On est fait pour s'entendre
"On est fait pour s'entendre ": ©Julien_Panie-Jerico Pere&Film

Sortie cinéma. Antoine, la cinquantaine, découvre qu’il a perdu beaucoup d’audition. Ce professeur d’histoire n’assume pas son handicap. Il abdique et vit dans sa bulle. Ce qui suscite l’incompréhension de son entourage. Sa rencontre avec Claire, veuve et mère d’une petite fille, mutique depuis la mort de son père, va le pousser à s’ouvrir au monde. Avec son nouveau film « On est fait pour s’entendre », Pascal Elbé nous offre une brillante comédie romantique sur la malentendance mais avant tout sur le manque de communication dans nos sociétés connectées. Rencontre avec le réalisateur-acteur et l’actrice Sandrine Kiberlain que l’on retrouve au générique du film sur les écrans le 17 novembre.


« On est fait pour s’entendre » nous ouvre les yeux et les oreilles


Afin d’assurer la promotion de ce film, vous vous êtes beaucoup déplacés pour le présenter en avant-première en province. Pourquoi ce choix ? 

Pascal Elbé : Les rencontres avec le public dans les salles sont essentielles. Les films existent pour être vus en public. On a fait l’une de nos premières projections à Cucuron dans le département de Vaucluse. Il y avait cent personnes dans un cinéma d’art et essai. C’était génial.

Sandrine Kiberlain : Moi, je suis allée à Guétary. C’était aussi un beau moment. On ne connait véritablement la valeur de notre travail qu’à l’issue d’une projection en public. Pas uniquement devant des professionnels ou lors des journées de promotion à la télé ou à la radio.

On est fait pour s'entendre
« On est fait pour s’entendre » de Pascal Elbé (photo) ©Julien Panie Jerico Films Pere&Films

Pascal vous êtes scénariste, interprète et metteur de scène. Comment vous est venue l’idée de ce film ?

Pascal Elbé : Ces dernières années, je suis passé par le drame et le polar. J’avais envie de refaire une comédie. Et le sujet, je l’avais finalement devant moi, chaque jour, car je suis moi-même malentendant. Mais je n’avais jamais imaginé que ma propre vie pourrait un jour être à l’origine d’un film. J’ai longuement hésité. Mes enfants m’ont encouragé. Et j’ai lu « La vie en sourdine » de David Lodge. Dans ce roman, il évoque cette situation que je connais. Et à partir d’elle, il a bâti un récit universel. Mon film part aussi d’une histoire personnelle pour finalement tenir un propos plus universel. Je ne suis pas le porte-parole des sourdingues. C’est avant tout une comédie romantique. Des histoires de rencontres.



Sandrine Kiberlain : J’ai tout de suite aimé le scénario. J’aime l’autodérision qui s’en dégage. Selon moi, les meilleurs scénarios sont ceux où les auteurs se racontent. J’ai aimé mon rôle, celui d’une fille qui parait d’abord hystérique, indomptable mais qui s’avère avoir de l’esprit et beaucoup de fragilité. Une madame tout le monde qui devient une héroïne

Peut-t-on faire rire avec le handicap ?

Pascal Elbé : Oui car les situations dans lesquelles se retrouvent les malentendants sont parfois tragi-comiques. Ce handicap faisait déjà rire dans le théâtre antique. Quand Antoine, prof d’histoire, annonce à ses collègues qu’il est malentendant, il fait presque un bide. On lui répond : « Je préfère vous savoir malentendant que dépressif » La « malentendance » prend une place importante dans le film mais pas toute la place.

Elle est d’ailleurs à l’origine de la rencontre avec le duo que forment Sandrine Kiberlain et sa fille. La petite qui vient de perdre son père ne parle plus depuis qu’elle est orpheline…

Pascal Elbé : C’est une situation inique : faire se rencontrer un sourd avec une enfant qui décide de rester muette.

On est fait pour s'entendre
« On est fait pour s’entendre « : Sandrine Kiberlain ©Julien Panie Jerico Films Pere&Films

Sandrine, connaissiez-vous le handicap de Pascal ?

Sandrine Kiberlain : Non ! Je pensais que Pascal était parfois à côté de la plaque, distrait, dans son monde. En lisant le scénario, j’ai pris conscience de ce qu’était son quotidien. Notre relation amicale est beaucoup plus forte. Je pense que ce film va le changer. Et modifier le regard qu’on porte sur lui.

La mécanique du film repose sur le quiproquo permanent…

Pascal Elbé : En partie ! Ce handicap impose de faire constamment répéter. C’est fatigant pour tout le monde. Et, à un moment, on ne fait plus répéter, on fait semblant de comprendre. Et, effectivement, les quiproquos sont nombreux. Le personnage principal est dans le dénis avant d’être dans l’acceptation. Il fuit la compagnie des humains au début pour mieux les retrouver ensuite. Mes personnages ressemblent aux gens que je croise, des personnes simples qui ne brillent pas et qui doutent.

Sandrine Kiberlain : Ce film est sociétal. Il dit aussi que dans notre société, on pense trop au regard des autres. C’est une erreur. Ceux qui nous entourent pensent avant tout à leur propre problème. Avant d’aller vers l’autre, il faut commencer par aller vers soi. Quand on est prêt à s’accepter, on peut enfin aller vers les autres.

Pascal Elbé : Ce film est l’histoire d’un homme qui va apprendre à écouter le jour où il sait qu’il est sourd. C’est un peu ce que j’ai vécu. La solitude, que j’aime, et le silence sont mes coéquipiers depuis plusieurs années. Si mon film était un tableau, j’aimerais qu’il fasse penser à une œuvre d’Edward Hopper.



On est fait pour s'entendre
« On est fait pour s’entendre » de Pascal Elbé : « Ce film est l’histoire d’un homme qui va apprendre à écouter le jour où il sait qu’il est sourd  » ©Julien Panie Jerico Films Pere&Films

Pourquoi ?

Pascal Elbé : Hopper était sourd. Le silence était à l’origine de son œuvre mélancolique. Dans la plupart de ses tableaux, les gens ne se font pas face. Il ne se croisent rarement du regard. Ils sont dans leur monde intérieur.

Pour quelles raisons avez-vous choisi Sandrine Kiberlain et Emmanuelle Devos ?

Pascal Elbé : J’étais devant et derrière la caméra. Il fallait donc que je sois tout de suite dans la connivence. Je connais Sandrine depuis 20 ans. Emmanuelle fait partie de ma famille cinématographique. J’ai réalisé mon premier court-métrage avec elle. Quant à François Berléand, j’avais envie de travailler avec lui depuis longtemps, mais je ne le connaissais pas très bien. C’était finalement une évidence.

Et Marthe Villalonga qui joue une mère victime de la maladie d’Alzheimer ?

Pascal Elbé : Elle me fait penser à ma grand-mère. J’avais besoin que l’ambiance sur le tournage ressemble au propos du film. Une histoire où les gens finissent par former une famille.

Entretien réalisé par Christian Panvert


  • A voir : « On est fait pour s’entendre » de Pascal Elbé, avec Sandrine Kiberlain, Pascal Elbé, Valérie Donzelli, Emmanuelle Devos, Marthe Villalonga. Sur les écrans le 17 novembre.

 

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