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"Tout le monde aime Jeanne" : Jeanne (Blanche Gardin), au bord de la faillite, est dépressive mais sa petite voix intérieure lui permet de tenir bon (©Les Films du Worso/O som e a furia).

[Sortie cinéma] Une comédie sur la dépression? Il fallait oser, et la jeune réalisatrice Céline Devaux l’a fait, avec brio: « Tout le monde aime Jeanne », son premier film qui sort sur les écrans ce mercredi 7 septembre, est une petite merveille d’humour doux-amer, drôle et mélancolique, avec un duo d’humoristes-acteurs savoureux, Blanche Gardin et Laurent Lafitte.


« Tout le monde aime Jeanne » : un film plein d’humour, avec Blanche Gardin


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« Tout le monde aime Jeanne » : Laurent Lafitte et Blanche Gardin » (©Les Films du Worso/O som e a furia)

La première interprète Jeanne, jeune femme d’affaires célibataire à qui tout réussit (une journaliste la qualifie même de « femme de l’année ») jusqu’au jour où son brillant projet de récupération de déchets plastiques sous-marins échoue et qu’elle se retrouve moquée sur les réseaux sociaux, lâchée par ses investisseurs et donc endettée, sans perspective d’avenir proche.

La déprime, voire la dépression, pointe son nez quand elle décide de se rendre à Lisbonne pour vendre le superbe appartement que leur a légué, à elle et son frère, leur mère qui s’est suicidée un an auparavant. Une mère qui entretenait des rapports difficiles avec ses deux enfants, mais dont le souvenir les hante.

Camarade de classe

C’est à l’aéroport qu’elle rencontre par hasard Jean (Laurent Lafitte), un ancien camarade de classe du lycée français de Lisbonne, un peu fantasque et un peu envahissant, qui prend le même vol qu’elle. Il se souvient d’elle, toujours première de la classe et admirée de tous, dont on disait souvent « Tout le monde aime Jeanne », lui rappelle-t-il.



Arrivée dans la capitale portugaise, Jeanne est accueillie par son ex, Vitor, désormais marié et père d’un bébé. Jean et elle échangent leurs numéros de téléphone. Et ils vont se revoir, le temps qu’elle rumine ses idées noires et rencontre plusieurs agents immobiliers pour la vente de ce superbe appartement de quatre pièces, avec une terrasse qui offre une vue magnifique sur Lisbonne…

Petite voix intérieure

Présenté à la Semaine de la critique en marge du Festival de Cannes 2022, ce premier film de la jeune réalisatrice Céline Devaux, 35 ans, est particulièrement réussi. Notamment grâce à une astuce de réalisation, qui donne l’essentiel de l’humour à ce film: la voix off, qui est celle de la petite voix intérieure de Jeanne, est souvent illustrée par de mini-séquences qui la représentent en petit personnage animé (à voir ici et dans la bande-annonce) dessiné par la réalisatrice elle-même.

« C’est une créature chevelue, ni homme ni femme, qui harcèle Jeanne toute la journée. Une sorte de représentation de la honte. C’est aussi la mémoire de toutes les voix entendues qui s’accumulent dans le cerveau de Jeanne », explique Céline Devaux, qui avait déjà utilisé ce procédé dans le deuxième de ses courts-métrages, GROS CHAGRIN, primé à la Mostra de Venise en 2017. Le premier, LE REPAS DOMINICAL, avait été présenté au Festival de Cannes 2015 et obtenu le César du meilleur court-métrage l’année suivante.

En partie autobiographique

TOUT LE MONDE AIME JEANNE est en partie autobiographique puisque, comme Jeanne, la réalisatrice a vécu à Lisbonne dans son adolescence et y a connu des moments de déprime: « J’avais réalisé que c’était très difficile d’être angoissé dans un endroit très beau », dit-elle.

Le film est subtil, raconté sur un ton léger et drôle, aux scènes d’un intérêt parfois inégal, mais bourré de nostalgie. Il y est question de relations sœur-frère (Jeanne est aidée et aimée par son grand frère, personnage attachant interprété avec finesse par Maxence Tual), mais surtout mère-fille. Jeanne, pendant son séjour, n’arrête pas de penser à sa mère et se culpabilise de ne pas l’avoir assez aimée et d’avoir eu des rapports conflictuels avec elle (qui apparaît parfois à l’écran dans ses rêves, sous les traits de Marthe Keller) –et ces pensées constituent la colonne vertébrale du film.

Moments d’émotion

Tout cela instille de nombreux moments d’émotion dans un récit où domine l’humour, avec une Blanche Gardin omniprésente et désormais actrice reconnue, après notamment des films comme SELFIE#JESUISLÀ, EFFACER L’HISTORIQUEFRANCE notamment.



C’est le personnage principal, mais le plus original est celui de Jean, déroutant, bavard, insolent, cynique, cleptomane, menteur, cool, rebelle, drôle, ex-dépressif. On croit qu’il se donne un genre, mais il dit simplement ce qu’il pense, au premier degré: « Il est libre, il admet sans détours que la vie c’est difficile, que travailler c’est pas son truc, il parle de ses problèmes mentaux sans aucun complexe ni aucune honte. Il n’a pas peur, contrairement à Jeanne qui a peur de tout », explique la réalisatrice.

Duo idéal Blanche Gardin-Laurent Lafitte

Dans ce rôle, Laurent Lafitte, vu récemment dans L’HEURE DE LA SORTIENOUS FINIRONS ENSEMBLE, L’ORIGINE DU MONDE (son premier film comme réalisateur), LOIN DU PÉRIPH notamment, confirme ses talents d’acteur et forme un duo idéal avec Blanche Gardin. « Laurent a un spectre de jeu humoristique énorme, ça passe aussi par le corps, par les pauses, par les temps, les silences », dit de lui Céline Devaux.

Tout le monde aime Jeanne, Jeanne est la seule qui se déteste, mais cela va s’arranger –ce n’est pas vendre la mèche que de dire que ce film agréable, charmant et émouvant, jolie carte postale de Lisbonne et pas du tout déprimant, se termine bien. TOUT LE MONDE AIME JEANNE? Exceptés quelques intellos coincés, critiques pisse-froid, cinéphiles sévères ou spectateurs blasés, tout le monde va aimer ce film: un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie (mais pas dépressive).

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « La banque, elle vous prête un parapluie quand il fait beau » (l’avocate de Jeanne, qui lui annonce qu’elle est au bord de la faillite, au début du film).


  • A voir : « Tout le monde aime Jeanne » (France, 1h35). Réalisation: Céline Devaux. Avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual (Sortie le 7 septembre 2022)

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