film in the mood for love
Maggie Cheung et Tony Leung dans "In the Mood for Love" de Wong Kar-Wai

#Confinement. En ces temps si particuliers et parce que nous vivons une période inédite, WECULTE a proposé à ses journalistes de laisser libre cours à leur imagination afin de nous faire rêver. Aujourd’hui, Virginie Gatti nous invite à revoir le film « In the Mood for Love », de Wong Kar-wai. Une expérience de cinéma où l’attirance de Chow pour madame Chan tout en frôlement, dans le Hong-Kong des années 1960, révèle à chaque plan une mise en scène élégante, tout en retenue. Avec deux acteurs inoubliables, Maggie Cheung et Tony Leung. Un film qui réinvente l’amour, disponible en ligne ou en DVD.

Avec « In the Mood for Love », le cinéaste Wong Kar-wai ne montre pas frontalement une histoire amoureuse en train de s’éveiller, il la désigne d’un revers de caméra, un geste soupçonné, un sourire esquissé, un port de tête suggéré. Tout est élégance, tout est maîtrisé

film in the mood for loveIn the Mood for Love, de Wong Kar-wai, 1 h 38 mn, France/Hong-Kong, 2000. En dvd à partir de 18,99 euros, fnac.com

Il  y a des films qui s’impriment en vous, vous impressionnent, vous marquent au fer rouge longtemps après la fin de la séance. A tel point que vous restez saisi sur votre siège, incapable de rejoindre la réalité avec l’espoir que le projectionniste va relancer la bobine. En vain. « In the Mood for Love », de Wong Kar-wai,  appartient à ces moments sublimes de cinéma où le spectateur, à l’instar de Mia Farrow, dans la Rose pourpre du Caire, est dans la position de traverser le miroir pour être Chow et madame Chan. Une expérience de cinéphile étrangement charnelle. 

Il y a des films dont les personnages restent gravés en mémoire. Le réalisateur fétichise les corps de Tony Leung (Chow Mo-wan) et Maggie Cheung (Chan Li-zhen). Comment ne pas oublier le rituel (ce qui habille le réel) du frôlement à la tombée de la nuit dans une ruelle, quand madame Chan va chercher un bol de soupe, le regard de Chow posé sur elle. Tout en ralentis, images arrêtées, saturation des couleurs pour dévoiler par touches impressionnistes le sentiment et le désir amoureux. Comment ne pas revoir les 26 robes iconiques de Maggie Cheung, la même et toujours une autre, portées avec une grâce (26, la même et toujours une autre) rêvée, comme une seconde peau épousant une allure et une démarche graciles ? Ou la cigarette de Tony Leung.

D’une intrigue répétée à l’envie depuis que le cinéma existe  – un homme et une femme chacun marié éprouvent une attirance l’un pour l’autre–  Won Kar-wai la redécouvre. Des unités de lieux restreints et suffocants, une pension de famille, un coin de rue, des bureaux cernent le couple. Ils vont se parler à demi-mots, se croiser, s’effleurer. Il est feuilletoniste pour des journaux populaires, elle le lit chaque soir. « Nous ne serons jamais comme eux », se promettent-ils après avoir découvert l’adultère de leurs conjoints. Le cinéaste ne montre pas frontalement une histoire amoureuse en train de s’éveiller, il la désigne d’un revers de caméra, un geste soupçonné, un sourire esquissé, un port de tête suggéré. Tout est élégance, tout est maîtrisé et le spectateur se fera une idée de la fin de l’histoire : après un trajet en taxi, que se passe-t-il derrière un rideau tiré sur une chambre. Ont-ils osé ? Ont-ils franchi le pas ?

Il y a des films qui laissent en tête  une bande originale, la somptueuse musique de Michael Galasso. Elle soutient, elle accompagne le film aussi indispensable que le souvenir de cette brève rencontre. A sa sortie en 2000, des critiques ont accusé Wong Kar-wai d’avoir réalisé un clip amélioré, d’avoir assemblé des images réservées aux magazines de mode luxueux. C’est oublier qu’il a fait œuvre de cinéaste en défiant l’impossible : réinventer plan après plan, par la place de la caméra, la naissance d’un amour. Epuré, sanctifié, indémodable. Avec la douleur secrète de quelque chose à vivre encore. Un amour  en suspens.

Pourquoi se ressourcer en revoyant « In the Mood for Love » en ces temps de confinement ? Le film construit l’imaginaire, il donne, par la beauté des images, l’espoir que l’attente, le temps long, le répit ouvre sur un ailleurs. Se recentrer sur  l’essentiel, loin des scories de la société de consommation, cette hypnose de masse, circuit de profits immédiats pour éviter toute frustration. Loin de la main de madame Chan sur le bras de Chow. Loin du sens et de la sensation.

Texte Virginie Gatti

  • « In the Mood for Love », de Wong Kar-wai, 1 h 38 mn, France/Hong-Kong, 2000. En dvd à partir de 18,99 euros, fnac.com

WECULTE vous conseilleBeaux-arts. Voyage à l’intérieur d’un tableau de Félix Vallotton

 

 

 

 

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.