renaud putain d'expo
Renaud. Prise de vue pour l’album "À la Belle de mai", 1993 © Thierry Rajic

Exposition. En quarante-cinq ans de carrière, Renaud a été de toutes les causes souvent défendues par la gauche des années 1980. Alors que s’ouvre aujourd’hui la « Putain d’expo! » qui lui est consacrée à la Cité de la Musique/Philharmonie de Paris, retour sur les combats et les engagements du chanteur humaniste qui a pris position sur les sujets les plus variés, pour mieux dénoncer le système et ses injustices.

renaud putain d'expoLongtemps, cela a beaucoup amusé Renaud d’être le chanteur « énervant » dont les mots dérangent. Renaud le rebelle, les voyait comme le porte-étendard d’une chanson provocatrice qui n’avait de cesse de vouloir secouer le cocotier d’une époque qu’il trouvait trop conservatrice.

Nous sommes en 1975, Valéry Giscard d’Estaing est au pouvoir. Lui, cheveux longs, casquette de gavroche et bandana autour du cou, chante déjà « Société tu m’auras pas » ainsi que « J’veux que mes chansons soient des caresses ou bien des poings dans la gueule ». Les paroles de « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? » résument bien la philosophie de celui qui peut être tour à tour tendre ou « teigneux comme un chien ». Renaud a envie d’en découdre et n’entend être ni récupéré et encore moins se taire. Antimilitariste, antiflics, du moins à ses débuts, il tire sur tout ce qui bouge, la république des conformistes, des nantis, la police, la Marseillaise, « la lutte des crasses ». Son mot d’ordre est alors « Mort aux cons ! » que le chanteur au perfecto noir a gravé dans la cage d’escaliers de son blême HLM.

Autant de chansons qui font grincer des dents. Lui s’en moque, il veut bousculer le système et ses injustices. Ses mots sont des grenades qui explosent à chaque coin de refrain. Le chanteur d’« Hexagone » a beaucoup à dire, habité par ses colères contre le capitalisme, l’Amérique de Bush, l’Angleterre de Thatcher, les religions et les curetons, la société de consommation, le surarmement de l’Occident pendant que les enfants meurent de faim en Ethiopie ou ailleurs.



Renaud, poing levé, a choisi son camp. Il sera du côté des minorités et des opprimés, embrassant tous les combats et les luttes de la gauche dans les années 1980.

D’où vient sa révolte ? Sûrement de sa famille, de son père professeur d’allemand mais surtout de sa mère née dans une famille de mineurs du nord, qui fut ouvrière dans une usine à Saint-Etienne. Quant à son grand-père maternel, mineur lui aussi, il fut un temps membre du PCF, qu’il quitta après un voyage en URSS. Des origines qui expliquent que Renaud a toujours été sensible au monde des travailleurs.

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Renaud © David Séchan Paris 1976

Il s’est intéressé très jeune à la politique. « Crève Salope » sa première chanson écrite pendant Mai 1968 à la Sorbonne dénonçait déjà l’autorité parentale, professorale, « flicarde » et religieuse. Il a seize ans et a déjà participé à quelques manifestations pacifistes, dont une contre la guerre du Vietnam. Alors, quand les événements de Mai 68 éclatent, tout en lui change. Il prend conscience de l’ordre établi, de la notion d’exploitation de l’homme par l’homme, balloté entre les trotskistes, maoïstes, les anarchistes et les manifs du boulevard Saint-Michel.

Chroniqueur émouvant du quotidien, il  exprime ce qu’il pense sur tous les sujets, trouvant souvent le mot juste qui fait réfléchir. Renaud aime prendre position. Il y a eu son combat pour la libération de Mandela aux côtés du chanteur opposé à l’apartheid Johnny Clegg, qu’il ira interviewer en Afrique du Sud pour l’émission « Les Enfants du rock » ; celui pour Ingrid Betancourt, otage des FARC, pour laquelle il écrira « Dans la jungle ». Et puis, il y aura sa présence Place de la République pour l’hommage à ses amis victimes des attentats de Charlie Hebdo.

Renaudest de toutes les causes. Comme ce 8 juillet 1989 où il proteste contre la tenue du sommet des sept pays les plus riches, lors d’un concert gratuit « Ça suffat comme ci ! », à la Bastille pour l’annulation de la dette des pays en voie de développement, avec Johnny Glegg, La Mano Negra et Les Négresses vertes…en compagnie de Gilles  Perrault, l’initiateur du projet, Mgr Gaillot, Alain Krivine ou encore Jack Ralite.

Les hommes politiques ont rarement trouvé grâce à ses yeux. Il reste à jamais nostalgique de la gauche du Programme commun, celle qui a su rassembler en 1981 le PCF, le Mouvement des Radicaux de gauche et le Parti socialiste de François Mitterrand, dont il admirait l’intelligence et la culture, auquel il dédiera sa chanson « Tonton ». « Je n’ai comme arme que les mots et la musique pour me défendre » dit le chanteur humaniste le plus populaire de France, pour qui la chanson est « un cri et un acte de résistance ».

Il a décrit avec justesse la banlieue, les gens du peuple, soutenus les ouvriers en grève: « Je viens des classes moyennes, mais je suis sensible au destin parfois tragique de la classe ouvrière ». Il est venu ainsi à plusieurs reprises à la Fête de l’Humanité, un lieu qu’il aime à cause de son aspect « populaire et politique ». En 1993, devant une foule immense, il y présenta en avant-première, avec Claude Berry et Gérard Depardieu, le film Germinal dans lequel il joue le rôle de Lantier :« Je suis un compagnon de route et j’ai toujours le sentiment en faisant la Fête de l’Huma, de m’inscrire dans une démarche politico-sociale humaniste » confiera-t-il dans l’Humanité, le 15 septembre 2007.

« Fils de Brassens et de mai 68 », comme il le rappelle dans l’hebdomadaire Révolution le 19 février 1986, Renaud a chanté son époque en s’engageant à sa manière, parfois maladroite mais toujours éperdument sincère. Aujourd’hui âgé de soixante-huit ans, il a mis un bémol à sa critique sociale, « fatigué » et « dégoûté » par la barbarie du monde. Une désillusion qui ne n’empêche pas le phénix d’être toujours debout, même s’il préfère désormais s’en remettre à la poésie qui « l’a sauvé et aide à rendre ce monde moins dégueulasse ».

Victor Hache

 

 

 

 

 

 

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