérieur du corps, c’est une sensation extraordinaire » (photo) J-Bort-Warner

Vous fêtez vos 40 ans avec un nouvel album que vous avez baptisé « Souvenirs ». N’est-ce pas un peu tôt pour regarder le chemin parcouru ?

Gautier Capuçon : Ce n’était pas le but. C’est vrai que j’avais envie de faire un album un peu particulier pour l’année de mes 40 ans. Je fonctionne vraiment par désir, sans calcul. Au début, je voulais fêter ça avec les copains et j’ai repensé à ces 20 ans de collaboration avec Warner Classics et à ce programme que je donnais quand j’avais 20 ans. Je venais de remporter le concours de violoncelle André Navarra en 1997, une période où je faisais beaucoup de récitals pour violoncelle seul. Je trouve que c’était une belle occasion, même si ça paraît un peu fou. J’ai enregistré en novembre dernier, pendant le deuxième confinement. C’est un cadeau intense que je me fais, parce que c’est un programme qui est vraiment énorme. Ce n’est pas histoire d’être prétentieux et de retracer sa vie. C’est pour partager ces «souvenirs» et mes coups de cœurs des 20 dernières années qui retracent cette aventure discographique.

Avec dans livret, des photos de vous qui témoignent de votre passion pour le cheval, la moto…

Gautier Capuçon : J’avais envie de partager ces souvenirs d’enfance. Personne ne sait que j’ai fait du cheval, mais c’est vrai que ces années où j’étais cavalier, c’était formidable. Le relation avec le cheval, c’est quelque chose que j’ai toujours ressenti très fort et dès que j’en ai l’occasion, j’aime remonter. La moto, c’est pareil. Je l’ai achetée quand j’avais 18 ans. Elle est chez mes parents en Savoie. J’en fait deux fois par an, je me balade sur les petites routes de montagne très lentement. Ces madeleines de Proust, c’est vraiment pour illustrer ces moments qui étaient importants pour moi.

Vous avez commencé  à jouer du violoncelle à l’âge de 4 ans et demi. Vous auriez pu tout aussi bien choisir le violon comme votre frère aîné Renaud Capuçon, ou encore le piano. Comment expliquer votre attirance pour cet instrument ?

Gautier Capuçon : A 4 ans et demi, on ressent les choses très fort. Un enfant ne peut pas mentir avec ses sensations. Mes parents m’ont d’abord donné un violon et m’ont raconté l’histoire. J’en ai joué pendant un mois et je n’en ai absolument aucun souvenir. Visiblement, je n’aimais pas à ça. Comme ma sœur aînée jouait du piano, mon frère aîné du violon, mes parents se sont dit : «on va lui donner un violoncelle». Je me souviens vraiment, d’un point de vue sensation, de ce premier violoncelle. Les sons étaient évidemment ceux d’un débutant. Mais cet instrument qu’on enlace, ses cordes graves qu’on sent résonner à l’intérieur du corps, c’est fascinant, une sensation extraordinaire. Le violoncelle a été un coup de foudre immédiat.



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Gautier Capuçon. (photo) J-Bort-Warner

Vous dites d’ailleurs qu’il est à la fois « terrien et céleste ».

Gautier Caupuçon : Je prêche pour ma paroisse évidemment, mais je pense que c’est un instrument qui a vraiment tout. Dans le registre, on a les graves, les aigus. Historiquement, le violoncelle était l’instrument accompagnateur, c’était la basse continue. Il est devenu avec d’immenses violoncellistes, au premier rang desquels Pablo Casals, cet instrument soliste. Il est le plus proche de la voix humaine, un instrument qui chante par excellence. Je parle de la terre et de son côté céleste, parce qu’il a la forme d’un corps humain, l’instrument et l’instrumentiste ne font qu’un. L’archet, c’est le prolongement des bras, il est ancré dans le sol et il part vers le ciel. Ça, mine de rien, c’est très important. C’est un instrument qui parle en permanence.

Vous parlez de Pablo Casals. C’est un modèle absolu pour vous ?

Gautier Capuçon : J’ai plein de modèles. On la chance d’avoir une masse de documents qui soient sonores ou visuels avec tellement de grands musiciens. Pablo Casals évidemment, était un artiste extraordinaire. C’était un humaniste, un ambassadeur de paix. C’est difficile de dissocier les deux. Je pense qu’il était ce musicien parce qu’il était aussi cet homme-là. Son histoire et sa musique me touchent, c’est un tout. La musique est un ambassadeur de paix. Elle n’a pas de langue, de religion, de couleur de peau, de statut social. Je crois que plus que jamais aujourd’hui, on en a besoin.

Pour la sortie de «Souvenirs», vous avez souhaitez donner la parole à vos professeurs du Conservatoire de Chambéry quand vous étiez enfant et du Conservatoire de Paris. Diriez-vous que sans eux vous ne seriez pas devenu le musicien que vous êtes aujourd’hui ?

