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Brigitte Fontaine. Crédits : JOEL SAGET - AFP

Musique. En ce drôle de monde masqué, on écoute encore et encore l’éternelle reine du Kékéland. A 80 ans, l’immense Brigitte Fontaine chantera ce dimanche soir 6 septembre à l’Olympia, à l’occasion de la réouverture de la salle fermée depuis mars en raison de la crise sanitaire. L’ultime Mamie rock a dynamité, une nouvelle fois, le PCF (paysage de la chanson française) avec son 19ème et nouvel album « Terre Neuve » sorti au début de l’année. Plus punk que la « demie-clocharde » de l’île Saint-Louis, tu meurs !

Superlookée de la tête aux pieds, à 80 ans, Brigitte Fontaine est l’ultime mamie rockeuse- ce qu’elle a confirmé avec son nouvel et 19ème album, « Terre neuve ». Elle assure s’être calmée et continue, quand même, à jouer le décalage, la déglingue… 

D’abord, le look. Ensuite, la voix rauque. Et puis, les albums et les livres. Bienvenue dans le monde de Brigitte Fontaine, née le 24 juin à Morlaix, Finistère. A 80 ans, elle est l’ultime mamie rockeuse- ce qu’elle a confirmé avec son nouvel et 19ème album, « Terre neuve ». Une fois encore, ça déchire grave- même si ce sont des mots rares en son île Saint-Louis, au cœur de Paris. Avec une pointe de sourire, même si elle est enthousiaste pour évoquer ce nouveau CD avec ses dix-sept chansons et intermèdes (appelés là « break « ), la critique parisienne glisse que « Mamie fait de la résistance » et ne manque pas de répéter que Brigitte Fontaine est folle.

Superlookée de la tête (avec lunettes rondes et casque d’aviateur) aux pieds (avec des baskets siglées Margiela), elle répond : « Je ne suis pas folle. Je suis extravagante… ce sont ces têtes de cul de la télé qui m’invitent pour que je vienne faire le clown et qui, après, parlent de Brigitte Fontaine la foldingue… «  On l’a aussi qualifiée de punk- tout juste si elle n’a pas été intronisée marraine du mouvement punk, ce qui lui fait préciser : « Mais j’étais punk avant même d’enregistrer mon premier album ! » C’était dans les années 1960, ce premier album…

   Débarquée de sa Bretagne natale– enfance à Morlaix, adolescence à Brest où elle s’imaginait comédienne et écrivain lorsqu’elle serait adulte, elle fait la connaissance à Paris de jeunes comédiens, Rufus et Jacques Higelin. Ils écrivent une pièce à six mains, la jouent. Puis c’est le temps de la chanson. Chez Saravah, le label de Pierre Barouh. Il y aura, en 1968, un duo Fontaine- Higelin pour une chanson magnifique, « Cet enfant que je t’avais fait » : « Cet enfant que je t’avais fait. Pas le premier mais le second. Te souviens-tu ? Où l’as-tu mis, qu’en as-tu fait. Celui dont j’aimais tant le nom. Te souviens-tu ? »  En 1970, ce sera l’album « Comme à la radio » , enregistré avec les musiciens Areski Belkacem (qui deviendra son mari), Leo Smith et l’Art Ensemble of Chicago. Un album devenu cultissime, vénéré au Japon qui fait de la chanteuse non pas une superstar mais mieux : une diva…

Bien que n’ayant jamais totalement disparu du monde de la chanson, l’habitante de l’île Saint-Louis et voisine un temps de Georges Moustaki et Daniel Auteuil est revenue au premier plan du PCF (paysage de la chanson française) au carrefour des années 1990- 2000. Ce furent, en 2001, quelques chansons, telles « Le Nougat », « Les Zazous » (en duo avec Mathieu -M- Chedid) ou encore « Kékéland » qui donne son titre à l’album et où Brigitte Fontaine, elle la « demie-clocharde »  autoproclamée, se présente comme la « reine des kékés », elle qui avait, pour l’occasion, rameuté de bonnes pointures de la pop (Les Valentins), du rock (Sonic Youth) et aussi du jazz (Archie Shepp). Presque vingt ans plus tard, elle est toujours là, se définissant toujours comme « poétesse » Après sept ans d’absence discographique, elle s’est lancée à la découverte d’une « Terre neuve » parce qu’elle avait envie d’avancer.

A quatre fois 20 ans, elle assure s’être calmée, « j’ai arrêté de faire le clown ». Et continue, quand même, à jouer le décalage, la déglinguepour cacher des blessures profondes, intimes comme les quatre avortements que, jeune femme, elle a subis ? En 1984, dans une émission télé, elle expliquait qu’« il est souhaitable que, quand on écrit quelque chose, on soit le plus exact possible vis-à-vis de ce qu’on voit ou ce qu’on ressent, alors peu importe si c’est noir ou rigolo, ou rigolo et noir en même temps ». Celle qui allait devenir la reine des kékés complétait : « J’ai une prédilection personnelle pour la rigolade avec quelque chose de carabiné. Je fais pas exprès, mais, souvent, c’est comme ça que ça se passe ». Quelques temps avant de partir définitivement le 6 avril 2018, Jacques Higelin, le grand Jacques, son ami et complice de toujours, avait dit simplement : « Brigitte Fontaine, c’est une reine populaire »Gloire à Sa Majesté du Kékéland !

