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Le chanteur québécois revient avec Punkt. Un album rempli de trouvailles sonores où il pose un regard original sur la culture pop.

Votre nouvel album est inclassable. Il est ovniesque dans son format musical, non ?

Pierre Lapointe. Carrément. Je trouve que la chanson francophone tourne en rond depuis plusieurs années. Je sens ce malaise chez la plupart de mes confrères. Particulièrement en France où les gens se sont mis à écrire de la chanson en anglais, comme pour extérioriser ce malaise. Ce qui, à mon avis, est une erreur. Je pense, au contraire, qu’il faut s’attarder sur la chanson française et la faire exploser. C’est ce que j’essaie de faire en créant un terrain de jeu propice à l’explosion. Au Québec, je suis un peu un ovni. Je ne suis pas un artiste en art visuel, mais je fréquente beaucoup ces milieux. J’ai développé une technique de travail qui est plus proche de ce qu’un artiste en art contemporain pourrait faire.
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Punkt est traversé par toutes sortes de sonorités. De quelle couleur musicale rêviez-vous ?

Pierre Lapointe. Ce disque est né d’une volonté de réfléchir à ce qu’est la culture pop. Je me disais : « Est-ce qu’il y a moyen de faire de la chanson réfléchie, construite, tout en réussissant à faire quelque chose d’accrocheur ? » D’où la recherche visuelle pour l’album et la pochette très colorée sur laquelle on a inscrit cinq lettres Punkt, un mot allemand qui signifie poing, comme une signature forte. Un mot décliné comme un logo. Je suis parti des réflexions que j’aie pu observer chez des artistes en art visuel comme Jeff Koons ou Takashi Murakami.

Quelle idée vous faites-vous de la pop sur laquelle vous posez un regard qui n’est pas commun, voire étrange et presque gothique ?

Pierre Lapointe. La mort est pour moi le sujet le plus pop de l’humanité. Alors qu’on pense que c’est l’amour, la joie, la couleur. Elle justifie le sentiment de laisser une trace, d’avoir des enfants, de réussir pour pouvoir exister avant de partir soit de façon violente, jeune, ou de façon naturelle, plus vieux. La Date, l’heure, le moment est une chanson qui parle d’infanticide, un des plus vieux thèmes de la culture occidentale que l’on retrouve dans la dramaturgie grecque et le théâtre antique. Quand on a souhaité utiliser l’orgue d’église, on se disait que l’esthétique du film d’horreur était très pop aussi. Dans Barbara, l’esthétique sadomaso fait également partie de la culture pop. Je trouve intéressant le contraste entre une chanson déstabilisante et une chanson comme les Enfants du diable qui est un clin d’œil à Cocteau, à Jean Genet, avec une espèce d’homo-érotisme, une imagerie érotisante qui est décalée aujourd’hui où tout est plus direct. Ce que je fais est postmoderne. Je n’invente rien. Je marie des univers qui normalement ne seraient pas mariés, en essayant d’en faire quelque chose de cohérent.

Les thèmes sont souvent 
introspectifs. Quelle lecture faites-vous de Nos joies répétitives ?

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Pierre Lapointe. Le but quand j’écris, c’est d’essayer de toucher une certaine émotion universelle. Il y a trois ans à peu près, autour de moi, il n’y avait que des couples qui se séparaient. Ils étaient tous un peu dans les mêmes labyrinthes émotifs. J’ai écrit cette chanson qui est une espèce d’observation lucide sur l’idée de comment on finit par s’approprier la solitude. Elle est là aussi quand on est en couple et pas seulement quand on est seul.

Les mots et les images sont parfois très directs, comme dans les Enfants du diable ou dans la Sexualité. Une façon de bousculer notre écoute ?

Pierre Lapointe. C’est pour ça que je dis que la chanson tourne en rond. Ça s’est poli, aseptisé, certainement à cause de l’industrie qui demandait ça pour les radios, pour ne pas trop choquer. Utiliser de vrais mots en chanson, on dirait que ça surprend. Mais au cinéma, au théâtre, en art contemporain, cela ne pose pas de problème. C’est un peu en réaction à ça que j’ai décidé d’utiliser ces mots-là. Avant j’écrivais des trucs beaucoup plus vaporeux.

Dans vos albums, vous proposez des ambiances différentes : classiques comme dans Seul au piano ou teintées d’étrangeté et de poésie dans la Forêt des mal-aimés. C’est une manière très libre d’aborder la musique.

Pierre Lapointe. C’est le rêve de tout artiste. Ça me dessert aussi. Les maisons de disques en France, je leur fais peur parce qu’elles se demandent comment elles vont vendre ça. Au Québec, l’évolution s’est faite tranquillement. J’ai habitué les gens à être intrigués et attirés par l’idée de ne pas savoir où je vais. Je dis toujours : « Vous avez le droit de ne pas aimer mais vous n’avez pas le droit de dire que ce n’est pas intéressant. » Ça me met dans une classe un peu à part et ça me plaît.

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Pop sensible et émouvante 

De l’audace et de la créativité, Pierre Lapointe n’en a jamais manqué. Star de la chanson francophone chez lui au Québec, il intrigue et séduit grâce à un répertoire parcouru d’albums inventifs tels la Forêt des mal-aimés, Sentiments humains ou Seul au piano. Il revient avec Punkt, un album sorti en février 2013 au Canada, qui arrive en France aujourd’hui. Un opus original et éclectique où l’on balance entre chansons lumineuses d’humeur joyeuse ou mélancolique aux paroles émouvantes et ambiances cabaret-brodway, jazz, gospel, folk-rock ou variété. Une « pop tordue », s’amuse-t-il, teintée de mélodies éminemment sensibles, à l’image de Nos joies répétitives. À découvrir à l’Olympia, où le chanteur sera le 29 janvier, avant de partir en tournée jusqu’au 25 février.

Entretien réalisé par Victor Hache

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