Livres We Culte. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions : on commence le troisième et éblouissant recueil de poésie de la grande Maya Angelou ; ensuite, on plonge avec Guillaume Gomez et Gabrielle Halpern en cuisine et en philosophie qui ont bien plus en commun qu’on ne pourrait le croire, et enfin, on s’enthousiasme pour des secrets d’écriture avec le toujours impeccable Jean-Philippe Toussaint. A toutes et tous, bonne lecture !
Livres de la semaine : les coups de coeur de We Culte
MAYA ANGELOU : « Et pourtant je m’élève »
Actrice, professeure d’université, scénariste, productrice, documentariste, chanteuse… Voix charismatique des droits civiques des Afro-américains… et aussi écrivaine, essayiste ! Maya Angelou (1928- 2014) fut également une éblouissante poétesse. Une preuve ? Son troisième recueil de poèmes paru en 1978 vient de paraître en version bilingue (anglais- français) sous le titre « Et pourtant, je m’élève ».
« Vous entendrez la femme royale, la fille de la rue espiègle, vous entendrez le prix de la survie de la femme noire et vous entendrez sa générosité », commentait le grand James Baldwin (1924- 1987). Trente-deux poèmes, trois parties (« Touche moi, vie, sans douceur », « En voyage » et « Et pourtant je m’élève »).
Au fil des pages, les mots défilent, se bousculent- c’est puissant comme un blues mêlé à un negro spiritual. C’est intime, c’est politique… Difficultés de la vie, maltraitance, drogue, racisme- et cette détermination à surmonter, coûte que coûte, les épreuves. Ni désespoir ni haine de l’autre, sans oublier une pointe d’humour et de délicate provocation. Parce que Maya Angelou ne craignait ni quiconque ni quoi que ce soit pour affirmer : « Je suis une femme / Phénoménalement / Femme phénoménale / C’est ce que je suis ».
« Et pourtant je m’élève » de Maya Angelou. Traduit par Santiago Aztorqui. Seghers, 130 pages, 14 €.
GUILLAUME GOMEZ et GABRIELLE HALPERN : « Philosopher et cuisiner : un mélange exquis »
Il a été le plus jeune cuisinier Meilleur Ouvrier de France, a travaillé à l’Elysée de 1997 à 2020 et, depuis, il est ambassadeur pour la gastronomie, l’alimentation et les arts culinaires. Elle est docteur en philosophie et spécialiste de l’hybridation. Guillaume Gomez et Gabrielle Halpern se sont retrouvés pour une conversation retranscrite dans un livre titré « Philosopher et cuisiner : un mélange exquis ». La promesse d’un moment d’excellence, malgré un mélange improbable (du moins, en apparence)…
Une promesse tenue, de main de chef ! En préface, les deux précisent : « Philosophie et cuisine n’ont-elles vraiment rien à voir l’une avec l’autre ? » Et d’affirmer que cette association permet d’« appréhender le concept d’hybridation en tant que grande tendance de notre temps ».
Au fil des pages, Gomez et Halpern conversent, tentent de répondre à quelques questions : comment réussit-on une hybridation ? ne faudrait-il pas hybrider les formations ou les écoles ? l’hybridation pourrait-elle être une stratégie d’innovation pour les métiers de la restaurations ? En fin d’ouvrage, les deux auteurs sont tombés d’accord : « Mettons-nous tous au travail… on grandit quand on se nourrit de l’autre et quand on permet aux autres de se nourrir de soi ».
« Philosopher et cuisiner : un mélange exquis » de Guillaume Gomez et Gabrielle Halpern. Editions de L’Aube, 136 pages, 14 €.
JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT : « C’est vous l’écrivain »
Donc, l’écriture serait une affaire assez simple. Il suffirait d’avoir sept yeux. Du moins si l’on en croit Jean-Philippe Toussaint, 65 ans, né à Bruxelles et auteur, entre autres, d’un livre cultissime, « La salle de bain » (1985). En ce printemps, il nous revient avec un essai, « C’est vous l’écrivain », paru dans la belle et tout jeune collection « Secrets d’écriture ».
En 176 pages pour un prologue, quatre temps (la source, le cours de l’écriture, l’estuaire et le grand large) et un lexique, voici le lecteur plongé dans un texte sur les coulisses de la création. Le titre de cet essai, c’est au mot près la réponse du patron des Editions de Minuit, Jérôme Lindon, au jeune Jean-Philippe Toussaint qui lui demandait conseil pour quelques modifications à « La salle de bain ».
« C’est vous l’écrivain »… Cet écrivain qui, jusqu’à l’âge de 20 ans, n’avait jamais imaginé consacrer l’essentiel de son temps à l’écriture. Comme si souvent, comme toujours avec Toussaint, c’est dense et fluide. Tel un fleuve qui finirait sa course sur la plage d’Ostende, le parcours d’écrivain est fait, selon Jean-Philippe Toussaint, de psychologie intime et de réflexions universelles. C’est appliqué- avec des jaillissements. Du grand Toussaint, écrivain magnifique !
« C’est vous l’écrivain » de Jean-Philippe Toussaint. Editions Le Robert, 178 pages, 14,90 €.
Serge Bressan