Gautier Capuçon : Bien évidemment. Encore une fois c’est un tout, l’alchimie de tant de paramètres. Je suis là grâce à eux. C’est pour ça que j’ai eu envie de leur donner la parole, à tous les quatre (Augustin Lefebvre, Gilles Goubain, Annie Zackine-Cochet, Philippe Muller), malheureusement Heinrich Schiff, mon dernier professeur est décédé. C’est un beau souvenir pour moi de se remémorer tous ces moments. On est toujours en contact. C’est quelque chose de très important, ils font partie de ma vie. Sans eux, je n’en serais pas là aujourd’hui. Ils m’ont donné tant d’énergie, de patience, de conseils, tout en me laissant m’ouvrir avec ma personnalité. Ils sont tous arrivés dans ma vie au bon moment, là où j’avais besoin d’eux, de leurs compétences extraordinaires, de leur expérience et de leur pédagogie. Je sais que c’est un immense privilège, je leur dois tellement.

Vous-même, vous êtes professeur. La transmission, c’est quelque chose d’essentiel ?

Gautier Capuçon : C’est primordial et cela commence tout gamin. C’est pour ça aussi que je suis ambassadeur de l’association «Orchestre à l’école» parce que je sais à quel point il est important et plus que jamais aujourd’hui, d’apporter la musique à l’école, dans l’éducation. «Orchestre  à l’école», c’est 42 000 enfants, un chiffre significatif, mais c’est trop peu. Le travail de cette association est extraordinaire, extrêmement sérieux. J’ai eu plus de 200 gamins lors de ma tournée «Un été en France». Je vois des classes avec des enfants dans des situations difficiles, ce qu’ils vivent avec la musique est tellement fort. Quand vous avez un enfant qui vous dit «quand je prends mon instrument, j’oublie tous mes problèmes», on sent que ce ne sont pas les problèmes que vous et moi on peut rencontrer. C’est là qu’on prend conscience à quel point la musique et l’art sont importants pour exprimer ses émotions, pour rêver et partager cela avec les petits camarades.

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Gautier Capuçon : « J’aime emmener mon violoncelle partout. La musique classique a besoin d’être démocratisée » (photo) J-Bort-Warner

Vous dirigez une «classe d’excellence» à la Fondation Louis Vuitton, vous faites partie du jury dans l’émission de télévision «Prodiges» sur France 2…, vous animez une émission sur Radio Classique. Faut-il voir dans votre démarche une volonté de populariser la musique classique ?

Gautier Capuçon : C’est plusieurs choses. J’aime explorer. Est-ce que c’est lié à mon admiration pour Maurice Bacquet (violoncelliste, acteur, sportif, humoriste…) qui était un aventurier dans tous les sens du terme, ou moi qui suis comme ça ? Je n’en sais rien. En tout cas, j’aime emmener mon violoncelle partout. La musique classique a besoin d’être démocratisée. Elle doit être amenée au grand public qui ne va pas forcément pousser la porte d’une grande salle de concert, parce la musique classique a encore cette image de musique savante qui n’est pas accessible à tous. Je pense que cela passe aussi par des champs un peu différents. J’apprends énormément à parler au public, de diverses manières.

Comme le fait de jouer à 3500 mètres au sommet d’une montage enneigée ou sur la Tour Eiffel, où vous a vu interpréter « Le Cygne » de Saint-Saëns et « l’Hymne à l’amour » de Piaf ?

Gautier Capuçon : J’adore l’aventure. Plus c’est fou, plus j’aime ! (rires). J’adore faire des choses folles comme de jouer au sommet d’une montagne. L’adrénaline est facteur d’émotion. Jouer sur la Tour Eiffel, c’était un rêve de gamin. Il y a plein de choses que j’ai envie de faire. J’adore me réveiller le matin, parce que j’ai mille projets que j’ai la chance parfois de réaliser ! Cela ne plaît pas forcément à tout le monde. Mais en tout cas, il faut se faire plaisir et faire plaisir. Cette période Covid a été très difficile, en particulier pour les jeunes artistes et il faut vraiment les aider. On a tous pris conscience qu’une salle de concert sans artistes ne vit pas et les artistes ont réalisé que sans public, une salle de concert n’existe pas. On a besoin de cette relation. Pendant un an et demi, on a pu inventer mille et une choses pour pouvoir se retrouver et être ensemble, qui ont permis de bouger les lignes. J’espère qu’on ne va pas retomber dans un format trop établi et trop formel et laisser plus de liberté.

Vous serez bientôt sur scène, à l’Abbaye de Saint-Riquier (Baise de Somme) le 24 octobre et à la Philharmonie de Paris le 23 novembre et 1er et 2 décembre. Heureux de pouvoir retrouver le public ?

Gautier Capuçon : C’est une joie et une énergie tellement extraordinaire que l’on ressent. C’est un privilège de vivre tous ces moments ensemble et de remettre la musique au centre. Cet été, j’ai eu la chance de faire 17 concerts en France, dans un contexte différent puisque c’était des scènes extérieures, où l’on a eu plus de 15 000 personnes. Récemment à Vienne, j’ai pris une claque de bonheur en rentrant sur scène. C’est la première fois que je revoyais une salle absolument comble. Pendant cette période, j’ai eu 95% de mes concerts annulés. A la Philharmonie, ce sera mon premier concert parisien, j’ai vraiment hâte !

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Album «Souvenirs» de Gautier Capuçon. Erato/Warner Classics
  • Concerts : Abbaye de Saint-Riquier (Baise de Somme) le 24 octobre et à la Philharmonie de Paris le 23 novembre et 1er et 2 décembre

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