Le chanteur revient avec le très beau Après moi le déluge. Un album traversé par le thème de l’amour, aux mélodies mélancoliques qu’il s’apprête à faire découvrir le 13 mai à l’Olympia.
Dans le titre générique d’Après moi le déluge, vous avez ces mots « après moi, je veux qu’on soit malheureux ». C’est étrange comme tournure d’esprit, non ?
Alex Beaupain. Je suis persuadé que tout le monde pense comme ça. C’est même encore pire, puisque je dis : « Je sais, c’est moi qui t’ai quitté ». C’est-à-dire que non seulement je quitte les gens, mais en plus, je veux qu’ils soient dans le plus profond malheur et qu’ils ne retrouvent jamais quelqu’un de mieux. Ce n’est pas un sentiment très joli mais qu’un jour ou l’autre, on éprouve tous lorsqu’on revoit nos ex avec leurs nouveaux amoureux. Je crois que la jalousie continue de subsister et tant mieux parce que ça veut dire qu’on s’est aimés. Quant à écrire des chansons d’amour, autant aller gratter là où ça fait mal.
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Quelle lecture faites-vous
de la chanson Je peux aimer pour deux ?
Alex Beaupain. C’est une chanson masochiste. Il y a un registre dans la chanson francophone du sentiment masochiste. Ne me quitte pas, c’est une grande chanson masochiste. La mienne, Je peux aimer pour deux, est plus
évidemment sexuelle que celle de Jacques Brel, mais enfin « Laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre, l’ombre de ton chien », ça va aussi dans cette idée-là. J’assume et pour être sincère, je parle d’un sentiment qu’un jour ou l’autre, j’ai éprouvé. Mais pour que cela devienne une chanson
intéressante, émouvante, j’exagère et je force le trait. C’est là où il y a acte de création. Si je racontais ma vie platement, cela n’aurait aucun intérêt. Ce qui est intéressant, c’est d’exagérer les choses. C’est ça qui apporte un certain lyrisme. Les chansons qui sont de l’ordre de l’anecdote ne m’intéressent pas beaucoup, comme auditeur.
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On a l’impression que vous ne sauriez vous passer de l’amour, thème infini et universel s’il en est, qui traverse tout votre album…
Alex Beaupain. Ce ne sont que des chansons d’amour, même si ce n’est pas Fragments du discours amoureux. Le problème que j’ai et que j’assume maintenant, c’est que je n’arrive pas à écrire autre chose que des chansons d’amour. Il y a des gens qui sont très forts pour écrire de la chanson engagée, d’autres qui écrivent très bien sur des personnages. Moi, j’ai essayé de le faire, mais je trouve que le résultat n’est pas très bon. Ce n’est pas crédible dans ma bouche. Ça ne va pas, je suis un peu embarrassé. Avec le thème de l’amour, ce qui est intéressant, c’est de changer d’angle. On peut raconter plein de choses. C’est un thème universel. Mes chansons évoquent des expériences qui me sont intimes. L’objectif, c’est d’arriver à toucher les gens avec des histoires qui peuvent être personnelles mais qui parlent aux autres.
D’où vient le sentiment de désespérance, la mélancolie, qui parcourt votre répertoire ?
Alex Beaupain. C’est la vie. Il suffit d’être un peu lucide pour se rendre compte que la vie est profondément désespérante. Déjà, ça finit toujours mal. L’idée de vieillir n’est pas une perspective agréable. Je me suis aperçu que les chansons que j’écoute, qui me plaisent le plus, sont souvent celles qui sont tristes, désabusées. Inconsciemment, peut-être que je reproduis ces sentiments-là. C’est très compliqué d’écrire sur une idylle au cinéma, dans les romans. On a besoin de drame pour que les choses existent. Il faut beaucoup de talent pour écrire une chanson d’amour joyeuse. Peu de gens y arrivent sans sombrer dans la mièvrerie. Trénet avait ce talent, Daho quelquefois dans des chansons d’amour un peu exaltées qu’il a comme ça. Sans doute a-t-il plus de candeur que moi.
Vos chansons rappellent parfois les univers d’Alain Souchon ou encore de Julien Clerc. Vous reconnaissez-vous une filiation avec
ces artistes ?
Alex Beaupain. Ce sont des gens dans lesquels je me reconnais vraiment parce que je pense profondément que je suis un chanteur de variété, même si c’est un terme un peu galvaudé. Je ne trouve pas que ce soit honteux du tout, au contraire. On manque aujourd’hui de nouveaux chanteurs de variété qui font ce que faisaient, il y a quelques années, des Alain Souchon, Julien Clerc, ou même Francis Cabrel. C’est Alain Chamfort qui disait : « La variété, il ne faut pas laisser ça aux gens qui méprisent le genre. » Je pense qu’on a abandonné le terrain à ces gens-là. Aujourd’hui, soit on est classé dans la musique « indé », soit on est un « commercial qui tache ». Moi, je crois qu’il y a un entre-deux dans lequel des gens talentueux sont allés, avec des textes, des mélodies.
Album Après moi le déluge, AZ/Universal. Concert le 13 mai à l’Olympia, 28, boulevard des Capucines, Paris 9e. Tél. : 0 892 683 368.
Vague À l’âme amoureux
Révélé en 2008 avec la BO du film Chansons d’amour de Christophe Honoré et après trois albums, Alex Beaupain revient avec un opus au fort sentiment amoureux. Traversé par le thème de l’amour, son quatrième album, Après moi le déluge, reflète les désillusions d’une génération souvent désenchantée. Un registre sentimental où les « histoires d’A » s’accompagnent de contours mélancoliques ou nostalgiques. Évoquant le temps qui passe, il y fait part de son vague à l’âme dans des ambiances à la Alain Souchon (Ça ne m’amuse plus) ou Julien Clerc, qui lui a composé Coule. Les textes sont justes et les mélodies sensibles, romantiques ou pop. À l’image de Contre le vent signée de la Grande Sophie. Un album très réussi à découvrir à l’Olympia où il sera le 13 mai.
Entretien réalisé par Victor Hache