florent marchet garden party
Florent Marchet : "Ecrire une chanson, ce n’est pas rien pour moi" @Charlotte Equerré

Musique/interview. Huit ans après « Bambi Galaxy », Florent Marchet fait son grand retour avec « Garden Party », un magnifique album sur le fil des émotions, aux ambiances mélancoliques. Un disque aux sentiments vrais qui nous remuent profondément, où il parle de la beauté et de la fragilité de la vie, de ses bonheurs et de ses peines avec une infinie sensibilité. A découvrir lors de sa tournée partout en France et à La Cigale à Paris le 2 février 2023.


Florent Marchet sort « Garden Party » : un album majuscule


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Florent Marchet : « quand on a des enfants, on tendance à se refaire le film de son adolescence et de sa jeunesse » (photo) Marie Rouge

Depuis son premier opus « Cargilesse », Florent Marchet observe le monde avec justesse et tendresse. Huit ans après le galactique « Bambi Galaxy », un disque concept aux accents de pop spatiale, le chanteur originaire de Bourges revient avec « Garden Party ». Un album aux contours littéraires, qui nous touche parce qu’il parle de nos vies, des bonheurs simples et des peines, des murs auxquels on se heurte, dont on se remet plus ou moins bien. Des chansons qui racontent les pavillons de son quartier, la fragilité de l’existence, les étés à Paris, la famille, les souvenirs d’enfance à la campagne, les espoirs et les tourments de l’adolescence, le désir de partir loin, parfois.

La mélancolie agrémentée d’une pointe de nostalgie est son terrain d’écriture, mais s’il s’attarde sur sa jeunesse, c’est pour mieux se comprendre et se sentir vivre au présent. Florent Marchet au fond, n’a jamais cessé de poser la question de notre place sur terre. Il le fait avec une infinie sensibilité et toujours cette envie d’échanger et de partager ses émotions au plus près du public.

Après une trentaine de dates dans de petites salles ou chez l’habitant en piano solo, ce qu’il n’avait encore jamais fait, il repart en tournée avec un spectacle intimiste où il évoluera dans des ambiances de lumières théâtrales, réalisé avec la complicité du scénographe James Brandiny. Un concert en compagnie d’un musicien multi-instrumentiste, où Florent Marchet sera au piano, autour duquel s’articule cet album majuscule.

Dans «De Justesse », la chanson d’ouverture, vous évoquez la fragilité de la vie et la peur de perdre son enfant. Un sentiment qui vous traverse en tant que parent ?

Florent Marchet : Lorsqu’on est enfant et surtout adolescent, on a un sentiment de surpuissance très fort. On a l’impression d’être immortel et cela, à la maturité venant,  s’atténue. Il a fallu que j’ai des enfants pour prendre conscience de la fragilité de l’existence. Moi-même, je voulais repousser les limites pour sentir la beauté de l’existence à travers le risque. Quand on a eu une adolescence un peu chaotique et qu’on a été une tête brulée, on a tendance, quand on a des enfants, à se refaire le film de son adolescence et de sa jeunesse. Du coup, on est plus concerné par ce sentiment de la perte, avec la certitude qu’on est à peu près tous des miraculés (rires). Déjà, parvenir à l’âge adulte, cela peut être une forme de petit miracle.

Comment sont nées les histoires de « Garden Party », qui ont quelque chose de littéraire, un peu comme des nouvelles ?

Florent Marchet : J’ai besoin de temps pour formuler ma pensée. Et l’écriture, c’est ce temps long. Ecrire une chanson, ce n’est pas rien pour moi. C’est à la fois essayer de mieux comprendre le monde en l’exprimant à travers ce format. Être heureux, c’est une donnée importante. J’ai réalisé qu’en faisant des musiques de film, avec des réalisateurs où on ne parle que d’artistique, ou écrivant seul sur un roman (« Le Monde du vivant » paru en 2020 chez Stock) »… ce sont des moments où j’ai été le plus heureux de ma vie. C’est  formidable de passer son temps à faire des choses qu’on aime comme écrire, faire le jardin ou la cuisine. Trois activités où je m’éclate, où je me sens bien avec mes proches, mes enfants. C’est une vie toute simple, mais qui me correspond. J’ai du mal à gérer les choses qui sont de l’ordre du business. Je n’ai pas le sens du commerce : je n’aime pas ça.



Quelle idée vous faites-vous de la famille, dont vous parlez beaucoup ?