Serge Bressan

                                 TERRE EN VUE

Éternelle reine des kékés, elle s’était faite discrète ces sept dernières années. En réserve du monde de la chanson depuis « J’ai l’honneur d’être » (2013), Brigitte Fontaine n’en avait pas moins publié trois délicieux livres (dont un roman délicieux- « L’Onyx rose » en 2017). En ce début d’année 2020, elle nous est revenue, majestueuse diva du royaume du Kékéland. Elle nous est revenue avec un 19ème album, au titre plein de promesses : « Terre neuve« . Dix-sept chansons et intermèdes pour le premier CD de l’année 2020, rien que ça ! Pour cet ensemble enregistré pour l’essentiel au studio ICP de Bruxelles (là où sont passés aussi bien Charles Aznavour que The Cure, Michel Polnareff que Lady Gaga, Benjamin Biolay que Suede…), exceptionnellement elle n’a pas travaillé avec son mari, l’immense Areski Belkacem.

Elle a fait appel à deux personnages qui, longtemps, ont côtoyé Alain Bashung : l’ingénieur du son et producteur Jean Lamoot et le guitariste Yan Péchin. De ce dernier, elle dit : « C’est un aventurier, un inventeur… Il va de l’avant, comme moi. Nous sommes parfaitement soudés ». Tout juste si elle n’ajouterait pas : « C’est un génie ». Ensemble, ils travaillent depuis quinze ans- « avec Yan, on a fait des concerts… bon, disons plutôt des shows avec de l’impro, c’est toujours un jeu ! »

« Terre neuve », c’est le mix parfait entre énergie punk et émotion. « ‘’Terre neuve’’, parce que notre travail avec Yan Péchin tend vers une terre nouvelle, que nous découvrons avec crainte et plaisir, confie la chanteuse. J’avais envie d’avancer, je savais que j’avais des choses à faire et il fallait que je les fisse. C’est mon album le plus punk « . Égérie magnifique des rockeurs, la dame chanteuse joue, à 80 ans, la dresseuse de loulous, la dynamiteuse d’aqueducs… Peut-être même la nuit, ment-elle… et au petit matin, après avoir fait la saison dans une boîte crânienne, elle nous glisse en ouverture « Le tout pour le tout » (« Je suis le tout / Je suis née pour mourir / Comme tout le monde / Mais je suis le tout / Le tout ne meurt pas ») puis reprend une de ses chansons d’hier- « Les Beaux Animaux », avec des paroles d’aujourd’hui.

Le ton est immédiatement donné, la reine des kékés est en forme, elle maîtrise parfaitement son parlé-chanté unique et inimitable. Et vient « J’irai pas », « Ragilia » ou encore « Vendetta »– musique électrifiée au maximum, texte furieusement énervée, Fontaine cheffe de révolte. Attention ! avec la dame, « terre en vue » comme disaient les explorateurs mais ce n’est pas seulement la promesse d’un monde nouveau : d’une belle voix rauque tannée à la clope et au ballon de blanc, elle prévient que les beaux mâles et les psychiatres tout comme les féministes obtuses n’y ont pas vraiment droit de cité.

                                « Je suis plutôt une actrice musicale »

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Brigitte Fontaine. Getty / David Wolff – Patrick / Redferns

Assise ou allongée sur la banquette, qu’importe ! c’est une tradition, Brigitte Fontaine reçoit dans un bar en son île Saint-Louis à Paris. En janvier 2020, au moment de la sortie de « Terre neuve » – son 19ème album, elle a perpétué la tradition. Morceaux choisis.

Animaux « Je n’aime que les animaux, tous les animaux. Sauf les hippopotames qui ne sont franchement pas sympas. Ça craint, les hippopotames, ce n’est pas de la bonne came. Ils ne m’ont rien fait, il ne manquerait plus que ça. Je ne leur ferais aucun mal, mais qu’ils se tiennent à l’écart ».

Enterrements « On m’a forcée à y aller quand j’étais petite, ça m’a traumatisée. On ne devrait pas emmener les enfants, c’est criminel ».

Femmes « Je n’ai jamais été féministe. Mais tout ce que j’ai fait, depuis toujours, je l’ai fait pour les femmes. »

Légion d’Honneur « Je l’ai acceptée en avril 2017 parce que c’est François Hollande qui me l’a demandé et me l’a remise quand il était président. On a bien rigolé. Je l’ai décoré avec un pin de l’ordre du Babar d’honneur (NDLR : en référence à son surnom au sein du Parti socialiste). J’espérais aussi que cela me protégerait des flics. Eh bien, non !  »

Liberté « Je montre pas ma liberté car je n’en ai pas. Mais je souhaite atteindre de plus en plus  de liberté. Tout le monde en est là, je crois, mais il me semble qu’à peu près personne n’est libre. Quand j’écris, je me sens libre. Ce qui ne prouve pas que je sois libre. Et sur scène, très souvent, je me sens comme libre. Ça ne prouve pas que je le sois. Mais je sens quelque chose comme ça ».

#MeToo « Il y a encore quelques jours, je croyais que c’était le nom d’un chat. Elles font chier parfois avec leurs conneries. Exiger qu’on dise écrivaine, ça me met dans une fureur totale. Un écrivain est un écrivain, qu’il soit mâle ou femelle. Une girafe est une girafe, même si elle est de sexe masculin ».

Mots « J’aime les mots et je crois qu’ils me le rendent. J’ai écrit vingt-deux livres, moins connus que mes activités de chanteuse… Enfin, je suis plutôt une actrice musicale. Petite, je savais que j’écrirai et que je ferai du théâtre. Chanter, c’est arrivé par hasard et j’aime ça. La poésie est faite pour être chantée ».

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