andré bouny huit destins de femmes
André Bouny publie "Huit destins de femmes. Une férocité ordinaire"

Livre. Sophie, Cheyenne, Bantoue, Nuna, Elena… André Bouny dans « Huit destins de femmes. Une férocité ordinaire » redonne vie à des héroïnes ordinaires oubliées. Elles nous emportent de continent en continent, corps et âme, à travers le temps et l’espace de la terre plurielle.

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André Bouny publie « Huit destins de femmes. Une férocité ordinaire »

Dans son livre posthume, « Une farouche liberté », Gisèle Halimi désigne dès l’enfance « la malédiction de naître femme ». Les « Huit destins de femmes. Une férocité ordinaire », instants de vies contrariées en sont le reflet et le constat. Du XIXe siècle avec Sophie du Quercy au XXIe siècle avec Zareena de Wana, au Pakistan, à chaque portait, André Bouny restitue avec précision et le sens de la phrase le contexte historique, moral et culturel. Le rapt, l’enlèvement, la torture, la dissociation, l’une perd l’ouïe, l’autre le parler et le sommeil, relient Sophie, Cheyenne, Elena, Nuna, Folasade, Roja, Bantoue et ZareenaAucune d’entre elles n’échappe à la mort une fois la mauvaise rencontre accomplie, la horde sauvage, selon les termes de Freud, qui s’abattent sur des corps trop exposés, des visages dévoilés, offerts l’espace de quelques brefs répits au monde.

livre "huit destins de femmes"Cheyenne des Grandes Plaines (1915-1930) voit sa mère tuée sous ses yeux par des Européens à la conquête de l’Ouest sauvage. Spoliation culturelle, bannissement de la langue d’origine, enrôlée dans un  programme d’assimilation, elle est prise de force par des religieuses de l’Église anglicane, en accord avec les fonctionnaires de l’administration fédérale. Rebaptisée Josèphe. « Nous appartenons à la nature, tandis que les Blancs pensent qu’elle leur appartient », se répète-t-elle. Car chacune de ses héroïnes sacrifiées puisent au fond de sa mémoire inviolée, protection infranchissable, la restitution du cours intérieur de conscience : elles s’appuient sur les souvenirs des rituels familiaux, les enseignements de la coutume. Une forme de résistance expérimentée par les prisonniers des camps d’extermination qui se récitaient poèmes et textes littéraires pour ne pas oublier, s’inscrire dans un autre présent.

L’un des récits les plus impressionnants – celui qui imprime la chair et l’esprit du lecteur et de la lectrice – suit les pas de Roja de Chinchero (1965-2010). L’auteur est dans ses traces dans la montagne aux côtés de son lama et de ses jeunes alpagas. Roja, célibataire dans une société dominée par le masculin, vit en autarcie entre ses animaux et ses plantations. Mais la venue dans les bois du « soldat-aventurier », qui n’accepte pas son indifférence à son égard, aura eu raison d’une indépendance menée sans bruit. Étranglée : « Un des petits alpagas était couché contre elle, l’autre poussait de la tête la main tavelée et inerte qui ne répondait pas. Insistait. »

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André Bouny

Face à la sauvagerie des actes commis, aux violences adoubées par la loi et la règle du plus fort, au joug de l’acculturation, à la perte de soi, ce qui rend soutenable le cours de l’histoire est la manière dont l’auteur habille le réel. Comment il redonne à ces êtres vaincues par une régression de civilisation, l’insupportable féminin, le droit à la poésie, à s’appartenir tout entière. Ce recueil comme une chambre à soi.

Virginie Gatti
« Huit destins de femmes. Une férocité ordinaire » d’André Bouny  – HDiffusion, 118 pages, 19 euros

 

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