Florent Marchet : C’est tout à la fois. Je ne crois pas ceux qui disent que la famille ce n’est que du bonheur, du partage, de l’amour où à l’inverse que c’est la pire de l’existence. La famille c’est d’une complexité terrible, parce que cela pose la question de sa place dans l’existence. Dans la vie, on est constamment mouvement et la famille, c’est l’inverse. Ce qui est étonnant, c’est de voir le nombre de gens qui se sentent comme « empêchés » dans leur existence, qui ne s’autorisent pas. C’est pour cela que c’est toujours compliqué, les fêtes de Noël, parce que chacun reprend une place qu’il a mis des années parfois à fuir. On a trop tendance à dire que la famille c’est uniquement les liens du sang. C’est vrai qu’on a un terreau très prégnant qu’est l’enfance, dont on ne se départi jamais. Mais j’accorde autant d’importance et même plus, à la famille élective, celle qu’on se crée. Je suis autant le résultat des amis que j’ai pu rencontrer, une fois que je me suis émancipé, ce qui me permet de continuer de grandir.

La nostalgie, c’est un sentiment qui vous habite ?

Florent Marchet : J’ai beaucoup de mal avec le passé. Si j’en parle, c’est pour essayer de me comprendre et faire ce travail d’introspection. J’ai détesté mon adolescence et j’ai eu des moments de l’enfance qui ne sont pas très heureux non plus. Il y a eu des instants de joie, mais j’étais un enfant extrêmement angoissé. Je n’ai pas aimé le monde dans lequel je vivais, le modèle scolaire dans lequel j’ai évolué. Un modèle qui était assez violent, mais aujourd’hui, il y a beaucoup d’instituteurs, qui seraient condamnés par la justice. Je l’ai extrêmement mal vécu. Je suis moins nostalgique que mélancolique. C’est très dur de me défaire de la mélancolie. Les gens qui disent qu’après 40 ans, la vie est passée et qu’il n’y a plus rien, je trouve ça terrible. Pour moi, mes plus belles années, c’est en ce moment que je les vis, même si être heureux est une chose quasiment impossible dans le monde tel qu’il est, violent, injuste.

Le piano occupe une grande place dans l’album. Que représente-til pour vous?

Florent Marchet : C’est un confident, un ami rassurant. Mes parents n’aiment pas trop les chiens et enfant je rêvais d’en avoir, comme tous les mômes. A la place, il y a eu un piano qui est arrivé à la maison. Cela m’a permis de passer beaucoup de temps en compagnie de cet instrument, encore aujourd’hui. Et c’est vrai que pour cet album mes histoires sont nées, avec mon cahier qui est toujours à côté du piano.



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Florent Marchet @Charlotte Equerré

Adolescent, vous étiez plutôt William Sheller ou Freddie Mercury ?

Florent Marchet : A l’époque, j’étais boulimique de styles. J’étais plus Sheller, parce que grâce à lui il m’a fait aimer plein de genres différents. J’aimais les biographies pop qui m’ont conforté en ce sens. Je me rendais compte que tel artiste pouvait écouter beaucoup de punk ou de musique contemporaine, des choses qui sont radicalement différentes de ce qu’il fait ordinairement. Cela me fascinait et m’a permis de comprendre que si la chanson ne se nourrissait que de chanson, il y avait quelque chose de consanguin, qu’il fallait s’en méfier. On aime des artistes parfois des siècles après, parce qu’ils ont apporté un éclairage nouveau à la musique. Pour cela, il faut être ouvert sur le monde et avoir digéré plein d’influences et de choses différentes.

Vous avez grandi dans le Berry et avez souvent dit que aviez «toujours ce complexe du mec qui vient de la campagne ». Vous sentez-vous plus légitime aujourd’hui ? 

Florent Marchet : Non. Ce n’est pas qu’une histoire de campagne. Je mettrais plus cela sur le dos d’une classe sociale. Je venais du Berry, une campagne assez défavorisée, et Paris était perçu par les gens de ce territoire, comme quelque chose d’inaccessible. Je n’étais pas à ma place. Quand on arrive dans la capitale, on vous le fait bien sentir. Encore maintenant, j’ai beaucoup de difficulté à être à l’aise dans certains milieux non pas « intellectuels », un mot que je n’aime pas, mais « culturels ». Cela fait 20 ans que je vis de ma musique et Paris m’a permis de rencontrer plein de gens aux hasard de soirées et d’être sauvé par des projets. Peut-être qu’un jour je revivrai à la campagne. J’aimerais beaucoup avoir des animaux et continuer à écrire dans cette atmosphère-là.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Album « Garden Party » -Labréa / Wagram. En tournée depuis le 30 septembre partout en France, concert à la La Cigale le 2 février 2023.

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